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réunisse des malheureux qui s'aiment, comme dans Mérope et dans Iphigénie, pour que leur réunion soit attendrissante, il faut que l'événement soit suspendu et caché; car la joie pure et tranquille est le poison de l'intérêt. L'art du poète consiste alors à les engager, au moyen de la reconnaissance même, dans un péril nouveau, sinon plus terrible, au moins plus touchant que le premier par l'intérêt qu'ils prennent l'un à l'autre. Mérope en est un exemple rare et difficile à imiter.

Il n'y a point de reconnaissance sans une sorte de péripétie ou changement de fortune, ne fîtelle, comme dans la fable simple, qu'ajouter au malheur des personnages intéressants. Mais il peut y avoir des révolutions sans reconnaissance; et quoiqu'elles ne soient pas aussi belles, les Grecs ne les dédaignaient pas.

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Il y a aussi une reconnaissance des choses comme de l'innocence d'Hippolyte, de Zaïre d'Aménaïde, de la perfidie de Cléopatre dans Rodogune, de l'empoisonnement d'Inès, etc.; et celles-ci ne sont pas les moins pathétiques.

La reconnaissance est intéressante dans la tragédie, soit avant, soit après le crime: avant, pour empêcher qu'il ne soit comniis; après, pour en faire sentir tout le regret.

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dans la tra

La reconnaissance est, dans le comique, une source de ridicules, comme elle gédie une source de pathétique dans celle-ci,

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c'est une mère qui va tuer son fils, un fils qui vient de tuer sa mère, et qui reconnaissent, l'une le crime qu'elle allait commettre, l'autre le crime qu'il a commis dans celle-là, c'est un vieux jaloux, qui, par erreur, livre à son rival sa maîtresse, et ne s'aperçoit de sa méprise que lorsqu'il n'est plus temps, comme dans l'École des maris; c'est un jeune étourdi, qui ne reconnaît son rival qu'après qu'il lui a confié tout ce qu'il a fait et tout ce qu'il veut faire pour lui enlever sa maîtresse, comme dans l'Ecole des femmes; c'est un oncle et un neveu dont l'un veut faire enfermer l'autre, et qui se trouvent camarades de troupe dans une comédie de société, comme dans la Métromanie; c'est un fils dissipateur et un père usurier, qui, dans le prêteur et l'emprunteur qu'ils cherchent réciproquement, se rencontrent, comme dans l'Avare.

On sent combien la méprise qui précède ces reconnaissances, la surprise, l'étonnement, l'embarras, la révolution qui les suit, doivent contribuer à ce qu'on appelle le comique de situation; et si à la reconnaissance des personnes on ajoute celles des choses, c'est-à-dire des bévues et des erreurs où le personnage ridicule est tombé, des piéges où il s'est laissé prendre, on aura l'idée de presque tous les moyens, qui, dans la comédie, amènent les révolutions.

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RÈGLES. Dans les lettres et dans les arts, les règles sont les leçons de l'expérience, le résultat de l'observation sur ce qui doit produire l'effet. qu'on se propose.

II

Il y a un instinct pour tous les arts, et cet instinct, au plus haut degré d'énergie et de sagacité, s'appelle génie. Mais est-il jamais assez parfait, assez sûr de lui-même pour avoir droit de mépriser les règles? et les règles, de leur côté, sont-elles assez infaillibles, assez étendues, assez exclusivement décisives pour avoir droit de maîtriser le génie?

En supposant les hommes tels que les a faits la nature, et avant que l'imagination et le sentiment soient altérés en eux par le caprice de l'opinion, des modes et des convenances, l'instinct naturel suffirait à un artiste organisé comme eux, pour l'éclairer et le conduire; mais la nature peut deviner et pressentir la nature; l'étude seule, en observant l'honime artificiel et factice, peut faire prévoir les effets de l'art.

Nous connaissons quelques hommes extraordinaires, tels sont Homère et Eschyle, qui semblent n'avoir eu pour modèle que la nature, et pour guide que leur instinct; mais est-il bien sûr qu'avant Homère l'art de la poésie épique n'eût pas été cultivé, raisonné, soumis à des lois? Ceux qui regardent ce poète comme l'inventeur de son

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art, parce qu'il est le plus ancien des poètes connus, ressemblent à ceux qui s'imaginent qu'audelà des étoiles qu'ils aperçoivent, il n'y a plus rien dans le ciel. A l'égard d'Eschyle, il est bien certain qu'il a inventé la tragédie : mais le modèle de la tragédie était l'épopée, dont les règles lui sont communes; et quant à celles qui lui sont propres, Eschyle s'en est dispensé, ou, plutôt, en les observant, quand il l'a pu sans trop de gêne, il les a lui-même tracées; et c'est peut-être celui de tous les hommes en qui le goût naturel a été le plus étonnant.

La raison est l'organe du vrai; le goût est l'organe du beau : c'est la faculté vive et prompte de discerner et de pressentir ce qui doit plaire aux sens, à l'esprit et à l'ame; c'est un don naturel qui veut être exercé par l'étude et par l'habitude; et ce n'est qu'après mille épreuves qu'il peut se croire un guide sûr.

Il y a une raison absolue et indépendante de toute convention, comme la vérité; mais y a-t-il de même un goût par excellence, indépendant, comme la beauté, des caprices de l'opinion? et s'il y en a un, quel est-il ? La vérité a un caractère inimitable, c'est l'évidence. Y a-t-il aussi quelque signe infaillible qui caractérise l'objet du goût? (Voyez BEAU.) L'évidence même n'est reconnue qu'à la lumière dont elle frappe les esprits; et dès qu'elle cesse de luire, on ne sait plus qui a raison, ou du petit nombre ou de la multitude.

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En fait de goût, le problème est encore plus indécis. Dans tous les temps il y a eu la raison du peuple, et la raison des sages; dans tous les temps. il y a eu le goût du vulgaire, et le goût d'un monde plus cultivé mais ni le grand ni le petit nombre n'a été constant dans ses goûts. D'un siècle à l'autre, d'un peuple à l'autre, la même chose a plu et déplu à l'excès, la même chose a paru admirable et risible, a excité les applaudissements et les huées; et souvent, dans le même lieu et presque dans le même temps, la même chose a été reçue avec transport et rebutée avec mépris. Ou sont donc les règles du goût? et le goût luimême est-il le pressentiment de ce qui plaira le plus universellement dans tous les pays et dans tous les âges, ou de ce qui plaira dans tel temps, à telle classe d'hommes qui s'appelle le monde, et qui, plus occupée des objets d'agrément, se fait l'arbitre des plaisirs? Voilà, ce semble, une difficulté insoluble et interminable; n'y aurait-il pas quelque moyen de la simplifier et de la résoudre?

En fait de goût, il y a deux juges à consulter et à concilier ensemble: l'un est le bon sens, qui est l'arbitre des vraisemblances, des convedu dessein, de l'ordre, des rapports munances, tuels, soit de la cause avec l'effet, soit de l'intention avec les moyens qu'on emploie. Cette partie du goût est du ressort de la raison; elle est susceptible de cette évidence qui frappe tous les

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