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mière, par la justesse des rapports ou des résultats qu'elle énonce. Telle est cette pensée de La Bruyère, Un fort malhonnéte homme n'a jamais assez d'esprit; et celle-ci de Vauvenargues, La conscience des mourants calomnie leur vie; et cette maxime de Corneille :

Et qui doit tout pouvoir ne doit pas tout oser.

Le sorite est une suite d'enthymèmes enchaînés l'un à l'autre, comme dans cet exemple de Montaigne: Quiconque attend la peine la souffre, et quiconque la mérite l'attend. Rien n'est plus captieux que cette espèce d'argument. L'on sait que c'est ainsi que Thémistocle, en badinant, prouvait que son enfant commandait à toute la Grèce.

J'ai vu souvent que les arguments les plus sophistiques étaient les plus familiers à l'éloquence, et singulièrement à l'éloquence des passions, qui sont elles-mêmes de tous les sophistes les plus adroits et les plus dangereux.

Observons cependant que dans le plaidoyer où l'on s'expose à la réplique, le sophisme est toujours un moyen périlleux : car un adversaire attentif, s'il a l'intelligence vive, en saisira aisément l'endroit faible; et pour le lui cacher ou pour le prémunir, c'est là qu'il faudra rassembler tous les prestiges de l'élocution. Encore ce moyen de suppléer à la saine raison n'est-il pas sûr; et un principe, dont le commun des ora

teurs n'est pas assez persuadé, c'est que la dialectique est pour l'orateur ce que le dessin est pour le peintre; et qu'il est plus possible encore à celui-ci de se passer de correction, qu'à l'autre de se dispenser d'exactitude et de justesse. Mais je suppose que la logique a été la première étude de l'orateur, et je n'ajoute plus qu'un mot sur la théorie de la preuve : c'est qu'il ne suffit pas que l'éloquence donne de l'embonpoint, de la couleur, de la chaleur à la logique, et déguise, sous la richesse d'une parure ménagée, la sécheresse et la roideur d'une argumentation rigoureuse et pressante; et qu'il faut encore qu'elle ait soin d'en diversifier les formes. Ce précepte est de Cicéron; et la raison qu'il en donne est que l'uniformité en toutes choses est la mère de la satiété Nam omnibus in rebus similitudo est satietatis mater.

Dans l'éloquence de la chaire, les premiers des orateurs pour la force et la solidité du raisonnement, sont Bourdaloue et Saurin. Mais comme il s'agit moins, en chaire, de convaincre un auditoire déjà croyant, que de le persuader; et que ce ne sont pas les preuves des vérités théologiques, mais de profondes impressions des vérités morales, qu'il s'agit de laisser dans les esprits et dans les ames; les raisonneurs les plus pressants et les plus forts ne sont pas les plus sûrs de produire de grands effets. Voyez CHAIRE, ÉLOQUENCE, PATHÉTIQUE, etc.

PROLOGUE. Dans notre ancien théâtre français, le prologue était fort en usage: celui des mystères était communément une exhortation pieuse, ou une prière à Dieu pour l'auditoire.

Jésus, que nous devons prier,
Le fils de la vierge Marie,
Veuillez paradis octroyer
A cette belle compagnie !

Seigneurs et dames, je vous prie,
Séez-vous tretous à votre aise;
Et de sainte Barbe la vie
Acheverons, ne vous déplaise.

Le prologue des moralités, des soties, des farces, était, à la manière des anciens, ou l'exposé du sujet, ou une harangue au public pour captiver sa bienveillance, et le plus souvent une facétie qui faisait rire les spectateurs à leurs dépens. Il y avait dans la troupe un acteur chargé de faire ces harangues: c'était Gros-Guillaume, Gaulthier Garguille, Turlupin, Guillot Gorju, Bruscambille, et dans la suite des personnages plus décents. Les prologues de Bruscambille sont d'un ton de plaisanterie approchant de celui de nos parades, et qui dut plaire dans son temps.

Dans l'un de ces prologues, Bruscambille se plaint de l'impatience des spectateurs... « Je vous dis donc (spectatores impatientissimi) que vous avez tort, mais grand tort, de venir depuis vos

maisons jusqu'ici pour y montrer l'impatience accoutumée.... Nous avons bien eu la patience de vous attendre de pied ferme, et de recevoir votre argent à la porte, d'aussi bon cœur, pour le moins, que vous l'avez présenté; de vous préparer un beau théâtre, une belle pièce qui sort de la forge, et est encore toute chaude. Mais vous, plus impatients que l'impatience même, ne nous donnerez pas le loisir de commencer. A-t-on commencé, c'est pis qu'auparavant l'un tousse, l'autre crache, l'autre rit, etc... Il est question de donner un coup de bec en passant à certains péripatétiques qui se pourmènent pendant que l'on représente ; chose aussi ridicule que de chanter au lit, ou de siffler à table. Toutes choses ont leur temps toute action se doit conformer à ce pour quoi on l'entreprend : le lit pour dormir, la table pour boire, l'hôtel de Bourgogne pour ouïr et voir assis ou debout.... Si vous avez envie de vous pourmener, il y a tant de lieux pour ce faire !... Vous répondrez peut-être que le jeu ne vous plaît pas ; c'est là où je vous attendois. Pourquoi y venez-vous donc? Que n'attendiez-vous jusqu'amen, pour en dire votre ratelée? Ma foi, si tous les ânes mangeoient du chardon, je ne voudrois pas fournir la compagnie pour cent écus. »

Dans le poème didactique et dans le poème en récit, s'est introduit aussi l'usage de cette espèce de prologue. Lucrèce en a orné le frontispice de tous ses livres ; l'Arioste en a égayé ses

chants; La Fontaine a joint très-souvent de petits prologues à ses contes : dans les poèmes badins rien n'a plus de grâce; dans le didactique noble rien n'a plus de majesté. Mais je ne crois pas que le poème épique sérieux admette un pareil ornement; l'intérêt qui doit y régner attache trop à l'action pour souffrir des digressions. Ni Homère, ni Virgile, ni le Tasse, ni Voltaire dans la Henriade, ne se sont permis les prologues. Milton lui seul, à la tête d'un de ses chants, au sortir des enfers, s'est livré à un mouvement très naturel, en saluant la lumière et en parlant du malheur qu'il avait d'être privé de ses rayons.

Le prologue en forme de drame était connu de nos anciens farceurs. Le théâtre comique moderne en a quelques exemples, dont le plus ingénieux est, sans contredit, le prologue de l'Amphitryon de Molière.

Mais l'opéra français s'en est fait comme un vestibule éclatant ; et Quinault, dans cette partie, est un modèle inimitable. Je ne parle point des petites chansonnettes qu'il a été obligé d'y mêler pour animer la danse, et qui sont les seuls traits qu'on en a retenus; je parle des idées vraiment poétiques et quelquefois sublimes qu'il y a prodiguées, et dont personne ne se souvient. Obligé de louer Louis XIV, il a ennobli l'adulation par la manière grande et magnifique dont il a flatté le héros, ou plutôt l'idole du siècle. Tantôt, dans ses prologues, la louange est directe, tan

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