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juré de lui obéir, et si, par ce serment, vous êtes obligés de suivre ce qui est écrit ; quelle raison pourriez-vous avoir de ne pas juger qu'Épaminondas a transgressé la loi et fait ce que la loi condamne? >>

Il est aisé de voir que cette forme de raisonnement est plus pressante que la première. On va le mieux sentir encore dans la défense d'Épaminondas, dont Cicéron nous a tracé le plan.

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Magistrats, dit-il, toutes les lois doivent se rapporter à l'utilité commune; et il faut les interpréter, non à la lettre, mais dans leur esprit, dont l'objet est le bien public. Car telle a été la vertu et la sagesse de nos ancêtres, qu'en écrivant leurs lois, ils ne se proposaient que le salut et l'avantage de leur société politique; et nonseulement ils ne prétendaient lui rien prescrire à son préjudice, mais si, sans le savoir, ils lui avaient prescrit quelque chose qui pût lui nuire, ils entendaient que, dès qu'on l'aurait aperçu, on corrigeât ce vice de la loi. Personne en effet ne peut vouloir que les lois subsistent pour l'amour des lois mêmes, mais pour l'amour de la république, et parce que les républiques ne sont jamais si bien gouvernées que par les lois. C'est donc par le même motif qui rend les lois inviolables, qu'on doit interpréter tout ce qui en est écrit; et puisque tous nos interêts sont subordonnés à celui de l'État, c'est dans ce commun avantage que nous devons chercher l'intention

Élém. de Littér. 17.

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des lois et l'esprit qui les a dictées. On ne demande à la médecine rien que de salutaire au corps humain, parce que c'est pour lui qu'elle est mise en pratique : on ne doit présumer de même de l'intention des lois rien que d'utile au corps politique, puisque ce n'est qu'en vue de son utilité que les lois sont instituées. N'examinez donc plus, dans cette cause, quelle est la lettre de la loi, mais voyez la loi même dans l'esprit d'équité et d'utilité commune qui l'anime, et qui seul a dû l'inspirer. Or, quoi de plus avantageux pour Thèbes que d'accabler Lacédémone? Quoi de plus important pour Epaminondas, général des Thébains, que de donner la victoire aux Thébains? Que devait-il avoir de plus cher et de plus sacré que d'assurer à sa patrie une gloire si grande et un si beau triomphe? En laissant donc la lettre de la loi, Épaminondas a suivi l'intention du législateur : il savait assez que les lois n'étaient faites qu'en faveur de la république; et il aurait regardé comme le comble de la démence, de ne pas expliquer à l'avantage de l'État ce qui n'était écrit que pour le salut de l'État. Si donc toutes les lois doivent se diriger à l'utilité publique comme à leur terme, si le salut commun est leur premier objet, Épaminondas l'a rempli. Certainement il n'est pas possible que, par la même action, il ait fait le plus grand bien à sa patrie, et qu'il ait désobéi aux lois. » pour ne pas citer toujours de l'ancien,

Mais

voici un exemple moderne qui fera voir jusqu'où peut aller la force de l'induction, et qui fera sentir qu'elle n'est elle-même qu'un syllogisme adroitement tourné.

Un chanoine de l'église de Paris avait un neveu pauvre, mais libertin, et qu'il avait abandonné. Ce neveu, réduit à la mendicité, s'adresse à un philosophe éloquent, et le conjure d'aller parler à son oncle et de le fléchir. L'homme dont il avait imploré l'entremise, ne connaissait pas le chanoine. Il va pourtant le voir; mais aux premiers mots qu'il lui dit en faveur du jeune libertin, le chanoine s'irrite, lui reproche de s'intéresser pour un être indigne de sa compassion, et lui raconte avec colère tous les chagrins que ce malheureux lui a donnés. Le solliciteur, lui ayant laissé répandre l'amertume de ses reproches, reprend Il m'a dit tous ses torts; il m'en a méme confessé un que vous dissimulez. Quel estil? demanda le chanoine. De vous avoir un jour attendu à la porte de la sacristie, au moment que vous descendiez de l'autel; de vous avoir mis le couteau sur la gorge, et d'avoir voulu vous assassiner. Cela n'est pas vrai, s'écria le chanoine avec horreur. Quand cela serait vrai, reprit l'homme éloquent, il faudrait user de miséricorde envers votre neveu, et lui donner du pain. A ces mots tout l'emportement du chanoine fut étouffé, son ame s'amollit, quelques larmes coulèrent; et le jeune homme fut secouru.

Des deux méthodes, celle de l'induction fut celle de Socrate et de ses disciples; elle est captieuse et subtile, mais elle est communément faible. Celle du syllogisme est celle d'Aristote, et celle dont se servent le plus communément tous les bons orateurs; car un plaidoyer bien composé n'est souvent qu'un syllogisme développé.

Cicéron divise le syllogisme en cinq parties, les deux prémisses, la conséquence, et les preuves des deux prémisses. Mais comme ou l'une ou l'autre des prémisses peut se passer de preuve, et qu'il peut arriver que ni l'une ni l'autre n'en ait besoin; on peut fort bien ne pas regarder comme parties de l'argument, les propositions auxiliaires, qui ne servent qu'à l'étayer; on peut même sousentendre l'une des deux prémisses, lorsqu'elle est évidente, et c'est ce qui fait l'enthymème, syllogisme abrégé, qui convient beaucoup mieux à un raisonnement rapide, et que préfère l'orateur, lorsqu'il veut être véhément et pressant.

L'enthymème, dit Aristote, est le syllogisme oratoire. Enthymema voco syllogismum oratorium. Et les exemples qu'il en donne font voir qu'il le réduit, non-seulement à l'une des prémisses et à la conséquence, mais plus souvent encore à une seule proposition, tantôt simple, comme dans cet exemple, « Celui qui se réjouit du mal d'autrui, et l'envieux, ne sont qu'un même caractère», Idem est alienis malis gaudens et invidus; tantôt composé, comme dans celui

ci, «<Les jeunes gens sont miséricordieux par humanité, les vieillards par faiblesse », Juvenes ob humanitatem miséricordes, senes ob imbecillitatem ; tantôt accompagné de sa raison : <<< Il faut aimer son ami, comme devant l'être toujours, et non comme pouvant un jour cesser de l'être ; car cette défiance tient à la perfidie : Oportet amare, non, ut aiunt, tanquamosurum, sed tanquam semper amaturum; insidiatorum enim alterum est.

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On voit que l'enthymème ainsi réduit est ce qu'on appelle sentence, et que la sentence n'est qu'un syllogisme où dans une seule proposition se réunissent implicitement les prémisses et la conséquence. Ainsi, par exemple, au lieu de dire, Celui qui demande une garde pour sa personne, affecte la tyrannie; or Pisistrate demande une garde, donc, etc.; l'orateur ne fera qu'énoncer la première proposition, et laissera le soin à l'auditeur d'en déduire les deux suivantes. Ceci fait entendre pourquoi le style sentencieux convient mieux à un vieillard qu'à un jeune homme; mieux à l'orateur consommé qu'à l'orateur nouveau, dont la réputation n'est d'aucun poids encore car l'un a plus de droit que l'autre de se dispenser quelquefois de motiver ce qu'il avance; et il peut poser en maxime ce que l'autre a besoin de fonder en raisons.

Mais le vrai mérite de la sentence consiste à n'avoir pas besoin de l'autorité personnelle, et à porter en elle-même sa force comme sa lu

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