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la nécessité ou de la liberté, de la nature et des circonstances de l'action, des mœurs, des habitudes, des qualités de la personne que l'accusation et la défense tirent les forces de la preuve. On sent enfin, et ceci regarde tous les genres d'éloquence, que c'est toujours au point de la difficulté, au point où l'adversaire ou l'incrédule est en défense, in quo primum insistit, quasi ad repugnandum, congressa defensio, et qu'on a appelé pour cela status, la station ou l'état de la cause; que c'est là, dis-je que la preuve doit se diriger toute entière; car c'est une déclamation oiseuse, une rhétorique perdue, que de prouver ce dont l'auditoire ne doute pas ou dont l'adversaire convient; et c'est non-seulement un vice assez commun de l'éloquence de la chaire, mais du langage du barreau : d'où il arrive que dans un long discours tout est prouvé, hormis ce qui a besoin de l'être.

Quant aux formes d'argumentation dont la preuve oratoire est susceptible, elle n'en refuse aucune; mais elle les déguise toutes, en les enveloppant, qu'on me passe le terme, des draperies de l'éloquence. Ce n'est pas que l'orateur n'insiste quelquefois, dans une discussion véhémente, à la manière du dialecticien ; et alors plus le raisonnement est serré, plus il est pressant : mais un discours où la crudité de l'argumentation ne serait jamais adoucie, rebuterait son auditoire avant de l'avoir convaincu. Il est donc né

cessaire de polir les formes logiques, mais il faut les laisser sentir, et ne jamais les énerver; ce sont elles qui donnent à l'éloquence une stature ferme, solide, et régulière. Un corps désossé n'est qu'une môle de chair. Il en serait ainsi de l'éloquence à laquelle une logique austère ne prêterait pas ses appuis, ses mobiles, et ses res

sorts.

Mais quoique toutes les formes logiques, animées par les peintures et les mouvements oratoires, développées par l'amplification, revêtues des ornements d'un style figuré, harmonieux, sensible, appartiennent à l'éloquence, il en est cependant qui semblent lui être plus favorables. J'en indiquerai quelques-unes.

L'énumération exclusive, et que les mathématiciens appellent la preuve par épuisement : Vous voulez être heureux, et vous ne le serez ni par l'ambition, ni par l'avarice, ni par la volupté, ni par une molle indolence, etc., etc.; essayez donc au moins de l'être par le travail et la vertu.

L'énumération collective: Demandez à tous les peuples du monde, au Gaulois, au Germain, au Carthaginois, etc., quel est celui que chacun d'eux estime le plus après lui-même ; tous vous répondront Les Romains.

L'opposition: Si l'homme faible et malheureux est un être sacré pour l'homme, celui qui l'insulte ou qui l'accable n'est pas seulement inhumain, il est impie et sacrilége.

L'alternative contradictoire, et à laquelle il n'y a point de milieu (ce que les anciens appelaient dilemme, et figurément le bélier, comme l'argument le plus fort): ainsi Crassus, en plaidant la cause d'Opimius, qui, en exécution, d'un décret du sénat, avait fait tuer l'aîné des Gracques. Aut senatui parendum de salute reipublicæ fuit, aut aliud consilium instituendum, aut sua sponte faciendum: aliud consilium superbum, suum arrogans, utendum igitur consilio senatus (1). (De Oratore.)

La force du dilemme consiste à ne pas admettre de milieu, comme dans cette réponse de Xénophane à ceux d'Éloete, qui demandaient s'il

fallait être en deuil en sacrifiant à Leucothoé. Si vous la croyez déesse, leur dit-il, pourquoi la pleurer? si elle n'a été que mortelle, pourquoi lui sacrifier?

Au contraire le vice du dilemme est de laisser un milieu dans l'alternative, comme dans celui-ci : Il n'y a point d'homme libre au monde, car tout homme est esclave ou de ses passions ou de la fortune; à quoi l'on répond, que le sage n'est esclave ni de la fortune, ni de ses passions.

(1) << Dans un moment où il s'agissait du salut de la république, il fallait qu'Opimius obéît au sénat, ou qu'il prît un autre conseil, ou qu'il se décidât lui-même. Se choisir un conseil à son gré eût été de l'orgueil, s'en tenir lieu était de l'arrogance; il fallut donc obéir au sénat! >>

Tout raisonnement conditionnel est vicieux de même, si de l'antécédent au conséquent la liaison n'est pas nécessaire, et s'il peut y avoir un milieu. Ainsi ni l'un ni l'autre de ces deux Athéniens, dont l'un conseillait à son fils de ne pas se mêler des affaires publiques, et l'autre de s'en mêler, n'était bon dialecticien. Si tu proposes des choses justes, disait l'un, tu seras hai des hommes; si des choses injustes, tu le seras des dieux. Si tu proposes des choses justes, disait l'autre, tu auras les dieux pour amis; si des choses injustes, tu auras pour amis les hommes.

Observons ici comme une heureuse hardiesse, que Cicéron, qui avait bien lu Aristote, emploie en faveur de Milon le même sophisme qu'Aristote donne pour tel, et qu'il condamne dans cet exemple, «<< S'il méritait la mort, c'est donc avec justice qu'il a été tué » : Si juste mortuus, etiam juste occisus est. Et sa réponse est précisément celle qu'on devait faire à Cicéron : « Oui, mais ce n'était pas à Milon de le tuer » : Verum for

tasse non a te.

Les autres formes dont la preuve oratoire est le plus susceptible, sont la comparaison, la supposition, l'induction, le syllogisme, et l'enthymème.

La comparaison simple, comme Achille dans l'Iliade: «< Pourquoi les Grecs font-ils la guerre aux Troyens? n'est-ce pas pour faire rendre Hélène à Ménélas? Et n'y a-t-il donc au monde que les Atrides qui aiment leurs femmes? »

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La comparaison du plus faible au plus fort : « Si tout homme, pour sa propre défense, a droit d'ôter la vie à son agresseur; combien plus à un scélérat, à un sacrilége, à l'ennemi des hommes et des dieux, tel que l'a été Clodius? » Cui nihil nefas unquam fuit, nec in facinore nec in libidine.

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Quelle fidélité peux-tu attendre des étrangers, si tu es l'ennemi de tes proches? » disait Micipsa mourant à Jugurtha. Quem alium fidum invenies, si tuis hostis fueris? (SALLUST.)

Le vice de cette espèce d'argumentation est dans le manque de parité, comme si l'on disait, Puisqu'il n'est pas honteux d'emprunter à usure, il n'est pas honteux de prêter; ou dans la fausse supposition de supériorité qu'on donne à une chose sur une autre, comme si l'on disait : Puisqu'il est prodigue, il sera libéral; il sera vaillant, puisqu'il est téméraire.

La supposition, que Cicéron regarde comme un des moyens les plus féconds, et dont se servit Démosthène avec tant de force pour justifier ses conseils : « Si, par une lumière prophétique, tous les Athéniens avaient démêlé les événements. futurs, et que tous les eussent prévus, et que vous, Eschine, vous les eussiez prédits et certifiés avec votre voix de tonnerre; Athènes, même dans ce cas, aurait dû faire ce qu'elle a fait, pour peu qu'elle eût respecté sa gloire, et ses ancêtres, et les jugements de la postérité

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