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croyait, avec raison, réellement ordonné; il disait précisément comme la femme indienne la Divinité a

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parlé, il faut fermer les yeux et obéir. L'un pliant sous l'autorité divine, qui ne ne voulait que l'éprouver, obéissait à un ordre sacré et direct; l'autre, aveuglée par une superstition déplorable, obéit à un ordre imaginaire ; mais, de part et d'autre, l'idée primitive est la même : c'est celle du devoir, portée au plus haut degré d'élévation. Je le dois ! Voilà l'idée innée dont l'essence est indépendante de toute erreur dans l'application. Celles que les hommes commettent tous les jours dans leurs calculs prouveraient-elles, par hasard, qu'ils n'ont pas l'idée du nombre? Or, si cette idée n'était innée, jamais ils ne pourraient l'acquérir, jamais ils ne pourraient même se tromper; car, se tromper, c'est s'écarter d'une règle antérieure et connue. Il en est de même des autres idées, et, j'ajoute, ce qui me paraît clair de soi-même, que hors de cette supposition, il devient impossible de concevoir l'homme, c'est-à-dire l'unité, ou l'espèce humaine, ni, par conséquent, aucun ordre relatif à une classe donnée d'êtres intelligents1. >>

Que si M. de La Mennais demandait maintenant pourquoi cette loi naturelle, commune à toutes les intelligences, et de soi immuable, ne se manifeste pas d'elle-même, sans enseignement, et ne reçoit point une application uniforme chez tous les peuples, nous le ren

1. Soirées de St.-Pétersb., tome I, page 417.

verrions au dogme premier du Christianisme, à la chute originelle, dont l'affaiblissement de la raison a été le résultat inévitable; nous lui dirions qu'à mesure que la raison s'est obscurcie de plus en plus en s'éloignant de Dieu, la loi naturelle, qui n'est que la raison appliquée à la conduite de la vie, aux rapports de l'homme avec Dieu, avec ses semblables et avec lui-même, a dû perdre de plus en plus de sa clarté. De là le besoin de l'apprendre pour la connaître, de là aussi, non seulement ses applications diverses, mais sa suspension entière dans l'homme social, et la nécessité de le conduire par des lois positives. Selon que les législateurs avaient plus ou moins de lumières, les lois positives qu'ils donnaient aux peuples se fondaient plus ou moins sur la loi naturelle. Aussi fut-elle généralement la base de la législation de Moïse, éclairé d'en haut. Le petit nombre d'exceptions qui s'y rencontrent ne touchent que des points secondaires, et on voit qu'elles étaient nécessitées par la dureté de cœur des gouvernés, incapables de supporter une législation parfaite : ob duritiam cordis

eorum1.

Mais le Christianisme est venu, en réparant l'homme, rendre son cours à la loi naturelle, et la relever à l'immutabilité qui lui est propre. En nier aujourd'hui la réalité, c'est, par le fait, refouler le monde à l'état où il était, lorsqu'elle se trouvait suspendue. Aussi M. de

1. Matth., xIx, 8.

La Mennais donne-t-il à la société chrétienne la même organisation qu'à la société juive et païenne. Il veut que dans les temps modernes, comme dans les temps anciens, les législateurs s'emparent de l'homme entier par des lois positives qui aient un empire absolu sur lui. Nous ne nous arrêterons pas à faire remarquer qu'à ce compte la régénération chrétienne est réellement méconnue, et que le Christianisme tombe au rang des religions antiques, ou du moins qu'il ne fait pas à l'homme une condition meilleure dans la société. Suivons les idées de l'auteur: L'homme, il le proclame. hautement, et, sous ce point de vue, son système a quelque chose de noble, l'homme n'a par lui-même aucun pouvoir sur l'homme, qui ne relève que de Dieu; et c'est au nom de la Divinité que doit s'exercer le pouvoir de tout législateur. Or, à ses yeux, le pontife romain, qui représente la Divinité sur la terre, est la source d'où tout pouvoir découle. De plus, comme représentant de Dieu, le chef de l'Église est dépositaire exclusif de toute vérité; et, à ce double titre, l'homme lui doit une soumission aveugle et complète. S'il la raisonne et s'il la limite, il cesse par là même d'exister comme être raisonnable et moral ou social.

Telle est en effet la conclusion où nous avons déjà vu arriver M. de La Mennais, en examinant l'origine qu'il attribue aux connaissances humaines. Pourquoi s'en étonner, puisque le principe qui nie l'existence de la loi naturelle ne diffère en rien du principe qui nie

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CHRISTIANISME ET CIVILISATION.

que nous portons en nous la source de nos connaissances? L'idée renfermée dans cette conclusion a inspiré l'Essai sur l'indifférence. Dans cet ouvrage, l'auteur veut établir que quiconque cesse de reconnaître au pape un empire souverain sur l'homme, s'éloignant par cela seul de la source unique la vérité, tombe nécessairement dans le déisme, de là dans l'athéisme, et enfin dans l'indifférence absolue, d'où il ne peut sortir qu'en revenant au joug pontifical. La même nécessité, qui pèse sur l'homme, pèse sur la société; et toute société qui cesse d'établir légalement ou de reconnaître la toutepuissance du pape dans l'Église et dans l'État, passant rapidement par les mêmes degrés d'erreur que l'homme, se précipite aussi dans l'indifférence, et n'en sort qu'aux mêmes conditions. C'est ce qu'il développe plus particulièrement dans son ouvrage : De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre civil et politique.

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Ce système le conduit à confondre la tolérance légale ou la protection accordée par les lois à l'exercice des divers cultes, avec l'indifférence, qui est l'extinction de la foi, et à déclarer cette tolérance destructive de la religion. On sait assez aujourd'hui que cette tolérance, qu'il poursuit, consacre et favorise la vraie religion, et que l'intolérance qu'il préconise en est la mortelle ennemie. Qu'est-ce en effet pour nous que vérité de la religion, sinon la connaissance intérieure de nos rapports avec Dieu ? Et cette connaissance, qu'elle soit le fruit de la réflexion, ou de l'autorité, n'en réside pas moins au fond de notre pensée, hors du domaine des lois, qui n'atteignent de nous que l'extérieur. Lors donc qu'on établit la vérité de la religion sur les lois, en d'autres termes, qu'on fait intervenir les lois pour l'imposer, on suppose, ou bien

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