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vie d'un homme, un court épilogue en rappelle les circonstances les plus marquées, et le fait voir lui-même d'un coup d'œil avec les traits de caractère, les variations, les contrastes, les qualités diverses ou opposées que les événements ont fait paraître en lui; ce sera sans doute un mérite et une grande beauté de plus. Tel est, dans Tacite, ce portrait de Tibère à la fin de son règne, modèle effrayant, pour ne pas dire désespérant, de précision, de force, et de clarté.

Morum quoque tempora illi diversa: egregium vita famaque quoad privatus, vel in imperiis sub Augusto fuit; occultum ac subdolum fingendis virtutibus, donec Germanicus ac Drusus superfuere; idem inter bona malaque mixtus, incolumi matre; intestabilis sævitia, sed obtectis libidinibus, dum Sejanum dilexit timuitve: postremo in scelera simul ac dedecora prorupit, postquam, remoto pudore et metu, suo tantum ingenio utebatur (1). (Annal. vi.)

Il est aisé de concevoir pourquoi, dans des

(1)«Ses mœurs furent différentes selon les temps.Simple particulier, ou commandant sous Auguste, il jouit d'une réputation méritée: caché et rusé pendant la vie de Germanicus et de Drusus, il feignit des vertus; jusqu'à la mort de sa mère il fut mêlé de bien et de mal; tant qu'il aima ou craignit Séjan, il fit horreur par sa cruauté, mais cacha ses débauches; abandonné enfin à son caractère, il se précipita sans réserve dans le crime et dans l'infamie. >>

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mémoires particuliers, les portraits sont naturellement plus fréquents qu'ils ne doivent l'être dans l'histoire. Celle-ci n'a guère intérêt que de faire connaître l'homme public, et les événement l'exposent; au lieu que des mémoires nous décèlent l'homme privé, et ne font qu'effleurer les actions publiques. Les Mémoires du cardinal de Retz sont le derrière de la toile du singulier spectacle de la Fronde; et dans les portraits qu'il nous trace des personnages principaux de cette scène héroï-comique, il nous fait voir souvent ce que l'action même ne nous en aurait point appris.

Par la même raison, lorsque dans l'histoire un personnage a plus d'influence que d'apparence, qu'il agit plus au-dedans qu'au-dehors, il est intéressant de décrire avec soin ce ressort intérieur et secret des événements qu'on raconte. Ainsi rien de plus nécessaire, de plus intéressant dans le récit du règne de Tibère, que le portrait de Séjan.

Mox Tiberium variis artibus devinxit adeo, ut obscurum adversum alios, sibi uni incautum intectum que efficeret: non tam solertia (quippe üsdem artibus victus est), quam deum ira in rem romanam, cujus pari exitio viguit ceciditque. Voilà le personnage; voici son caractère. Corpus illi laborum tolerans; animus audax sui obtegens; in alios criminator; juxta adulatio et superbia; palam compositus pudor; intus summa apiscendi libido, ejusque caussa, modo largitio et luxus, sæpius in

dustria ac vigilantia, haud minus noxia, quotiens parando regno finguntur. (1). ( Annal. Iv.)

Dans un historien éloquent (presque tous les anciens l'étaient: témoins Thucydide, Xénophon, Salluste, Tite-Live, et Tacite), la manière de peindre ne diffère de celle de l'orateur que par nne précision et une vérité plus sévères: on va le voir par des exemples qui dédommageront un peu de la sécheresse de mes observations. Salluste peint Catilina.

Lucius Catilina, nobili genere natus, fuit magna vi animi et corporis, sed ingenio malo pravoque. Huic ab adolescentia bella intestina, cædes, rapinæ, discordia civilis, grata fuere; ibique juventutem suam exercuit. Corpus patiens inedia, algoris, vigilia, supra quam cuiquam credibile est. Animus audax, subdolus, varius, cujuslibet rei simulator ac dissimulator, alieni appetens, sui profusus, ar

(1)« Séjan, par différents artifices, sat tellement gagner Tibère, que ce prince, caché pour tout le monde, était pour lui sans secret et sans défiance, non pas tant par l'adresse de Séjan (qui succomba lui-même sous des scélérats plus adroits), que par la colère des dieux contre la république, à qui sa faveur et sa chute furent également funestes. Endurci au travail, audacieux, habile à se cacher et à noircir les autres, insolent et flatteur, modeste et composé au-dehors et dévoré au-dedans de la fureur de régner, il employait dans cette vue tantôt le luxe et les largesses, tantôt l'application et la vigilance, non moins criminelles quand elles servent de masque à l'ambition. »

dens in cupiditatibus: satis loquentiæ, sapientiæ parum: vastus animus, immoderata, incredibilia, nimis alta semper cupiebat (1). (Catil. v.)

De ce caractère et de celui de César, Bossuet semble avoir formé le portrait de Cromwell.

Un homme, dit-il, s'est rencontré d'une profondeur d'esprit incroyable hypocrite raffiné autant qu'habile politique, capable de tout entreprendre et de tout cacher, également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre, qui ne laissait rien à la fortune de ce qu'il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance, mais au reste si vigilant et si prêt à tout, qu'il n'a jamais manqué les occasions qu'elle lui a présentées; enfin un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde. »

Ici l'on voit le ton de l'éloquence plus élevé que celui de l'histoire.

(1) «Lucius Catilina, issu d'une famille noble, avait reçu de la nature une grande force d'ame et de corps, mais un génie malfaisant et pervers. Dès son adolescence, les guerres intestines, les meurtres, les rapines, la discorde civile, eurent pour lui des charmes, et il y exerça sa jeunesse. A la vigueur d'un corps fait à souffrir la faim, le froid, les longues veilles, au-delà de toute croyance, il joignait un esprit audacieux, fourbe, adroit à changer de face, sachant tout feindre et dissimuler, assez d'éloquence, peu de sagesse, une ame vaste et qui ne voulait rien que d'immodéré, d'incroyable, et de trop élevé pour cette ambition qui sans cesse le dévorait. »

Mais la différence est plus sensible encore dans le portrait qu'à fait Cicéron de ce même Catilina, en justifiant Coelius d'avoir été lié avec ce factieux, reproche important à détruire..

Studuit Catilinæ...... Coelius : et multi hoc idem ex omni ordine atque ex omni ætate fecerunt. Habuit enim ille, sicut meminisse vos arbitror, permulla maximarum, non expressa signa, sed adumbrata, virtutum : utebatur hominibus improbis multis; et quidem optimis se viris debitum esse simulabat: erant apud illum illecebræ libidinum multa; erant etiam industriæ quidam stimuli ac laboris flagrabant vitia libidinis apud illum; vigebant etiam studia rei militaris. Neque ego unquam fuisse tale monstrum in terris ullum puto, tam ex contrariis diversisque, inter se pugnantibus naturæ studiis, cupiditatibusque conflatum. Quis clarioribus viris quodam tempore jucundior? Quis turpioribus conjunctior? Quis civis meliorum partium aliquando? Quis tetrior hostis huic civitati? Quis in voluptatibus inquinatior? Quis in laboribus patientior? Quis in rapacitate avarior? Quis in largitione effusior? Illa vero, judices, in illo homine mirabilia fuerunt: comprehendere multos. amicitia; tueri obsequio; cum omnibus communicare quod habebat; servire temporibus suorum omnium pecunia, gratia, labore corporis, scelere etiam, si opus esset, et audacia; versare suam naturam, et regere ad tempus, atque huc et illuc torquere et flectere ; cum tristibus severe, cum remissis.

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