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La Motte analyse avec plus de soin l'idée essentielle des divers genres. Mais comme il ne donne sa théorie qu'à l'appui de sa pratique, il semble moins occupé du soin de trouver des règles que des excuses. Tout ce qu'il a écrit sur le poème épique est plein des mêmes préjugés qui lui ont fait si mal traduire et abréger l'Iliade : au lieu d'étudier le mécanisme de nos vers, il ne cesse de rimer et de déclamer contre la rime : ses discours sur l'ode et sur la pastorale ne sont que l'apologie déguisée de ses odes et de ses églogues; artifice ingénieux, qui n'en a imposé qu'un

moment.

J'en reviens aux maîtres de l'art, Aristote, Horace, Despréaux : Aristote, le génie le plus profond, le plus lumineux, le plus vaste, qui jamais ait osé parcourir la sphère des connaissances humaines; Horace, à la fois poète, philosophe, et critique excellent; Despréaux, l'homme de son siècle qui a le plus fait valoir la portion de talent qu'il avait reçue de la nature et la portion de lumière et de goût qu'il avait acquise par le travail.

Quoique Aristote, dans sa poétique, ait donné quelques définitions, quelques divisions élémentaires et communes à la poésie en général, ce n'a été que relativement à la tragédie et à l'épopée, dont il a fait son objet unique.

Il remonte à l'origine de la tragédie, et il la suit dans ses progrès. Il y distingue la fable, les mœurs, les pensées, et la diction. Il veut que la

fable ait une juste étendue, c'est-à-dire telle que la mémoire l'embrasse et la retienne sans effort; il exige que l'action soit une et entière, qu'elle s'exécute dans une révolution du soleil, qu'elle soit vraisemblable, terrible, et touchante. A son gré, ce qui se passe entre des ennemis ou des indifférents n'est pas digne de la tragédie : c'est lorsqu'un ami tue où va tuer son ami; un fils, son père; une mère, son fils; un fils, sa mère, etc., que l'action est vraiment tragique.

Il passe aux mœurs, et il exige qu'elles soient bonnes, convenables, ressemblantes, et d'accord avec elles-mêmes. Voyez MOEURS.

Quoiqu'il admette quatre espèces de tragédie, l'une pathétique, l'autre morale, et l'une et l'autre simple ou implexe, il donne la préférence à la tragédie implexe et pathétique, à celle, dis-je, où la fortune du personnage intéressant change de face par une révolution pitoyable et terrible. (Voyez TRAGÉDIE.) Or le grand mobile des révolutions c'est la reconnaissance; il veut qu'elle soit amenée naturellement, et il en indique les moyens. La plus belle, dit-il, est celle qui naît des incidents, comme dans l'OEdipe et l'Iphigénie en Tauride. Voyez RECONNAISSANCE.

Il enseigne aux poètes une méthode excellente pour s'assurer de la bonté, de la régularité de leur plan; c'est de le tracer d'abord dans sa plus grande simplicité, avant de penser aux détails et aux circonstances épisodiques : il en donne l'exem

ple et le précepte, en réduisant ainsi le sujet de l'Iphigénie en Tauride et de l'Odyssée.

Il distingue, dans la fable, le noeud et le dénouement. Il entend par le nœud tout ce qui précède la révolution; et par le dénouement, tout ce qui la suit. Le nœud, dit-il, se forme par des incidents qui viennent du dehors, ou qui naissent du fond du sujet : ces incidents, les moyens, les circonstances de l'action, sont ce qu'il appelle épisodes. Le dénouement ne doit jamais, dit-il, être amené par une machine, mais procéder de la même cause qui produit la révolution. Voyez INTRIGUE et DÉNOUEMENT.

Ce que les interprètes latins d'Aristote ont appelé sentences, et ce que M. Dacier appelle malà-propos les sentiments, est, dans la tragédie, l'éloquence des passions ; ce qui persuade, intéresse, attendrit, ce qui peint les mouvements d'une ame et les fait passer dans les autres ames. Ici Aristote renvoie à ce qu'il en a dit dans ses livres de la rhétorique.

Il traite enfin de la diction relativement à sa langue.

Après avoir développé le mécanisme de la tragédie, et en avoir établi les règles, il les applique à l'épopée.

La fable en doit être dramatique et renfermée dans une seule action : il fait voir, dans les deux poèmes d'Homère, l'ordonnance même de la tragédie. L'épopée, dit-il, ne diffère de la tragédie

que par son étendue et par la forme de ses vers. Il compare les deux genres, et donne la préférence à la tragédie, parce qu'elle a pour elle l'évidence de l'action; qu'avec plus d'unité et moins d'étendue, elle produit mieux son effet.

Ces préceptes ont coûté des peines infinies à éclaircir. La foule des commentateurs y a consumé ses veilles. Il ne fallait pas moins que des savants comme Castelvetro et Dacier, et un génie comme Corneille, pour y répandre la clarté : encore arrive-t-il souvent, et dans les points les plus essentiels, que Castelvetro n'est point d'accord avec Dacier, ni Dacier avec Corneille, ni celui-ci avec Aristote, ni Aristote avec lui-même. Mais du choc de ces opinions, nous n'avons pas laissé de tirer des lumières; et dans l'espace d'un siècle et demi, l'expérience journalière du premier théâtre du monde et l'exemple des plus grands maîtres, nous ont fait voir dans l'art dramatique ce qu'Aristote n'y avait pas vu, un nouveau genre et des moyens nouveaux. Voyez TRAGÉDIE.

Horace, dans son Art poétique, parle de la poésie en poète, en philosophe, en homme de goût et de génie : il veut que le poème soit homogène ; que les parties qui le composent se conviennent et soient d'accord; qu'elles soient proportionnées, et qu'on y évite les ornements superflus et mal assortis ;

Denique sit quodvis simplex duntaxat et unum.

que le poète soit en état de traiter, non-seulement telle ou telle partie, mais toutes les parties de son ouvrage; qu'il sache les finir et les mettre d'accord; qu'il choisisse un sujet proportionné à ses forces, et qu'il s'en pénètre en le méditant ;

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Cui lecta potenter erit res,

Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo.....

qu'il distribue son sujet avec intelligence et avec sagesse; qu'il choisisse avec goût ce qui peut intéresser, et rejette ce qui peut déplaire:

Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici ;

Hoc amet, hoc spernat,

Il distingue les genres de poésie par les différentes espèces de vers; il fait sentir les convenances à observer entre le sujet et le style,

Descriptas servare vices, operumque colores....

il exige non-seulement qu'un poème soit beau, mais de cette beauté qui touche, persuade, attire: Et quocumque volent animum auditoris agunto.

Dans la conduite que l'on fait tenir à ses personnages, on doit suivre, dit-il, l'opinion, ou observer les vraisemblances; et celles-ci dépendent de l'analogie et de l'accord des qualités qui composent un caractère :

Servetur ad imum

Qualis ab incepto processerit, et sibi constet.

Non-seulement ces qualités doivent être d'ac

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