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Une mère m'attend; une mère intrépide,
Qui défendra son sang contre un père homicide.
Je verrai mes soldats, moins barbares que moi,
Respecter dans ses bras la fille de leur roi.
Achille nous menace, Achille nous méprise :
Mais ma fille en est-elle à mes lois moins soumise ?
Ma fille, de l'autel cherchant à s'échapper,
Gémit-elle du coup dont je la veux frapper ?
Que dis-je ? Que prétend mon sacrilege zèle?
Quels vœux, en l'immolant, formerai-je sur elle ?
Quelques prix glorieux qui me soient proposés,
Quels lauriers me plairont de son sang arrosés ?
Je veux fléchir des dieux la puissance suprême:
Ah! quels dieux me seroient plus cruels que moi-

même ?

Non, je ne puis. Cédons au sang, à l'amitié,
Et ne rougissons plus d'une juste pitié:

Qu'elle vive... Mais quoi! peu jaloux de ma gloire,
Dois-je au superbe Achille accorder la victoire?
Son téméraire orgueil, que je vais redoubler,
Croira que je lui cède, et qu'il m'a fait trembler...
De quel frivole soin mon esprit s'embarrasse ?
Ne puis-je pas d'Achille humilier l'audace ?
Que ma fille à ses yeux soit un sujet d'ennui:
Il l'aime; elle vivra pour un autre que lui.
Eurybate, appelez la princesse, la reine.
Qu'elles ne craignent point.

SCENE IX.

AGAMEMNON, GARDES.

AGAMEMNON.

Grands dieux, si votre haine

Persévère à vouloir l'arracher de mes mains,

Que peuvent devant vous tous les foibles humains?
Loin de la secourir, mon amitié l'opprime;
Je le sais : mais, grands dieux, une telle victimą.

Vaut bien que, confirmant vos rigoureuses lois,
Vous me la demandiez une seconde fois.

SCENE X.

AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE,
IPHIGENIE, ERIPHILE, EURYBATE,
DORIS, GARDES.

AGAMEMNON.

Allez, madame, allez; prenez soin de sa vie:
Je vous rends votre fille, et je vous la confie.
Loin de ces lieux cruels précipitez ses pas:
Mes gardes vous suivront commandés par Arcas;
Je veux bien excuser son heureuse imprudence.
Tout dépend du secret et de la diligence:
Ulysse ni Calchas n'ont point encor parlé ;
Gardez que ce départ ne leur soit révélé.
Cachez bien votre fille, et que tout le camp croie
Que-je la retiens seule, et que je vous renvoie.
Fuyez. Puissent les dieux, de mes larmes contens,
A mes tristes regards ne l'offrir de long-temps!
Gardez, suivez la reine.

CLYTEMNESTRE.

IPHIGÉNIE.

Ah seigneur !

Ah mon père!

AGAMEMNON.

Prévenez de Calchas l'empressement sévère:
Fuyez, vous dis-je. Et moi, pour vous favoriser,
Par de feintes raisons je m'en vais l'abuser:
Je vais faire suspendre une pompe funeste,
Et de ce jour, au moins, lui demander le reste.

SCENE XI.

ERIPHILE, DORIS.

ÉRIPHILE.

Suis-moi ce n'est pas là, Doris, notre chemin.

Vous ne les suivez pas ?

DORIS.

ÉRIPHILE.

Ah je succombe enfin. Je reconnois l'effet des tendresses d'Achille.

Je n'emporterai point une rage inutile:

Plus de raisons; il faut ou la perdre ou périr. Viens, te dis-je. A Calchas je vais tout découvrir.

FIN DU QUATRIEME ACTE.

ACTE CINQUIEME.

SCENE I.

IPHIGENIE, EGINE,

IPHIGÉNIE.

CESSE de m'arrêter. Va, retourne à ma mère,

Ægine: il faut des dieux appaiser la colère.
Pour ce sang malheureux qu'on veut leur dérober,
Regarde quel orage est tout prêt à tomber;
Considère l'état où la reine est réduite;

Vois comme tout le camp s'oppose à notre fuite,
Avec quelle insolence ils ont, de toutes parts,
Fait briller à nos yeux la pointe de leurs dards.
Nos gardes repoussés, la reine évanouie...
Ah! c'est trop l'exposer: souffre que je la fuie;
Et, sans attendre ici ses secours impuissans,
Laisse-moi profiter du trouble de ses sens.
Mon père même, hélas! puisqu'il faut te le dire,
Mon père, en me sauvant, ordonne que j'expire.

ÆGINE.

Lui, madame! Quoi donc ? qu'est-ce qui s'est passé ?
IPHIGÉNIE.

Achille, trop ardent, l'a peut-être offensé :
Mais le roi, qui le hait, veut que je le haïsse;
Il ordonne à mon cœur cet affreux sacrifice:
Il m'a fait par Arcas expliquer ses souhaits;
Ægine, il me défend de lui parler jamais.

Ah madame!

ÆGINE.

IPHIGÉNIE.

Ah sentence! ah rigueur inouïe !

Dieux plus doux, vous n'avez demandé que ma vie ! Mourons, obéissons. Mais qu'est-ce que je voi? Dieux! Achille !

SCENE II.

ACHILLE, IPHIGENIE.

ACHILLE.

Venez, madame, suivez-moi:

Ne craignez ni les eris ni la foule impuissante
D'un peuple qui se presse autour de cette tente.
Paroissez; et bientôt, sans attendre mes coups,
Ces flots tumultueux s'ouvriront devant vous.
Patrocle, et quelques chefs qui marchent à ma suite,
De mes Thessaliens vous amènent l'élite:
Tout le reste, assemblé près de mon étendard,
Vous offre de ses rangs l'invincible rempart.
A vos persécuteurs opposons cet asile:

Qu'ils viennent vous chercher sous les tentes d'Achille.

Quoi! madame, est-ce ainsi que vous me secondez?
Ce n'est que par des pleurs que vous me répondez!
Vous fiez-vous encore à de si foibles armes ?
Hâtons-nous: votre père a déjà vu vos larmes.
IPHIGÉNIE.

Je le sais bien, seigneur: aussi tout mon espoir
N'est plus qu'au coup mortel que je vais recevoir.

ACHILLE.

Vous, mourir! Ah! cessez de tenir ce langage.
Songez-vous quel serment vous et moi nous engage?
Songez-vous, pour trancher d'inutiles discours,
Que le bonheur d'Achille est fondé sur vos jours ?
IPHIGÉNIE.

Le ciel n'a point aux jours de cette infortunée
Attaché le bonheur de votre destinée.
Notre amour nous trompoit; et les arrêts du sort
Veulent que ce bonheur soit un fruit de ma mort.
Songez, seigneur, songez à ces moissons de gloire
Qu'à vos vaillantes mains présente la victoire:
Ce champ si glorieux où vous aspirez tous,
Si mon sang ne l'arrose, est stérile pour vous.

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