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rait être bientôt consommé si le coupable n'était arrêté dans sa marche audacieuse : Is qui cum telo ambulaverit hominis necandi causâ, sicut is qui hominem occiderit, legis cornelia de sicariis poenâ coerceatur '; et notre code déclare avec plus de précision encore sur ce sujet, que toute tentative de crime qui aura été manifestée par des actes extérieurs, et suivie d'un commencement d'exécution, si elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par des circonstances fortuites ou indépendantes de la volonté de l'auteur, est considérée comme le crime même ".

En second lieu, l'autorité souveraine ne pourrait disposer ou statuer d'une manière qui fût opposée au droit naturel absolu, parce qu'elle agirait contre la loi de sa propre nature en attaquant les fondemens de la société, pour la garantie desquels elle fut instituée. Et puisque dans l'ordre moral tout est fondé sur le droit naturel, comme nous l'avons fait voir au chapitre II, il y aurait une absurde contradiction à vouloir que l'autorité humaine pût en opérer l'abolition; Quia civilis ratio naturalia jura corrumpere non potest 3.

Ainsi l'autorité souveraine ne pourrait, par exemple, dispenser les pères et mères de l'obligation de nourrir et élever leurs enfans; elle ne pourrait dispenser les enfans de l'obligation du respect qu'ils doivent à leurs pères et mères ; elle ne pourrait affranchir les débiteurs de l'obligation de payer leurs dettes; elle ne pourrait remettre les hommes en communauté de biens; elle ne pourrait promulguer une loi agraire pour niveler toutes les possessions. Dans tous ces cas et autres semblables, les dépositaires de l'autorité suprême se mettraient nécessairement en forfaiture au lieu d'user des pouvoirs dont ils furent revêtus, il se mettraient en contravention avec l'essence même de ces pouvoirs, puisqu'ils tenteraient d'abolir des devoirs et de détruire des droits pour la protection desquels leur autorité fut établie.

1 L. 7, cod. ad legem corneliam de sicariis, lib. 9, tit. XVI.

Il en est du pouvoir souverain, dans l'ordre naturel des sociétés, comme du pouvoir exécutif dans notre ordre constitutionnel en sorte qu'on doit dire que, comme le roi peut faire toutes les ordonnances qu'il juge nécessaires ou utiles pour mettre pleinement à exécutiou nos lois positives, sans pouvoir les abroger, ni dispenser dans un sens absolu de s'y soumettre; de même l'autorité souveraine peut établir toutes sortes de lois positives pour l'exécution des préceptes du droit naturel et l'application de ses vœux aux besoins de la société, sans pouvoir néanmoins déroger à ce droit dans les principes fondamentaux, où sa volonté est absolue.

100. Enfin l'autorité souveraine ne peut exercer aucun empire sur le domaine des consciences touchant les dogmes de la foi.

Elle peut bien publier des réglemens sur les rites et solennités qui s'appliquent à l'exercice extérieur du culte, parce que cette matière rentre dans le domaine de la police civile établie pour le maintien de la paix entre les citoyens, mais elle n'a aucun pouvoir à exercer ni sur la liturgie intérieure du culte, ni sur la croyance religieuse, parce qu'ici tout rentre dans le droit divin positif.

On ne peut trop déplorer l'erreur de ceux qui voudraient à tout propos introduire dans les lois civiles des dispositions touchant les vérités dogmatiques de la religion : agir ainsi, ce n'est ni plus ni moins que provoquer un principe d'hérésie, et solliciter une impiété par un aveugle esprit de dévotion.

Il faut bien remarquer, en effet, qu'on ne peut demander une loi quelconque sans reconnaître que le pouvoir dont on la sollicite est compétent pour l'établir, et sans reconnaître encore que l'objet sur lequel on la demande est dans sa dépendance. On ne pourrait donc s'adresser à l'autorité civile pour l'inviter à statuer sur des matières qui touchent au dogme, sans supposer que la connaissance de ces matières

2 Art. 2 du Code pénal.

3 L. 8, ff. de capite minutis, lib. 4. tit. V.

et les jugemens dont elles peuvent être l'objet sont dans ses attributions ; or, une fois que cette compétence est reconnue, les résultats peuvent en être incalculables: car si l'autorité, au lieu de vouloir prescrire des mesures tendant à faire entrer les autres dans ma religion, ou à les opprimer dans l'exercice de la leur, s'avisait au contraire d'en ordonner pour me forcer à changer la mienne ou pour m'opprimer dans son exercice, je n'aurais plus rien à dire contre la légalité de son commandement, parce qu'ayant reconnu qu'elle était compétente, j'aurais par là même reconnu le principe de validité de la loi qu'elle a voulu m'imposer.

. 101. Suivant Blackstome, ces principes sont méconnus en Angleterre : « Le pou«voir, dit-il, et la juridiction du parle<< ment sont sans bornes; par son autorité << souveraine et absolue, il peut confirmer, étendre, restreindre, abroger, révo<< quer, renouveler et expliquer les lois << concernant toutes les matières possibles, « ecclésiastiques, temporelles, civiles, « criminelles, militaires et maritimes. « C'est en lui que la constitution a placé « ce pouvoir despotique et absolu qui « dans tous les gouvernemens doit rési<< der quelque part. Tous les maux, les "griefs, les abus, les opérations, les re<< mèdes auxquels la juridiction ordinaire << ne peut pas s'étendre, sont du ressort de << cet auguste Tribunal. Il peut régler ou « intervertir l'ordre de la succession à la « couronne, ainsi qu'il le fit sous Henri « VIII et Guillaume III; il peut changer << la religion établie; il l'a fait plusieurs « fois sous le même Henri VIII et ses trois

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<< enfans. » Plus bas le même auteur ajoute que « pour prévenir les maux qui pour«raient résulter en plaçant une autorité << si étendue en des mains incapables de « l'exercer, les coutumes et les lois du parlement ordonnent que personne ne « pourra siéger ni donner sa voix dans «<< aucune des deux chambres qu'après << avoir atteint l'âge de vingt-un ans; il « est également ordonné que tout mem«bre, avant que de prendre séance, pré«tera les sermens de fidélité, de supré«matie et d'abjuration; qu'il souscrira et « répètera la déclaration contraire à la transsubstantiation, à l'invocation des « saints et au sacrifice de la messe : le tout « en présence de la chambre à laquelle il «< doit appartenir. »

C'est ainsi qu'en Angleterre, qu'on vante comme le pays classique de la liberté, un despotisme extrême viole la liberté elle-même jusque dans le sanctuaire où elle doit être au dessus de toutes les atteintes de l'autorité humaine. On ne saurait se rendre raison d'une telle contradiction qu'en se rappelant que ces réglemens ne sont qu'un reste des lois de colère portées dans les assauts que le protestantisme livrait à l'église romaine sous Henri VIII et ses enfans; et c'est ainsi qu'au mépris du dogme sacré de la tolérance religieuse, ces lois sont restées en vigueur, non par l'influence de la raison publique, mais par l'empire de la haine contre le catholicisme et de l'habitude qu'on s'en est formée.

Que diraient les ennemis de notre révolution si elle nous avait entraînés à de tels écarts? ou plutôt que ne diraient-ils pas contre les amis de nos libertés?

CHAPITRE IX.

Parallèle ou comparaison de la marche et des actions de l'autorité administrative et du pouvoir judiciaire.

102. En traitant du domaine public et des diverses matières qui s'y rattachent, nous allons trouver une foule de questions plus ou moins difficiles à résoudre sur la compétence respective des pouvoirs constitutionnels de l'état, et à l'égard des quelles il s'agit de prévoir dès maintenant les principes généraux d'où doivent en

dériver les solutions.

Nous ferons d'abord remarquer que le pouvoir de juridiction ordinaire est uniquement confié aux tribunaux, qui ont reçu une institution à part et une existence tout à fait indépendante, et que ce pouvoir est UN dans sa hiérarchie constitutionnelle;

Qu'il n'en est pas de même en tout, du pouvoir administratif, qui, pris dans le sens général le plus étendu, renferme deux choses très distinctes l'une qui constitue le pouvoir exécutif pur, et que nous appelons l'administration active; et l'autre qui embrasse les tribunaux administratifs, c'est-à-dire les conseils de préfecture, établis pour statuer en première instance, et le conseil d'état, comité contentieux, établi pour prononcer en dernier ressort sur les causes exceptionnelles qui leur sont attribuées par les lois.

Le pouvoir judiciaire, qui est toujours le même parce qu'il est un dans sa hiérarchie constitutionnelle, peut donc se trouver, suivant la diversité des circonstances, en collision avec deux autres pouvoirs très distincts, qui sont l'administra

tion active pour sa part, et les tribunaux administratifs sur d'autres points.

Comme nous traiterons spécialement et amplement des tribunaux administratifs dans le chapitre suivant, où nous ferons voir quelles sont les conditions auxquelles est soumise leur compétence particulière, nous nous bornerons, dans le présent chapitre, à la comparaison du pouvoir judiciaire et de l'administration active, en signalant d'abord la diversité des systèmes de leurs marches et de leurs actions, pour arriver à la connaissance de la diversité des objets de leur compétence respective.

Il s'agit de deux pouvoirs qui, établis sur deux lignes parallèles l'une à l'autre, ne devraient éprouver aucune collision hostile, encore que leurs actions, considérées sous différens rapports, dussent se porter sur le même objet : ce sont souvent deux rivaux qu'il faut concilier sur le chemin de la justice.

Le problème à résoudre consiste à indiquer, avec autant de précision que possible, les règles d'après lesquelles on doit distinguer les cas où la solution de la question qui se présente doit être renvoyée à l'une des autorités administrative ou judiciaire plutôt qu'à l'autre : or, la clef de ce problème se trouve dans la vraie intelligence de la mission constitutionnelle de l'un et l'autre de ces pouvoirs et de la manière dont s'applique l'action de chacun d'eux à la chose qui lui est sou

mise et sur laquelle il opère. Cherchons à éclairer tout cela.

103. Le pouvoir administratif fait des réglemens; il est constitutionnellement chargé de cette tâche par l'article 13 de la charte, et ces réglemens sont comme des lois en sous-ordre auxquelles les tribunaux sont tenus de soumettre leurs décisions; tandis qu'au contraire il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises (5).

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Le pouvoir administratif reste entièrement placé dans les mains du gouvernement; et c'est pourquoi l'appel ou le recours contre les décisions de ses officiers ou agens subalternes doit toujours être porté au ministre ou au conseil d'état; l'ordre judiciaire a au contraire reçu une constitution séparée et indépendante du gouvernement, et c'est pourquoi le dernier recours contre les jugemens des divers tribunaux, dans les matières de leur compétence, ne se porte qu'à la cour de cassation.

Telle est la différence constitutionnelle qui existe entre ces deux pouvoirs; voyons actuellement quelle est la diversité de vues, d'intérêts et de marches suivant lesquels s'applique l'action de l'un et de

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104. Le pouvoir judiciaire ne statue que sur les intérêts individuels de ceux qui sont devant lui en qualité de cause, et qui ont provoqué sa décision. C'est pourquoi dans tous les temps on a regardé comme une maxime constante que la décision du juge ne peut profiter ni nuire qu'à ceux qui étaient parties présentes ou appelées au procès. L'autorité administrative s'attache au contraire au gouvernement des masses, et pour cela elle statue sur l'intérêt collectif des citoyens de l'état ou des habitans d'une contrée, même de ceux qui n'auraient point provoqué son action. C'est pourquoi son réglement a la nature du præceptum commune, qui est le caractère constitutif de la loi 2.

S'ils sont conformes aux lois. Const. B., art. 107. TOM. 1er.

Ainsi, à supposer qu'il s'agisse de l'établissement d'une nouvelle route ou de la rectification d'une ancienne, et que, dans les informations prises sur les lieux, c'està-dire dans l'enquête de commodo et incommodo, il s'élève des discussions et contredits plus ou moins animés entre les habitans et propriétaires des lieux de passage, dont les uns veulent que la route soit plutôt établie ou rejetée sur les fonds des autres, l'administration sera seule compétente pour statuer sur ce genre de débats, attendu que le tracé d'une route est nécessairement une mesure réglementaire, puisqu'il règle sur le sol la marche à suivre par ceux qui fréquenteront la route; qu'en jugeant de l'opportunité et des convenances qu'il peut y avoir à donner à ce tracé une direction plutôt qu'une autre, l'autorité qui le fait opérer ne doit agir dans l'intérêt d'aucun particulier, mais seulement dans l'intérêt du public, pour le service duquel on établit ou rectifie le chemin; qu'en un mot tout ce qui touche à la meilleure viabilité de la route et à la sûreté du passage rentrant toujours dans l'intérêt général des masses ou de la société tout entière, il ne peut appartenir qu'à l'administration publique de le définir et de le régler.

Mais si, dans la même hypothèse, il s'élève une contestation sur la question de savoir à qui appartient un fonds qui se trouve signalé dans le plan de l'administration, comme devant être occupé par la route, il y aura ici une contestation individuelle et d'intérêts privés, qui devra être renvoyée par-devant les tribunaux, non pas pour décider si ce fonds sera, ou non, pris pour l'établissement du grand chemin, mais seulement pour déclarer quel est celui des contendans qui en était propriétaire, et qui en conséquence sera admis à en réclamer le prix d'expropriation.

105. Le pouvoir judiciaire ne statue que sur des droits préexistans, pour en assurer l'exécution; tandis que le pouvoir

2 L. 1, ff. de legibus, lib. 1, tit. III.

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administratif embrasse l'avenir, et peut souvent donner lieu à des droits nouveaux, par l'effet de ses réglemens : comme une loi nouvelle peut donner lieu à des droits nouveaux entre les citoyens.

Ainsi, en supposant qu'il s'élève une contestation entre deux propriétaires de prés qui réclament l'un contre l'autre la jouissance de leurs prises d'eau d'irrigation dans un ruisseau qui borde leurs héritages, le tribunal auquel leurs débats seront portés devra se borner à reconnaître leurs droits respectifs d'après leurs titres ou la possession, pour leur en assurer la jouissance exacte dans l'avenir, et à réprimer les excès ou voies de fait dont l'un se serait jusque là rendu coupable envers l'autre ; c'est-à-dire qu'en tout le pouvoir judiciaire ne sera ici que le protecteur et le conservateur des droits acquis.

Mais si l'on élève sa pensée plus haut, et que, pris égard à un intérêt collectif de localité ou de salubrité, ce soit l'administration publique qui vienne mettre la main à l'œuvre pour donner à l'écoulement des eaux une meilleure direction, et porter le bienfait de l'irrigation dans une région qui n'en jouissait pas auparavant; alors il est possible que les droits préexistans dans les propriétés riveraines restent entièrement abolis; et ils seront totalement supprimés si l'on a totalement détourné le cours d'eau, tandis que les propriétaires des fonds vers lesquels on aura dirigé le ruisseau se trouveront dotés d'un droit d'irrigation qu'ils n'avaient pas.

C'est ainsi que là où le pouvoir judiciaire est tenu de conserver les droits individuels des plaideurs, par la raison qu'il ne doit statuer que dans la sphère des intérêts privés, le pouvoir administratif peut au contraire intervertir ces mêmes droits, par la raison qu'il ne doit avoir, dans sa marche, d'autre guide que l'intérêt collectif, auquel l'intérêt individuel et privé reste toujours subordonné.

106. Au civil, le pouvoir judiciaire ne statue pas d'office; il ne s'occupe que des causes de litige sur lesquelles sa décision est requise par quelqu'un : le pouvoir administratif au contraire statue d'office,

sans qu'on lui ait adressé aucune demande, et il est toujours censé agir de cette manière, lors même que par quelque réclamation ou pétition il est averti de l'importance de la mesure qui est sollicitée près de lui.

Le pouvoir judicaire ne statue que sur des questions contentieuses, tandis qu'au contraire l'administration active ne statue que sur ce qui n'est pas contentieux, attendu qu'agissant en souveraine dans la sphère de sa compétence, on ne pourrait lui imposer la loi d'aucun jugement autre que celui qu'elle porte elle-même.

107. Comme le pouvoir législatif n'est point investi du droit de juger les débats que l'exécution des lois peut faire surgir entre particuliers, de même le pouvoir administratif ne doit point se constituer juge des difficultés individuelles que l'exécution de ses réglemens peut faire naître entre particuliers. Dans un cas comme dans l'autre, c'est devant les tribunaux que les contestations doivent être portées.

Ainsi, à supposer que l'administration publique autorise l'établissement d'un moulin ou autre usine sur une rivière, et que l'écluse du moulin occasione des inondations sur les fonds voisins, cela donnera lieu à des actions en dommages-intérêts de la part des propriétaires de ces fonds, parce que, comme nous le ferons voir dans la suite, l'acte d'autorisation ou de concession n'aura toujours eu lieu, de la part du gouvernement, qu'aux risques et périls de l'impétrant, et sauf les droits d'autrui. Mais ces contestations, n'étant que des débats individuels entre le meunier et les propriétaires riverains, devront être renvoyées en justice ordinaire.

Il en serait autrement si pour faire cesser la cause des sinistres, les propriétaires voisins voulaient demander la suppression même de l'usine ou seulement une réduction dans les barrages qui avaient été autorisés par l'administration. Dans ce cas, l'établissement étant fondé en titre, ce n'est qu'à l'administration qu'on pourrait s'adresser pour en obtenir la suppression du moulin ou l'abaissement de ses barrages, parce qu'il n'y a que l'administration

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