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C'est cette troisième classe de choses qui forme la dotation du domaine public, et qui fera le sujet du présent traité; et, pour ne pas laisser dans un vague absolu l'imagination de ceux qui voudront d'abord s'assurer du contenu général de l'ouvrage par la lecture d'une petite préface, nous allons ci-après indiquer sommairement ce qui tient aux principes généraux de la matière, et ce qui rentre dans l'exécution des diverses branches de ce travail.

Comme on vient de l'énoncer ci-dessus, le domaine public embrasse généralement deux genres de fonds qui sont de nature totalement différente, en ce que les uns appartiennent à la terre ferme, comme les terrains militaires, les routes, les rues et places publiques des villes, bourgs et villages, et toutes les autres voies et chemins publics; or, on sent facilement combien le champ des discussions doit s'agrandir lorqu'on entreprend de passer en revue tous ces objets, et que, prenant son point de départ depuis les grandes routes jusqu'au plus petit sentier public, il s'agit de retracer et expliquer toutes les règles de la grande et de la petite voirie.

D'autre part, les fonds compris dans le domaine public, et qui se rapportent aux eaux, consistent dans les rivières navigables et flottables, les canaux de navigation intérieure, et même, sous certains rapports, dans les petites rivières et autres cours d'eau d'un ordre inférieur; et ici, comme quand il s'agit des fonds de terre ferme, on sent également qu'en prenant son point de départ depuis la mer, qui est le réservoir neutre du genre humain, pour traiter successivement des rivières de toutes les classes, arriver jusqu'aux plus petits ruisseaux, et faire voir quels sont les droits, soit du corps social, soit des habitans des lieux, sur l'usage de tous les cours d'eau, l'on aperçoit de suite, quoique dans le lointain, l'immense étendue du travail dont on entreprend l'exécution.

Ce sont ces diverses classes de fonds terrestres et aquatiques, compris dans le domaine public, qui forment le sujet du présent ouvrage.

Mais comme, d'une part, pour bien traiter des droits de l'homme en -société, il convient d'en examiner la cause et le fondement naturel dans le sens le plus large, c'est par là que nous avons voulu commencer, après avoir toutefois indiqué d'une manière générale la nature légale des choses qui nous entourent.

Et comme, d'autre part, en arrivant aux spécialités et au droit positif, nous trouvons que toutes les matières qui forment la dotation du domaine public sont immédiatement sous la dépendance du pouvoir législatif, en ce qui touche à la création des grands établissemens, et que, dans tout le reste, elles sont soumises, sous différens rapports, tantôt au pouvoir administratif, tantôt à l'autorité judiciaire, ce qui offre souvent des questions de conflit et de compétence entre ces diverses autorités,

nous avons dù, en rentrant sous l'empire du droit positif, commencer par faire connaître, aussi exactement que possible, nos principes constitutionnels sur la démarcation des pouvoirs publics en France, afin d'attribuer à chacun d'eux, et avec plus de discernement, ce qui lui appartient à l'exclusion des autres, sur les choses du domaine dont nous avons à traiter.

On trouvera donc en premier lieu dans cet ouvrage la définition exacte du domaine public, ainsi que l'explication des principes touchant son inaliénabilité et son imprescriptibilité.

On y trouvera l'explication des principes généraux auxquels il faut remonter pour distinguer exactement les matières qui sont exclusivement soumises au pouvoir administratif de celles qui sont placées dans les attributions des tribunaux ordinaires.

On y trouvera les règles de compétence qui gouvernent le tracé des routes et des rues, et celles suivant lesquelles ceux qui veulent faire des constructions sur les bords de ces voies publiques sont tenus d'obtenir leur alignement de la part de l'autorité compétente.

On y trouvera l'explication des procédés à suivre pour établir légalement des usines sur tous les cours d'eau. On verra à quelle autorité il faut s'adresser pour cela, ainsi que pour faire supprimer, modifier ou détruire les anciennes usines reconnues nuisibles à la contrée de leur situation.

On y verra dans quels cas et comment les meuniers qui se trouvent en collision d'intérêts, par rapport au rapprochement de leurs usines, peuvent élever des plaintes légitimes les uns contre les autres, et par-devant quelle autorité ces plaintes doivent être portées.

On y verra ce que peuvent faire les propriétaires des fonds voisins pour obtenir réparation des dommages que leur causent les écluses des usines, par le regonflement des eaux qui vont dériver sur leurs héritages, ou y causer quelque lésion que

ce soit.

On y trouvera l'explication de toutes les règles qui gouvernent le droit d'alluvion dans les rivières.

On y verra tout ce qui concerne le régime des eaux d'irrigation; tout ce qui concerne la propriété des sources soit d'eau douce, soit d'eau salée ou d'eaux minérales; et encore quels peuvent être les droits des propriétaires de fonds, en ce qui touche

aux eaux souterraines.

Mais, toutes ces matières étant, comme on l'a déjà dit, soumises, sous différens points de vue, tantôt au pouvoir réglementaire de l'administration publique, tantôt

au pouvoir judiciaire des tribunaux, nous nous sommes trouvés, pour ainsi dire à chaque pas, obligés de discuter des questions de conflit, souvent très difficiles, pour indiquer la compétence propre à chacune de ces deux autorités.

Si nous étions assez heureux pour avoir bien accompli cette tâche, notre ouvrage ne serait pas seulement fort utile aux magistrats qui remplissent les fonctions de juges et celles du ministère public dans les tribunaux, mais encore à tous les préfets, souspréfets et conseillers de préfecture; à tous les meuniers et propriétaires d'usines, ainsi qu'à tous les maîtres de fonds traversés par les cours d'eau; et, quelles que soient les imperfections qui aient pu nous échapper dans ce travail, nous osons croire encore que tous pourront le consulter avec plus ou moins de profit, parce qu'il nous a coûté trop de réflexions pour que nous puissions le regarder comme inutile.

Voilà ce que nous avions à dire, en abrégé, sur le plan général de cet ouvrage. Il nous reste à avertir le lecteur que les articles du Code civil sont cités dans ce traité par leurs numéros d'ordre, renfermés entre deux parenthèses;

Et que, quand nons citons les honorables Messieurs SIREY et MACAREL, c'est à leurs recueils de la jurisprudence et des arrêts du conseil d'état qu'on doit recourir.

FIN DE LA PRÉFACE.

DU

DOMAINE PUBLIC,

OU

DE LA DISTINCTION DES BIENS.

CHAPITRE PREMIER.
Des choses en général.

1. Nous entendons ici par le terme choses généralement considérées, tout ce qui existe physiquement dans la nature ou qui est connu comme existant moralement dans le droit.

La terre, les pierres, le bois, le blé, l'herbe, le vin et l'eau sont des choses, parce qu'ils existent physiquement dans la nature.

Les servitudes, les actions, les contrats, les engagemens, sont aussi des choses, parce qu'ils sont connus comme existant moralement dans le droit.

Suivant cette acception générale, les hommes sont eux-mêmes des choses, puisque nous n'en excluons rien de ce qui existe.

2. Dans la science du droit, et abstraction faite de l'homme, on distingue cinq genres de choses qui nous sont parfaite

TOM. I.

ment signalées par la loi romaine : Quædam enim, y est-il dit, naturali jure communia sunt omnium; quædam publica; quædam sunt universitatis; quædam nullius; pleraque singulorum . Pour développer l'intelligence de ce texte, reprenons-en les diverses parties.

Il y a par le droit de nature des choses qui sont communes à tous les hommes : Quædam enim naturali jure communia sunt omnium. Telles sont celles qui, par rapport à leur éloignement, ou leur essence fugitive, ou leur immensité, ne peuvent être renfermées dans le domaine exclusif de personne : comme les astres, l'eau courante, la mer, l'air, la lumière.

3. Il y en a d'autres qui sont publiques,

Instit. de rerum divisione, in princip. 1

quædam publica, comme asservies par la disposition de la loi civile aux usages de tous. Tels sont les ports de mer, les fleuves et rivières navigables, les grandes routes et les chemins publics; et c'est ce genre de choses qui fait l'objet du domaine public, dont nous traiterons plus bas.

4. Il y en a d'autres qui appartiennent propriétairement à la communauté politique, qui en jouit comme les particuliers jouissent chacun de ses biens: Quædam sunt universitatis. Ce sont celles qui composent les domaines nationaux et communaux, ou le patrimoine de l'état et des communes, dont nous traiterons ailleurs.

5. Il y en a d'autres qui restent dans l'état de nature primitive, parce qu'elles n'appartiennent encore à personne, quoique susceptibles d'être acquises au premier occupant et d'entrer dans le domaine privé de celui qui s'en saisit: Quædam nullius. Tels sont les poissons qu'on pêche dans la mer et les fleuves, ainsi que le gibier qui est pris à la chasse.

6. Il y a en d'autres enfin, et en plus grand nombre d'espèces, qui appartiennent aux divers membres de la société : Pleraque singulorum, et qui sont le sujet du domaine de propriété, dont nous aurons à nous occuper ailleurs.

7. Mais outre ces rapports généraux, il est encore une autre division non moins essentielle à bien connaître entre les choses qui sont dans le commerce et celles qui sont hors du commerce.

Les choses qui entrent dans le commerce sont celles qui, soumises aux règles établies pour le gouvernement de la propriété et des droits privés, peuvent être aliénées par les uns et acquises par les autres, pour rester dans la possession exclusive de celui qui en est ou qui en devient le maître. Il n'y a que les choses de cette nature qui puissent être l'objet de nos conventions, parce qu'il n'y a qu'elles qui puissent être acquises à l'un plutôt qu'à l'autre, et passer du domaine du premier dans celui du second.

On connait les choses qui sont dans le

commerce par le signalement de celles qui n'y entrent point.

Il y a six genres de choses qui sont placées hors du commerce, suivant que ce caractère leur est imprimé,

Soit par leur propre immensité,
Soit par le droit divin positif,
Soit par les principes de la morale,
Soit par le droit naturel,

Soit par le droit public établi pour l'organisation sociale,

Soit enfin par la destination de la loi civile.

8. Le PREMIER genre, celui des choses qui sont placées hors du commerce par leur propre immensité, comprend les astres, la lumière, l'air, la mer, l'eau courante considérée comme élément : elles sont hors du commerce, parce que telle est leur immensité qu'elles ne sauraient être captivées dans les bornes étroites de nos possessions privées.

Nécessaires à l'harmonie de ce monde, à la vie des hommes et à l'existence des sociétés humaines, elles sont destinées par la nature au service de tous indistinctement, et nul ne pourrait y prétendre de droit exclusif au préjudice de ses semblables.

Il faut cependant observer que quand on dit que l'eau courante est un des élémens placés hors du commercé, c'est en tant qu'elle est généralement considérée : car celui qui va puiser dans une rivière, devient propriétaire de l'eau qu'il en tire, et il peut la vendre à d'autres, comme font les porteurs d'eau à Paris.

9. Le SECOND genre des choses qui sont placées hors du commerce, et qui en sont exclues par la prohibition du droit divin positif, comprend les choses spirituelles qui appartiennent au culte divin, telles que l'administration des sacremens, qui ne peuvent être l'objet d'aucune vente ni d'aucune transaction commerciale, parce qu'elles ne peuvent jamais cesser d'être un don de Dieu : Pecunia tua tecum sit in perditionem : quoniam donum Dei existimasti pecuniá possideri 1.

10. Le TROISIEME genre, celui des choses

Actorum, cap 8, versic. 20.

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