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BÉRÉNICE,

TRAGEDIE.

1670.

PREFACE.

TITUS reginam Berenicen, cui etiam nuptias pol

litticus ferebatur....statim ab urbe dimisit invitus invitam.

C'est-à-dire que Titus, qui aimoit passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on dit, lui avoit promis de l'épouser, la renvoya de Rome, malgré lui, et malgré elle, dès les premiers jours de son empire.

Cette action est très-fameuse dans l'histoire; et je l'ai trouvée très-propre pour le théâtre, par la violence des passions qu'elle y pouvoit exciter. En effet, nous n'avons rien de plus touchant dans tous les poètes, que la séparation d'Enée et de Didon, dans Virgile. Et qui doute que ce qui a pu fournir assez de matière pour tout un chant d'un poème héroïque, où l'action dure plusieurs jours, ne puisse suffire pour le sujet d'une tragédie, dont la durée ne doit être que de quelques heures? Il est vrai que je n'ai point poussé Bérénice jusqu'à se tuer comme Didon, parce que Bérénice n'ayant pas ici avec Titus les derniers engagemens que Didon avoit avec Enée, elle n'est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. A cela près, le dernier adieu qu'elle dit à Titus, et l'effort qu'elle se fait pour s'en séparer, n'est pas le moins tragique de la pièce; et j'ose dire qu'il renouvelle assez bien dans le cœur des spectateurs l'émotion que le reste y avoit pu exciter. Ce n'est point une nécessité qu'il y

ait du sang et des morts dans une tragédie; il suffit que l'action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie.

Je crus que je pourrois rencontrer toutes ces parties dans mon sujet. Mais ce qui m'en plut davantage, c'est que je le trouvai extrêmement simple. Il y avoit long-temps que je voulois essayer si je pourrois faire une tragédie avec cette simplicité d'action qui a été si fort du goût des anciens: car c'est un des premiers préceptes qu'ils nous ont laissés. "Que ce que vous " ferez, dit Horace, soit toujours simple, et ne soit

qu'un." Ils ont admiré l'AJAX de Sophocle, qui n'est autre chose qu'Ajax qui se tue de regret à cause de la fureur où il étoit tombé après le refus qu'on lui avoit fait des armes d'Achille. Ils ont admiré le PHILOCTETE, dont tout le sujet est Ulysse qui vient pour surprendre les flèches d'Hercule. L'OEDIPE même, quoique tout plein de reconnoissances, est moins chargé de matière que la plus simple tragédie de nos jours. Nous voyons enfin que les partisans de Térence, qui l'élèvent avec raison au-dessus de tous les poètes comiques, pour l'élégance de sa diction et pour la vraisemblance de ses mœurs, ne laissent pas de confesser que Plaute a un grand avantage sur lui par la simplicité qui est dans la plupart des sujets de Plaute. Et c'est sans doute cette simplicité merveilLeuse qui a attiré à ce dernier toutes les louanges que

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