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publics, qui le flattaient et l'opprimaient; qu'on s'imagine ces personnages d'abord exposés sur la scène et nommés par leur nom, ensuite (lorsqu'il fut défendu de nommer) si bien désignés par leurs traits et par toute espèce de ressemblance, qu'on les reconnaissait en les voyant paraître; et qu'on juge de là combien le génie comique, animé par la jalousie et la malignité républicaine, devait avoir à s'exercer!

Ainsi la poésie trouva tout disposé comme pour elle dans la Grèce ; et la nature, la fortune, l'opinion, les lois, les mœurs, tout s'était accordé pour la favoriser.

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Il sera bien aisé de voir à présent dans quel du monde elle a trouvé plus ou moins de ces avantages.

autre pays

J'ai déjà dit que, chez les Romains, elle s'était fait une prosodie modelée sur celle des Grecs ; mais n'ayant ni la lyre dans la main des poètes pour soutenir et animer les vers, ni les mêmes objets d'éloquence et d'enthousiasme, ni ce ministère public qui la consacrait chez les Grecs, la poésie lyrique ne fut à Rome qu'une stérile imitation, souvent froide et frivole, presque jamais sublime. Voyez Lyrique.

La gravité des mœurs romaines s'était communiquée au culte : une majesté sérieuse y régnait ; la sévère décence en avait banni les grâces, les plaisirs, la volupté, la joie. Les jeux, à Rome, n'étaient que des exercices militaires ou des spec

tacles sanglants; ce n'étaient plus ces solennités où vingt peuples venaient en foule voir disputer la couronne olympique. Un poète, qui, dans le cirque, serait venu sérieusement célébrer le vainqueur au jeu du disque ou de la lutte, aurait excité la risée des vainqueurs du monde. Rome était trop occupée de grandes choses pour attacher de l'importance à de frivoles jeux : elle les aimait, comme on aime quelquefois une maîtresse, passionnément, et sans l'estimer..

Si quelquefois la poésie lyrique célébrait dans Rome des triomphes ou des vertus, ce n'était point le ministère d'un homme inspiré par les dieux ou avoué par la patrie ; c'était le tribut sonnel d'un poète qui faisait sa cour, et quelquefois l'hommage d'un complaisant ou d'un flatteur.

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On voit donc bien qu'en supposant Rome plée de génies faits pour exceller dans cet art, les causes morales qui auraient dû les faire éclore et les développer n'étant pas les mêmes que dans la Grècé, ils n'auraient jamais pris le même accroissement.

La poésie épique trouva dans l'Italie une partie des avantages qu'elle avait eus dans la Grèce, moins de variété pourtant, moins d'abondance et de richesses, soit dans les descriptions physiques, soit dans la peintures des mœurs; mais ce qu'elle eut à regretter surtout, ce fut l'obscurité des temps appelés héroïques.

Les événements passés demandent, pour être

agrandis aux yeux de l'imagination, non-seulement une grande distance, mais une certaine vapeur répandue dans l'intervalle. Quand tout est bien connu, il n'y a plus rien à feindre. Depuis Numa jusqu'à Auguste, l'enchaînement des faits était écrit et consigné. Le petit nombre des fables répandues dans les annales étaient sans suite, comme sans importance. Si le poète eût voulu exagérer les faits et leur donner des causes étonnantes et merveilleuses; non-seulement la sincérité de l'histoire, mais la vue familière des lieux où ces faits étaient arrivés, les eût réduits à leur juste valeur. Comment exagérer aux yeux de Rome la défaite des Volsques, ou celle des Sabins? Le seul sujet vraiment épique qu'il fût possible de tirer des premiers temps de Rome, est celui Virgile a pris, parce qu'il est un des derniers rameaux de l'histoire fabuleuse des Grecs.

que

Les événements, dans la suite, eurent plus de grandeur, mais de cette grandeur réelle que la vérité historique présente toute entière et met au-dessus de sa fiction. Les guerres puniques, celles d'Asie, celles d'Épire, d'Espagne, et des Gaules, la guerre civile elle-même, ne laissaient à la poésie sur l'histoire, que l'avantage de décrire les mêmes faits, et de peindre les mêmes hommes, d'un style plus élevé, plus harmonieux, plus animé peut-être, et plus haut en couleur; mais ni les causes, ni les moyens, ni les détails intéressants, rien ne pouvait se déguiser.

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Les auspices et les présages pouvaient entrer pour quelque chose dans les résolutions et in. fluer sur les événements: mais si l'on eût vu

Neptune se déclarer en faveur des Carthaginois, et Mars en faveur des Romains, Vénus en faveur de César, Minerve en faveur de Pompée; la gravité romaine aurait trouvé puérils ces vains ornements de la fable, dans des récits dont la vé rité simple avait par elle-même tant d'importance. et de grandeur,

Ainsi Varius et Pollion n'étaient guère plus libres dans leurs compositions, que Tite - Live et que Tacite. On voit même que le jeune Lucain, avec tout le feu de son génie, et quoiqu'il eût pris pour sujet de son poème un événement dont l'importance semblait justifier l'entremise des dieux, ne les y a montrés que de loin, en philosophe plus qu'en poète, comme spectateurs, comme juges, mais sans les engager et sans les faire agir dans la querelle de ses héros.

Les événements et les mœurs que nous présente l'histoire romaine, semblent avoir été plus favorables à la tragédie. Mais si l'on considère que les mœurs romaines n'étaient rien moins que passionnées ; que le courage et la grandeur d'ame, l'amour de la gloire et de la liberté, en étaient les vertus ; que l'orgueil, la cupidité, l'ambition. en étaient les vices; que les exemples de constance, de générosité, de dévouement qui nous frappent dans l'héroïsme des Romains, étant des

actes volontaires, ne pouvaient en faire un objet ni pitoyable ni terrible; que les deux causes de malheur qui dominent l'homme et qui le rendent véritablement misérable, l'ascendant de la destinée et celui de la passion, n'entraient pour rien dans les scènes tragiques dont l'histoire romaine abonde; qu'il était même de l'essence du courage romain d'opposer au malheur une froideur stoïque qui dédaignait la plainte et qui séchait les larmes ; on reconnaîtra que les Régulus, les Catons, les Porcie, les Cornélie, étaient propres à élever l'ame, mais nullement à l'émouvoir ni de terreur ni de pitié.

Qu'on examine les sujets romains les plus forts, les plus pathétiques : on peut tirer de ceux de Coriolan, de Scévole, de Manlius, de Lucrèce, de César, une ou deux situations dignes d'un grand théâtre; mais cette continuité d'action vé-, hémente et pathétique des sujets grecs, où la trouver? Les sujets romains ne sont grands, ou plutôt feur grandeur ne se soutient que par les mœurs et les sentiments que Corneille en a tirés ; et ce n'étaient pas des mœurs, des sentiments, et des maximes, mais des tableaux peints à grands traits, qu'il fallait sur de grands théâtres, comme ceux de Rome et d'Athènes. Voyez Tragédie.

Une seule époque dans Rome fut favorable à la tragédie ce fut celle de la tyrannie et de la servitude, des délateurs et des proscrits. Alors, sans doute, le tableau de ses calamités aurait at

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