Obrazy na stronie
PDF
ePub

190

Concluons que la partie essentielle de la musique, c'est le chant que le récitatif simple en est la partie faible; que le récitatif obligé, qui, dans les mouvements rompus et tumultueux des passions, peut emprunter de l'harmonie tant d'énergie et de puissance, n'est pourtant pas ce qu'on désire le plus vivement, et dont on se lasse le moins; que c'est de la beauté du chant périodique et mélodieux que l'ame et l'oreille sont insatiables; et que par conséquent le poète qui écrit pour le musicien, doit regarder la partie du récitatif simple comme celle qui exige le style le plus rapide, afin que l'oreille, impatiente d'arriver au chant, ne se plaigne jamais qu'on l'arrête au passage; la partie du récitatif obligé, comme celle qui demande à être employée avec le plus de sobriété, afin que le sentiment de l'harmonie ne soit point émoussé par la fatigue de n'entendre que des accords sans dessein; et la partie du chant mélodieux et fini, comme celle dont la distribution doit être son premier objet, afin le charme de la mélodie, le vrai plaisir que de ce spectacle, se reproduise sous mille formes, et que, s'il altère la vérité de l'expression naturelle, ce ne soit que pour l'embellir.

Telle doit être, je crois, l'intention commune du poète et du musicien et si jamais elle est remplie dans l'opéra français, comme il est sûr qu'elle peut l'être (le succès l'a prouvé), c'est alors que le prestige de la musique, joint à ce

lui de la peinture, des fêtes et du merveilleux qu'y répandra la poésie, fera de ce spectacle un véritable enchantement.

Mais jusque-là, qu'on ne se flatte pas de nous faire goûter un récitatif pur et simple; ce ne se

rait

pas pour l'oreille un plaisir digne de compenser celui d'une déclamation naturelle et d'une poésie affranchie des contraintes de la musique. Nous permettons à l'opéra une déclamation notée, parce que la scène parlée trancherait trop avec le chant; mais ce n'est que dans l'espérance et en faveur du chant, que nous consentons qu'on altère la déclamation naturelle : c'est là le pacte du théâtre lyrique. Qu'il nous fasse donc entendre ce qu'il promet, de beaux airs, des duo touchants, des morceaux de peinture et d'expression, où tout le charme de la mélodie et toute la puissance de l'harmonie se réunissent et se déploient. Non-seulement alors nous permettons au récitatif de se dégager des ports de voix, des trils, des cadences, des prolations, etc.; mais nous exigeons qu'il renonce à tous ces ornements futiles, et qu'aussi simple, aussi vrai, aussi courant qu'il sera possible, il ne fasse que rapprocher, par un peu plus d'analogie, la déclamation de la scène, de ces morceaux de chant qu'elle doit amener. Le chant est la partie essentielle et désirée de l'opéra; le récitatif en est une partie tolérée, comme indispensable; il faut passer là par pour arriver à ces endroits délicieux où

[ocr errors]

l'oreille et l'ame se promettent de s'arrêter et de jouir; mais le chemin leur paraîtra long si leur espérance est trompée, et l'intérêt de l'action la plus vive aura lui-même bien de la peine à nous sauver de l'impatience et de l'ennui. Voyez AIR, CHANT, LYRIQue.

Depuis que cet article a été imprimé pour la première fois, l'expérience en a confirmé les principes par des succès multipliés : elle m'a surtout affermi dans l'idée où j'étais que, pour le simple récitatif, le style nombreux et périodique de Quinault est préférable au style concis de Métastase. Je m'étais aperçu que les fréquents repos de ces petites phrases coupées rendaient la marche du récitatif pesante et monotone; pesante, à cause des repos trop fréquents; monotone, en ce que la musique a très-peu de moyens de varier ses cadences finales: et pour éviter l'un et l'autre de ces défauts, j'ai essayé de soutenir le sens, et de donner au style plus de liaison et plus d'aisance. Cet essai, que j'ai fait dans l'opéra de Didon et dans celui de Pénélope, m'a réussi audelà même de mon attente. Le musicien, n'ayant plus à s'arrêter à chaque instant, s'est développé plus à son aise; sa phrase, articulée et soutenue par des accents plus sensibles, plus variés, a pris en même temps plus de rapidité, de chaleur et de véhémence. L'actrice admirable qui a joué les rôles de Didon et de Pénélope, s'est sentie plus entraînée par l'impulsion de ce style; elle n'a eu

[ocr errors]

qu'à se livrer, pour exprimer à grands traits les sentiments dont elle était remplie ; et de là cette facilité, ce naturel, cette expression à la fois si simple et si tragique, qui fait regarder le récitatif de ces opéra comme le plus vrai, le plus sensible, le plus parfait qu'on ait entendu sur aucun théâtre du monde.

RECONNAISSANCE. Dans le poème épique et dramatique, il arrive souvent qu'un personnage ou ne se connaît pas lui-même, ou ne connaît pas celui avec lequel il est en action; et le moment où il acquiert cette connaissance de lui-même ou d'un autre, s'appelle reconnaissance. C'est ainsi que, dans le poème du Tasse, Tancrède reconnaît Clorinde après l'avoir mortellement blessée ; c'est ainsi que, dans la Henriade, d'Ailly, le père, reconnaît son fils après l'avoir tué de sa main; c'est ainsi que, dans Athalie, cette reine reconnaît Joas; que, dans Mérope, Égisthe connaît lui-même, et que Mérope le reconnaît; que, dans Iphigénie en Tauride et dans OEdipe, Iphigénie et son frère Oreste, OEdipe et Jocaste sa mère, se reconnaissent mutuellement, et que chacun d'eux se connaît lui-même.

se

On voit, par ces exemples, que la reconnaissance peut être simple ou réciproque, et que des deux côtés, ou d'un seul, ce peut être soi que l'on reconnaisse ou un autre, ou bien un autre et soi en même temps.

Élém. de Littér. IV.

13

On peut consulter la poétique d'Aristote et le commentaire de Castelvetro sur ces différentes combinaisons de la reconnaissance, et sur les manières de la varier, soit relativement à la situation et à la qualité des personnes, soit relativement aux moyens qu'on emploie pour l'amener, et aux effets qu'elle peut produire.

[ocr errors]

La reconnaissance à laquelle Aristote donne la préférence, est celle qui naît des incidents de l'action même, comme dans l'OEdipe; mais je crois pouvoir lui comparer celle qui naît d'un signe involontaire que l'inconnu laisse échapper, comme dans l'opéra de Thésée, où ce jeune prince est reconnu à son épée au moment qu'il jure par elle. Le plus beau modèle en ce genre est la manière dont Oreste se faisait connaître à sa sœur dans l'Iphigénie de Polydès, lorsque ce malheureux prince, conduit aux marches de l'autel pour y être immolé, s'écriait : « Ce n'est donc pas assez que ma sœur ait été sacrifiée à Diane, il faut que je le sois aussi! »

La reconnaissance doit-elle produire tout à coup la révolution, ou laisser encore en suspens le sort des personnages? Dacier, qui préfère la plus décisive, n'a vu l'objet que d'un côté.

Si la révolution se fait du bonheur au malheur, elle doit être terrible, et par conséquent tout changer, tout renverser, tout décider en un instant. Si, au contraire, la révolution se fait du malheur au bonheur, et que la reconnaissance

« PoprzedniaDalej »