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visage brille d'un éclat inconnu, l'ange de la victoire le couvre invisiblement de ses ailes. Bientôt il se fait un profond silence; les légions se prosternent en adorant celui qui fit tomber Goliath par la main d'un jeune berger. Soudain la trompette sonne, les soldats chrétiens se relèvent, et, pleins de la fureur du Dieu des armées, ils se précipitent sur les bataillons ennemis.

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LIVRE TROISIÈME.

SUITE DE LA POÉSIE DANS SES RAPPORTS AVEC LES HOMMES.

PASSIONS.

CHAPITRE PREMIER.

QUE LE CHRISTIANISME A CHANGÉ LES RAPPORTS DES PASSIONS

EN CHANGEANT LES BASES DU VICE ET DE LA VERTU.

E l'examen des caractères nous venons à celui des passions. On sent qu'en traitant des premiers il nous a été impossible de ne pas toucher un peu aux secondes, mais ici nous nous proposons d'en parler plus amplement.

S'il existoit une religion qui s'occupât sans cesse de mettre un frein aux passions de l'homme, cette religion augmenteroit nécessairement le jeu des passions dans le drame et dans l'épopée ; elle seroit plus favorable à la peinture des sentiments que toute institution religieuse qui, ne connoissant point des délits du cœur, n'agiroit sur nous que par des scènes extérieures. Or, c'est ici le grand avantage de notre culte sur les cultes de l'antiquité: la religion chrétienne est un vent céleste qui enfle les voiles de la vertu, et multiplie les orages de la conscience autour du vice.

Les bases de la morale ont changé parmi les hommes, du moins parmi les hommes chrétiens, depuis la prédication de l'Évangile. Chez les anciens, par exemple, l'humilité passoit pour bassesse, et l'orgueil pour grandeur: chez les chrétiens, au contraire, l'orgueil est le premier des vices, et l'humilité une des premières vertus. Cette seule transmutation de principes montre la nature humaine sous un jour nouveau, et nous devons découvrir dans les passions des rapports que les anciens n'y voyoient pas.

Donc, pour nous, la racine du mal est la vanité, et la racine du bien la charité; de sorte que les passions vicieuses sont toujours un composé d'orgueil, et les passions vertueuses un composé d'a

mour.

Faites l'application de ce principe, vous en reconnoîtrez la justesse. Pourquoi les passions qui tiennent au courage sont-elles plus belles chez les modernes que chez les anciens? pourquoi avonsnous donné d'autres proportions à la valeur, et transformé un mouvement brutal en une vertu? C'est par le mélange de la vertu chrétienne directement opposée à ce mouvement, l'humilité. De ce mélange est née la magnanimité ou la générosité poétique, sorte de passion (car les chevaliers l'ont poussée jusque-là) totalement inconnue des anciens.

Un de nos plus doux sentiments, et peut-être le seul qui appartienne absolument à l'âme (les autres ont quelque mélange des sens dans leur nature ou dans leur but), c'est l'amitié. Et combien le chris

tianisme n'a-t-il point encore augmenté les charmes de cette passion céleste, en lui donnant pour fondement la charité ? Jésus-Christ dormit dans le sein de Jean; et sur la croix, avant d'expirer, l'amitié l'entendit prononcer ce mot digne d'un Dieu : Mater, ecce filius tuus; discipule, ecce mater tua'. « Mère, voilà ton fils; disciple, voilà ta mère.»

Le christianisme, qui a révélé notre double nature et montré les contradictions de notre être, qui a fait voir le haut et le bas de notre cœur, qui lui-même est plein de contrastes comme nous, puisqu'il nous présente un Homme-Dieu, un Enfant maître des mondes, le créateur de l'univers sortant du sein d'une créature; le christianisme, disonsnous, vu sous ce jour des contrastes, est encore, par excellence, la religion de l'amitié. Ce sentiment se fortifie autant par les oppositions que par les ressemblances. Pour que deux hommes soient parfaits amis ils doivent s'attirer et se repousser sans cesse par quelque endroit; il faut qu'ils aient des génies d'une même force, mais d'une différente espèce; des opinions opposées, des principes semblables; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies de cœur.

Cette chaleur que la charité répand dans les passions vertueuses leur donne un caractère divin.

JOAN., Evang., cap. xix, v. 26 et 27.

Chez les hommes de l'antiquité l'avenir des sentiments ne passoit pas le tombeau, où il venoit faire naufrage. Amis, frères, époux, se quittoient aux portes de la mort, et sentoient que leur séparation étoit éternelle; le comble de la félicité pour les Grecs et pour les Romains se réduisoit à mêler leurs cendres ensemble: mais combien elle devoit être douloureuse, une urne qui ne renfermoit que des souvenirs! le polythéisme avoit établi l'homme dans les régions du passé; le christianisme l'a placé dans les champs de l'espérance. La jouissance des sentiments honnêtes sur la terre n'est que l'avantgoût des délices dont nous serons comblés. Le principe de nos amitiés n'est point dans ce monde : deux êtres qui s'aiment ici-bas sont seulement dans la route du ciel, où ils arriveront ensemble, si la vertu les dirige: de manière que cette forte expression des poëtes, exhaler son âme dans celle de son ami, est littéralement vraie pour deux chrétiens. En se dépouillant de leur corps, ils ne font que se dégager d'un obstacle qui s'opposoit à leur union intime, et leurs âmes vont se confondre dans le sein de l'Éternel.

Ne croyons pas toutefois qu'en nous découvrant les bases sur lesquelles reposent les passions, le christianisme ait désenchanté la vie. Loin de flétrir l'imagination, en lui faisant tout toucher et tout connoître il a répandu le doute et les ombres sur les choses inutiles à nos fins; supérieur en cela à cette imprudente philosophie qui cherche trop à pénétrer la nature de l'homme et à trouver le fond

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