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se propose. Soit que l'orateur attaque ou se dé-. fende; qu'il affirme, ou nie et réfute; que la question soit de droit, ou de fait, ou seulement d'opinion; qu'il s'agisse de faire voir ce qui est juste ou injuste, digne de peine ou de récompense, comme dans le genre judiciaire; ou ce qui est honnête ou honteux, digne de louange ou de blâme, comme dans le genre démonstratif; ou ce qui est honorable et utile, ou nuisible et déshonorant, comme dans le genre délibératif, la preuve est toujours la partie essentielle et indispensable du plaidoyer ou de l'oraison ; et la première règle de l'art de persuader est de donner à ce qu'on affirme, ou d'ôter à ce que l'on nie, le caractère de vérité, de certitude, ou de vraisemblance.

Il n'y a guère qu'un genre d'éloquence qui puisse constamment se passer de preuve: c'est celui qui n'a pour objet que des actions de grâces, des félicitations, ou des condoléances, et c'est ce qui distingue la simple harangue de l'oraison et du plaidoyer. Par exemple, dans le discours de Cicéron pour Marcellus, il ne s'agit que de rendre grâces à César du rappel de cet exilé ; au lieu que dans l'oraison pour Ligarius, il s'agit d'atténuer le crime de l'accusé et d'en obtenir le pardon; et quoique Cicéron, dans cet admirable plaidoyer, débute par avouer le crime et par abandonner le coupable à la clémence de César, on le voit revenir ensuite aux moyens de

rendre Ligarius le plus excusable qu'il est possible, et moins coupable que lui-même, à qui César a pardonné. On voit même dans la harangue pour Marcellus, qui ne s'annonce que comme l'effusion de la reconnaissance et de l'admiration publique pour la clémence de César, Cicéron ne laisse pas de prendre le tour persuasif, pour engager César à ne rien négliger de ce qui peut mettre en sûreté sa vie ; et en lui prouvant qu'il est de sa gloire et de son devoir de se conserver pour le bonheur de Rome, il enveloppe adroitement, dans cette espèce d'adulation, la leçon la plus importante': nunc tibi omnia belli vulnera curanda sunt.

Ainsi, toutes les fois qu'il s'agit de persuader, ou dans les sujets même les plus éloignés de toute controverse la preuve peut trouver sa place. Mais tantôt elle est simplement rhétorique, et. tantôt elle est dialectique.

La preuve que j'appelle rhétorique ne consiste qu'en récit, en exposé, en développement du fait, ou de la vérité qu'on se propose d'établir. De ce genre est presque entièrement l'oraison pour la loi Manilia; et de ce genre aussi sout toutes nos oraisons funèbres. Dans ces sujets il s'agit moins de raisonner que de décrire ; et l'art de l'orateur consiste à exposer avec clarté, à raconter rapidement, à peindre avec chaleur, avec force, avec intérêt, selon que le sujet l'exige. Dans tel discours de cette nature, qui produit

le plus grand effet, il n'y a pas un raisonne

ment.

Il est bien facile, disait Socrate, de louer les Athéniens devant les Athéniens : c'est devant les Lacédémoniens que cela serait difficile.

Mais comme les faits sur lesquels porte la louange, sont communément avoués et déjà connus de l'auditoire, l'amplification est l'espèce de preuve qu'Aristote attribue à ce genre d'éloquence: aptior ad demonstrativas amplificatio. Les exemples, dit-il, sont plus convenables au délibératif ; et la raison qu'il en donne, c'est que le plus souvent l'avenir ressemble au passé : utiliora ad concludendum exempla; similia enim plerumque futura præteritis.

Il faut observer cependant que le meilleur usage à faire de l'exemple, c'est d'en appuyer le raisonnement; et entre les choses les plus semblables, il y a presque toujours assez de différence pour éluder la conclusion.

La plus grande force de la preuve est donc dans le raisonnement. Aristote le regarde comme le moyen dominant de l'éloquence du barreau ; et en général lorsque l'objet dont il s'agit est contesté, ou qu'il peut l'être, et que le simple exposé du fait, ou du droit, ou de l'opinion, ne les met pas en évidence, ce moyen est indispensable; et c'est alors que la preuve est dialectique, mais sous les formes oratoires.

La logique est le squelette de l'éloquence; et

ce sont les parties de ce squelette qu'Aristote, dans ses Topiques, et Cicéron, dans l'extrait qu'il en a fait, nous ont décrites avec tant de soin, et nous ont appris à placer.

Que les disciples de l'éloquence ne dédaignent pas ces théories; c'est la raison qui se rend compte à elle-même de ses procédés et de ses moyens. On y voit comment l'orateur peut tirer du fond de son sujet ou de la cause qu'il agite, ces arguments, ces formes de pensée, d'assertion, et de réfutation, qui doivent composer la preuve : on y voit comment, au besoin, il peut les tirer du dehors: aut ex sua sumi re atque natura, aut assumi foris. (De Orat.) On y voit comment se décident ces trois grandes questions qui embrassent tout, an sit, quid sit, quale sit : comment la nature des choses se développe et se fait connaître par la définition, par la division du genre en ses espèces, du tout en ses parties, par les similitudes et par les différences, par les causes et les effets, par l'opposition des contraires : comment l'existence des faits se prouve ou se débat par les indices, les témoignages, les circonstances qui ont précédé, accompagné, suivi le fait dont il s'agit; par la nature du fait même, ou par le caractère de la personne à laquelle il est imputé comment l'espèce et la qualité du fait se détermine, ou par lui-même, ou par les circonstances qui le caractérisent, et qui font voir quelle en est la malice, l'iniquité, l'indignité,

ou la bonté, l'équité, l'innocence. Lois, exemples, autorités, usages, opinion commune, mœurs publiques, mœurs personnelles, caractère et génie national, tout peut contribuer à la preuve et y trouver place.

Mais on sent bien qu'elle diffère d'elle-même, selon le genre du discours et la nature du sujet : que, par exemple, dans ces trois questions, an sit, quid sit, quale sit, qui conviennent également et à la thèse philosophique et à l'hypothèse oratoire, la preuve agit différemment ; par conjecture dans la première, par définition dans la seconde, et par discussion du droit dans la troisième horum primum conjectura, secundum definitione, tertium juris et injuriæ distinctione explicatur.

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On sent de même que, dans les causes conjecturales, selon le point dont il s'agit et selon l'état de la cause, sitne aliquid, unde ortum sit, quæ id causa effecerit, la preuve doit changer de procédés et de moyens que, s'il s'agit seulement de savoir quelle est la qualité morale d'une chose, ou s'il s'agit de la comparer avec une autre, et de déterminer laquelle des deux, par exemple, est la plus honnête, la plus utile, ou Ja plus juste; la preuve embrasse plus ou moins d'étendue: que, dans les questions de droit, c'est de l'équité qu'il s'agit, et natura et instituto : que, dans les causes personnelles, c'est de la volonté, de l'intention, de l'imprudence, du hasard, de

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