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CHAPITRE XVIII.

Des grandes routes ou grands chemins.

Nous ne nous occupons pas encore ici des chemins vicinaux ou autres chemins d'un ordre inférieur. Ce qui les concerne trouvera sa place dans ce que nous aurons à dire en traitant du domaine public municipal.

Nous diviserons ce chapitre en trois sections, dans lesquelles nous traiterons successivement :

Des grandes routes considérées comme faisant partie du domaine public;

Et de la classification, largeur et alignement des routes;

De la question de savoir sur qui pèse la charge de leurs établissement et entretien.

SFCTION PREMIÈRE.

DES GRANDES ROUTES CONSIDÉRÉES COMME DEVANT,

PAR LEUR DESTINATION, FAIRE PARTIE DU DOMAINE PUBLIC.

239. L'établissement des grands chemins doit remonter jusqu'aux temps les plus reculés, puisque toujours ils ont été nécessaires pour assurer les communications entre les habitans soit des mêmes pays, soit des diverses contrées. Et, comme leur fonction fut toujours de servir indistinctement à tous les hommes, jamais ils ne purent être véritablement la propriété de personne, quelle qu'ait été d'ailleurs à ce sujet la prétention des seigneurs durant le règne de la féodalité.

Nous appelons chemins publics, dit Ulpien, ceux dont le sol est public aussi :

car il y a cette différence entre un chemin privé et celui qui est public; qu'en ce qui touche au premier, le sol est la propriété particulière d'un autre, en sorte que nous n'avons que le droit d'y passer ou d'y faire passer nos voitures; tandis qu'en fait de chemin public, le sol est public aussi, comme ayant été, lors du partage des terres, laissé, par décret de l'autorité supérieure, dans l'état de communion native, avec les dimensions convenables pour que chacun put s'en servir. Viam publicam eam dicimus cujus etiam solum publicum est. Non enim sicuti in viâ privatâ, ita et in publicâ accipimus: viæ privata solum alienum est, et jus tantùm eundi et agendi nobis competit; viæ autem publicæ solum publicum est, relictum ac directum certis finibus latitudinis ab eo qui jus publicandi habuit, ut publicè iretur,

commearetur 1.

Telle est la législation dont nous avons tiré comme un principe constant que nos routes font essentiellement partie du domaine public; et, quoique ce principe ait été méconnu ou violé par la féodalité, qui, en certaines provinces, attribuait aux seigneurs la propriété des chemins, il n'en dut pas moins rester vrai dans tous les temps, parce qu'il est fondé sur la nature des choses; et c'est aussi ce que nous voyons enseigné par Loiseau, en traitant de la police de voirie.

<< Il me semble, dit-il, que la distinction

IL. 2, § 21, ff. ne quid in loco publico, lib. 43, tit. 8.

"

<«< des chemins royaux et de traverse, bien << que convenable lorsqu'il est question « d'arbitrer leur largeur, ou encore pos«<sible de contribuer à leur réparation, il « n'est pas toutefois considérable en la question, si la justice d'iceux appartient « aux juges royaux ou des seigneurs : car <«< les chemins, pour être dits royaux, ne « sont pas plus au roi que les traverses ou << autres chemins publics; attendu qu'ils << sont dits royaux comme les plus grands <«<et excellens; et de fait il est notoire qu'ils ont été appelés royaux par les « Romains et autres peuples qui n'avaient " pas de roi.

D'ailleurs, il est certain que la vraie << propriété des chemins n'appartient pas <«< aux rois : car on ne peut pas dire qu'ils << soient de leur domaine, mais ils sont de « la catégorie des choses qui sont hors du «< commerce, dont partant la propriété n'appartient à aucun, mais l'usage est à «< chacun; qui pour cette cause sont appelées publiques; et par conséquent la garde d'icelles appartient au prince sou << verain, non comme icelles étant de son << domaine, mais lui étant gardien et con«<servateur du bien public '. »

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Rien de plus clair et de mieux fondé que la doctrine enseignée par ce savant auteur; et de là il résulte que les chemins publics, étant placés hors du commerce, soit quant au sol qu'ils occupent, soit quant à l'usage auquel ils sont destinés, sont également imprescriptibles sous l'un et l'autre rapport; mais, comme nous ne devons pas faire ici d'inutiles répétitions, nous renvoyons aux chapitres qui précèdent pour ce qui a été dit sur cette imprescriptibilité.

240. Les routes doivent être, autant que le permettent les localités, accompagnées de fossés latéraux soit pour servir à l'écoulement des eaux, soit pour mettre obstacle aux anticipations possibles de la part des propriétaires riverains.

Aux termes de l'art. 2 d'un arrêt de ré

Loiseau, traité des seigneuries, chap. 9, nos 75 et suiv.

2

Voy. dans la conférence de Simon, sur l'article 3, tit 28, de l'ordonnance de 1669.

glement du conseil du 3 mai 1720, ces fossés doivent avoir une largeur au moins de six pieds dans le haut, de trois pieds dans le bas, et la profondeur de trois pieds '; ils sont aussi placés dans le domaine public, comme étant une partie accessoire de la route.

L'article 4 de cet arrêt du conseil imposait aux propriétaires riverains l'obligation de curer ces fossés latéraux des routes, ainsi que de faire sur leurs fonds le rejet des déblais du curage; et la même mesure avait été prescrite par les art. 32 et 109 d'un décret du 16 décembre 18113; mais cette servitude comportait en ellemême une grande injustice, en ce que souvent des champs de peu de contenance ont une très grande étendue le long de la route, tandis que d'autres ne font qu'y aboutir, et qu'ainsi la charge de ce curage se trouvait fort inégalement répartie; et comme elle était imposée aux personnes, et se trouvait, par là même, contraire à l'art. 686 du Code civil, elle devait être supprimée, et elle a effectivement été abolie par la loi du 12 mai 1825, qui, déclarant positivement que les fossés font partie des routes royales et départementales, veut qu'ils soient curés par les soins de l'administration publique 4.

De ce que le sol des grands chemins et de leurs fossés se trouve placé hors du commerce, pour faire partie du domaine public, il résulte que l'établissement d'une nouvelle route comporte nécessairement l'expropriation des fonds ou portions de fonds qu'elle doit occuper, puisque leurs maîtres doivent dès-lors cesser d'en être propriétaires ; et, comme c'est un principe proclamé soit par l'art 1er de la loi du 6 octobre 1791, soit par l'art. 545 du Code civil, que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, même pour cause d'utilité publique, qu'au moyen d'une juste et préalable indemnité, il faut dire encore qu'en ce cas le gouvernement devient acquéreur, et doit payer le prix des

3 Bull. t. 16, p. 70, 4e série.

4 Voy. au bull. tom. 2, pag. 325, 8e série.

fonds occupés pár la route et les fossés la

téraux.

De ce que le sol d'une grande route a dú, lors de son établissement, être acquis aux frais du gouvernement, il faut tirer cette conséquence, que, quand une route vient à être supprimée, le terrain par elle occupé rentre dans le domaine de propriété de l'état, qui peut alors en disposer suivant les formes requises pour l'aliénation des propriétés nationales.

SECTION II.

DE LA CLASSIFICATION, DE LA LARGEUR LÉGALE, ET DE L'ALIGNEMENT DES GRANDES

ROUTES.

241. I. Par un décret du 16 décembre 1811 ', toutes les grandes routes de France ont été divisées d'abord en routes impériales ou royales, et en routes départementales.

Les routes royales sont réparties en trois classes, qu'on trouve successivement désignées dans le tableau annexé à ce décret ; on y voit

Que la première classe comprend les routes qui, partant de Paris, vont jusqu'aux extrémités les plus éloignées du royaume pour communiquer avec l'étranger;

Que la seconde classe comprend celles qui, partant également de Paris, vont aboutir à des ports de mer ou à des villes importantes;

Que la troisième classe comprend celles qui, partant des plus importantes villes de province, conduisent dans d'autres villes du même ordre, sans passer par la capitale.

Aux termes de l'article 4 de ce décret, toutes les fois qu'il y a lieu à ouvrir une route nouvelle, l'ordonnance qui en prescrit la construction doit indiquer la classe à laquelle elle appartiendra.

Viennent ensuite les routes départementales, qui forment une classe à part et

Voy. au bull. t. 16, p. 66, 4e série.

Il est aujourd'hui admis en jurisprudence que cette ordonnance est obligatoire en son entier, nonobstant le défaut de publication de la TOM. Ier.

bien distincte de celles des autres. Ce sont les grands chemins de traverse qui servent à la communication des chefs-lieux des départemens et des arrondissemens, ou même à celle des départemens entre eux, sans être principalement dirigés vers la capitale.

Ces grands chemins sont établis sur la demande des conseils généraux des départemens, et aux frais particuliers des localités qui en sont traversées.

242. II. Quant à la largeur légale des routes, pour bien apprécier à cet égard l'étendue du domaine public, on doit d'abord considérer l'état des lieux et s'attacher au fait de la possession; mais il y a eu divers réglemens, soit généraux, soit particuliers, qu'on peut consulter aussi en cas de difficulté sur la largeur des routes.

Aux termes de l'article 1er, titre 28, de l'ordonnnance de 1669, « en toutes les « forêts de passage, où il y a et doit avoir "grand chemin royal servant aux coches, " carrosses, messagers et rouliers de ville « à autre, les grandes routes auront au <«< moins soixante et douze pieds de lar« geur; et où elles se trouveraient en avoir davantage, elles seront conservées dans « leur entier 2. »

«

Suivant les articles 2 et 3 de l'arrêt de réglement du 3 mai 1720, précédemment cité, hors des forêts, les grandes routes de première classe doivent avoir soixante pieds, et celles de la seconde classe trentesix pieds de largeur au moins, et non compris les fossés.

Un autre réglement du 6 février 1776 avait ordonné que les routes de premier ordre ne seraient plus ouvertes à l'avenir que sur une largeur de 42 pieds; que celles du second ordre seraient fixées à la largeur de trente-six pieds; et celles du troisième ordre à trente pieds: le tout non compris les fossés latéraux, ni les empatemens des talus et glacis; sans cependant qu'il fût ordonné aucun changement aux

plupart de ses dispositions. Voy. J. de B., 1815, 1, 315, et J. 19e s., 1831, p. 17. Voy. aussi le préambule d'un arrêté du 28 août 1820, J. offic.,

no 19.

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routes précédemment établies, lesquelles ont dû conserver leur largeur, quoique supérieure à celle qui est fixée pour l'avenir par ce réglement'.

Cependant l'un et l'autre de ces réglemens veulent que, dans le cas où l'établis sement des routes a lieu dans les pays de montagne et autres endroits où la construction des chemins présente des difficultés extraordinaires, et entraîne de très fortes dépenses, leur largeur puisse être moindre, en prenant d'ailleurs les précautions nécessaires pour prévenir tous les accidens.

243. III. Toutes les routes doivent avoir chacune un alignement légal, fixé et déterminé par les plans de leur ouverture, ou de leur tracé primitif, ou par les plans de rectification postérieurement arrêtés par les ordres de l'administration: à défaut de ces sortes de titres, l'alignement est connu par l'aspect des lieux comme devant être conforme à la possession.

De quelque manière que ces alignemens soient connus, ils sont une chose sacrée à l'égard des propriétaires riverains, auxquels il est sévèrement défendu de les franchir par des anticipations.

Sur quoi il faut observer encore que, comme nous l'avons fait voir plus haut, les empatemens, talus et fossés latéraux faisant partie accessoire des routes, et appartenant ainsi au domaine public, c'est sur leurs bords extérieurs que doivent être pris ou tracés les alignemens des

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bâtiment quelconque au bord des routes, sans avoir préalablement fait reconnaître l'état des lieux, et l'alignement sur lequel la construction projetée pourra être légalement faite.

Mais quelle est l'autorité compétente pour vaquer à cette reconnaissance et assignation d'alignement?

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Aux termes de l'art. 1er de la loi du 14 octobre 1790, «l'administration en ma<< tière de grande voirie, attribuée aux «< corps administratifs par l'article 6, titre « 14, du décret sur l'organisation judi<«< ciaire, comprend dans toute l'étendue « du royaume l'alignement des rues, des « villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes. » Et suivant l'article 3 de la loi du 28 pluviòse an 8, qui a supprimé les administrations centrales, les préfets ayant été seuls revêtus de l'administration active, c'est à eux qu'il appartient de statuer en premier ressort sur les questions d'alignement, en ce qui touche aux grandes routes, après toutefois avoir pris l'avis des ingénieurs des ponts et chaussées 3.

245. Mais en ce qui concerne la répression des contraventions commises au préjudice des statuts sur les alignemens des maisons et édifices construits ou à construire au bord des routes, comme encore au préjudice des alignemens donnés par l'autorité compétente, ou contrairement à l'assignation de ces alignemens, c'est aux conseils de préfecture que ce genre de débats doit être porté, ainsi qu'on l'expliquera plus bas 4.

246. Quant au fond, ou quant à la pénalité que peuvent entraîner les contraventions faites aux règles de l'alignement, il faut observer d'abord qu'aux termes de l'article 29, titre 1o, de la loi du 22 juillet 1791, sur la police municipale, «sont

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également confirmés provisoirement les réglemens qui subsistent touchant la « voirie, ainsi que ceux actuellement exi«stans à l'égard de la construction des

4 Voy. quant à la Belgique, l'arrêt cité p. 48, et consultez un arrêté du 28 sept. 1816, recueil de lois de Pinchon, t. 13, p. 316.

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« bâtimens, et relatifs à leur solidité et « sûreté, et sans que de la présente disposition il puisse résulter la conserva«tion des attributions ci-devant faites à « des tribunaux particuliers; »

Que de là l'on a tiré la conséquence que l'ancien réglement établi par un arrêt du conseil du 27 février 1765, sur l'alignement à demander de la part de ceux qui veulent bâtir aux bords des routes, devait toujours ètre obligatoire : ce qui est conforme à la jurisprudence de notre conseil d'état actuel.

Néanmoins nous ferons remarquer plus bas que l'application n'en doit être faite que sans préjudice des nouveaux principes de législation qui nous gouvernent aujourd'hui.

Cet ancien arrêt du conseil est conçu dans les termes suivans :

«Les alignemens pour construction et « reconstruction de maisons, édifices, ou « bâtimens généralement quelconques, en << tout ou en partie, étant le long et au « joignant des routes, soit dans les tra« verses des villes, bourgs et villages, soit « en pleine campagne, ainsi que les per« missions pour toute espèce d'ouvrages « aux faces desdites maisons, édifices et << bâtimens, et pour établissement d'échoppes ou choses saillantes le long « desdites routes, ne pourront être don« nés en aucun cas que par les trésoriers « de France (aujourd'hui les préfets); le « tout sans frais, et en se conformant << aux plans par eux élevés et arrêtés, par « ordre de sa majesté, qui sont ou seront déposés par la suite au greffe du bu<< reau des finances de leur généralité « (aujourd'hui à la préfecture du dépar« tement). »

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Reprenons quelques-unes des principales expressions de cette première partie du réglement, pour les accompagner de quelques annotations propres à en indiquer l'intelligence.

Les alignemens pour constructions de maisons, etc. Comme il s'agit surtout ici de la conservation du sol et de la protection du service public, la même règle nous paraît devoir être appliquée à la construc

tion des murs de clôture faits en maçonnerie, puisqu'ils sont fondés en terre comme ceux des maisons; qu'ils ont comme eux une existence ferme et permanente ; et qu'ils peuvent également servir à commettre des anticipations dont ils seraient protecteurs.

Ou reconstruction. Il faut demander l'alignement, même pour reconstruire, parce qu'il serait possible que le plan du tracé primitif de la route ou de la rue eût reçu quelques modifications ou changemens à raison desquels l'édifice dût être plus reculé qu'il ne l'était.

Etant le long et au joignant des routes. On voit par là que la formalité prescrite par ce réglement ne devrait pas avoir lieu, ou ne serait pas obligatoire pour celui qui voudrait laisser un espace de son terrain entre sa construction et le sol public, parce qu'alors on ne pourrait pas dire que la construction fut faite ou dût être faite le long et au joignant de la route; et c'est ainsi que, suivant la jurisprudence du conseil d'état, l'application de ce réglement doit être entendue '.

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Soit dans les traverses des villes, bourgs et villages. Lorsqu'il s'agit de constructions à faire dans les villes, bourgs et villages, c'est aux maires à donner les alignemens sur les rues qui ne servent pas à la continuation des grandes routes; mais ici c'est aux préfets, parce que les rues servant de passage aux grandes routes sont elles-mêmes des grandes routes.

Soit en pleine campagne. L'alignement doit être demandé même pour constructions à faire en pleine campagne, attendu que nulle part on ne doit souffrir ce qui pourrait tendre à préjudicier au service public.

Pour l'établissement d'échoppes ou choses saillantes le long desdites routes. Dans ce cas, il y a sur le sol public, ou dans l'espace aérien qui est au-dessus, une véritable anticipation qui doit être réprimée, et démolie, si elle n'a été spécialement autorisée par le préjet.

Voy. l'arrêt du conseil du 4 février 1824, dans MACAREL, t. 6, p. 86.

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