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ché que la pensée qui termine le madrigal. Voyez MADRIGAL.

L'Epigramme doit avoir une forte d'unité comme le drame, c'est-à-dire ne tendre qu'à une pensée principale, de même que le drame ne doit embraffer qu'une ac

tion. Néanmoins elle a néceffairement deux
parties, comme le dit très-bien M. Bat-
teux, l'une qui eft l'expofition du fujet, de
la chofe qui à produit ou occafionné la pen-
fée, & l'autre qui eft la pensée même; ce
qu'on appelle le bon mot, c'est-à-dire ce
qui pique, ce qui intéreffe le lecteur. L'ex-
pofition doit être fimple aifée, claire, &
la pensée libre par elle-même & par la ma-
niere dont elle est tournée. L'Epigramme
fuivante réunit ces deux qualités.

A fon portrait, certain Rimeur braillard,
Dans un logis, fe faifoit reconnoître ;
Car l'ouvrier le fit avec tel art,
Qu'on bâilloit même en le voyant paroître.
Ha! le voilà; c'eft lui, dit un vieux reître,
Et rien ne manque à ce visage-là
Que la parole: Ami, reprit le maître,
Il n'en est pas plus mauvais pour cela.

Quand on veut faire une Epigramme il faut commencer par examiner la pensée qui doit en être le fonds. Elle doit être vraie, & fi elle eft équivoque il est néceffaire qu'elle foit vraie dans les deux fens; ainfi la pointe de l'Epigramme fuivante eft vicieuse;

Si Jacques, le roi du fçavoir,

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J. B. Rouf

feau.

Théo crite,

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En voici la caufe infaillible
C'eft que, ravi de mon écrit,
Il crut que j'étois tout efprit,
Et par conféquent invisible.

Plus une Epigramme eft courte & vive, plus elle eft meilleure; car c'eft en quelque façon acheter le plaifir d'une pensée piquante ou agréable, que d'être obligé de lire plufieurs vers avant d'y arriver. Ön est enchanté de la vivacité qui regne dans les Epigrammes que voici :

Cy gît ma femme : ah ! qu'elle est bien
Pour fon repos & pour le mien !

J'étois Poëte, Historien,
Et maintenant je ne fuis rien.

Cy gît Piron, qui ne fut rien,
Pas même Académicien.

Les meilleures Epigrammes font celles dont la pensée laiffe quelque chofe à fuppléer, à deviner, parce que rien ne plaît tant à l'efprit du lecteur que de trouver de quoi s'exercer dans les chofes qu'on lui préfente les Epigrammes fuivantes font de

:

cette nature.

Un certain fot de qualité

Lifoit à Saumaife un ouvrage,
Et répétoit, à chaque page:
Ami, dis-moi la vérité.

Ennuyé de cette fadaise,

Ah! monfieur, répondit Saumaise,

J'ai de bons Auteurs pour garans
Qu'il ne faut jamais dire aux grands
De vérité qui leur déplaise.

AUTRE.

Sur les Odes de Madame de ***

Pauvre Sapho, quel aveugle délire
De l'Hélicon vous fit courir les bois !
Certes, s'il n'eût onc été d'autre lyre
Que celle-là qui jura fous vos doigts,
Autour de lui, des lions peu courtois
Orphée eût vu fe dreffer les crinieres ;
Arion eût fous l'eau péri cent fois,
Et Thèbe encor feroit dans les carrieres.

AUTRE.

Je te tiens, fouris téméraire ;

Un trébuchet me fait raifon :

Tu me rongeois; coquine, un tome de Voltaire,
Tandis que j'avois là les œuvres de Pradon.

Une comparaifon heureufe fuffit pour rendre la pensée de l'Epigramme intéresfante, & pour en faire un bon mot, comme il eft aifé de le voir dans les exemples fui

vans.

Contre l'abbé DESF ***

Certain Auteur de cent mauvais libelles
Croit que fa plume eft la lance d'Argail:
Au haut du Pinde, entre les neuf Pucelles,
Il s'eft placé, comme un épouvantail,

Piron

M. Gui chard.

Piron

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Que fait le bouc en fi joli bercail ?
Y plairoit-il? Penferoit-il y plaire?
Non c'eft l'Eunuque au milieu du ferrail;
Il n'y fait rien, & nuit à qui veut faire.

En France, on fait, par un plaifant moyen,
Taire un Auteur, quand d'écrits il affomme;
Dans un fauteuil d'Académicien,

Lui quarantieme, on fait affeoir mon homme
Lors il s'endort, & ne fait plus qu'un fomme;
Plus n'en avez phrafe ni madrigal.

Au bel efprit ce fauteuil eft en fomme,
Ce qu'à l'amour est le lit nuptial,

Quand faint Antoine, au fond de fon défert
Offroit à Dieu fon tribut de louange,
L'efprit malin, en fingeries expert,
Le lutinoit d'une maniere étrange.
Qu'en revint-il au noir & mauvais ange?
Rien qui de rire ait pu lui donner lieu :
Nafarde, huée, & cornes pour adieu.
Gentil abbé, voici cas tout femblable:
Ici Lovis eft l'image de Dieu,
Moi de l'hermite, & toi celle du diable;

Une fotte naiveté fait quelquefois le bon mot de l'Epigramme. Exemples:

Certain Intendant de Province,

Qui menoit avec lui l'équipage d'un Prince,
En paffant fur un pont, parut fort en courroux:
Pourquoi, demanda-t-il au Maire de la Ville,
A ce pont étroit & fragile

N'avoir point mis de garde-foux?

Le Maire, craignant fon murmure: Pardonnez, Monfeigneur, lui dit-il affez haut, Notre Ville n'étoit pas sûre

Que vous y pafferiez fi-tôt.

Un boucher moribond, voyant fa femme en pleurs,
Lui dit: Ma femme, fi je meurs,

Comme en notre métier un homme eft nécessaire,
Jacques, notre garçon, feroit bien ton affaire;
C'est un fort bon enfant, fage, & que tu connois;
Epoufe-le, crois-moi; tu ne fçaurois mieux faire.
Hélas! dit-elle, j'y fongeois.

De toutes les efpeces de pointes Epigrammatiques, il n'y a gueres qui frappent plus que les retours inattendus:

On dit que l'abbé Roquette
Prêche les fermons d'autrui ;
Moi, qui fçais qu'il les achette,
Je foutiens qu'ils font à lui.

Un gros ferpent mordit Aurèle;
Que croyez-vous qu'il arriva ?
Qu'Aurèle en mourut, Bagatelle
Ce fut le ferpent qui creva.

Quoique toute mefure de vers puiffe convenir à l'Epigramme, celle de dix fyllabes eft néanmoins la plus propre au badinage, à la naïveté, ainsi qu'à la narration & au dialogue qui font fouvent partie de l'Epigramme. Mais ce genre eft dangereux, & les jeunes gens devroient fe l'interdire: on ne doit jamais faire que des Epigrammes

Boileau.

La Mar

tiniere.

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