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les yeux sur lui pour lui confier le commandement général et l'intendance du royaume de la Nouvelle-Galice, dans la Nouvelle-Espagne, avec la présidence de la cour royale de Guadalaxara, capitale de cette province. Dans ces fonctions Abascal déploya tant d'activité et de talent que le roi d'Espagne l'éleva, en 1804, au grade de maréchal de camp et le pourvut presque aussitôt de la vice-royauté du Pérou. En se rendant par mer à son nouveau poste, il fut pris par des croiseurs anglais et conduit à Lisbonne, d'où il ne tarda pas à s'échapper. Il passa alors à Janeiro, et fit 1300 lieues par terre pour gagner Lima. Les événements survenus en Espagne ne tardèrent pas à provoquer en Amérique une insurrection qui devait changer la face de ce pays, aussi peu disposé à subir le joug de Napoléon que le despotisme de la métropole. Par la douceur et l'esprit de justice de son administration, Abascal retint le Pérou dans les liens du devoir envers la métropole; il établit des fabriques de poudre et de munitions, fit construire des magasins et fortifier les villes les plus importantes. Reconnaissantes des services signalés qu'il rendit par là à la cause de l'indépendance nationale, les cortès, par un décret du 30 mai 1812, lui conférèrent le titre de marquis de la Concordia, nom du régiment de volontaires de l'union espagnole du Pérou qui avait été créé par lui dans le but de maintenir l'union entre les créoles et les Espagnols. Il sut inspirer aux divers gouvernements qui se succédèrent ensuite dans la mère-patrie une confiance telle qu'il fut maintenu par tous dans son administration, bien au delà du terme formellement fixé par les règlements. Il ne résigna la vice-royauté du Pérou qu'en 1816; il était alors âgé de soixante-treize ans.

ABATARDISSEMENT (du vieux mot bastard, qui signifie une extraction inférieure, ou basse et non avouée). Ce mot s'entend d'une sorte de dégénération des races, d'altération du naturel. Il s'emploie en parlant de l'homme, des animaux, des végétaux, et signifie la perte ou l'affaiblissement de quelques qualités que l'on trouvait à l'origine, ou l'apparence de quelques vices qui ne se faisaient pas d'abord remarquer. Il se prend du reste aussi bien au physique qu'au moral. Une longue servitude abátardit le courage; les jeunes gens s'abátardissent dans l'oisiveté, dit le Dictionnaire de l'Académie.

Lorsqu'on fait servir un étalon, un taureau, un bélier ou un coq, et tous les mâles polygames surtout, à une fécondation plus multipliée que ne le permet la limite de leurs forces, on obtient des produits faibles, efféminés, vieux de bonne heure, ou bien lâches et énervés. Si l'on connaît les inconvénients pour le développement de la taille de générations trop précoces, les productions des animaux trop âgés sont souvent languissantes. Un cheval né d'un vieil étalon, usé au haras, montre, malgré sa jeunesse, des yeux caves, l'oreille basse et d'autres signes de faiblesse innée : il n'a point le feu, l'impétuosité de celui qui sort de parents plus jeunes; il se casse plus tôt. Comme les måles polygames se partagent entre plusieurs femelles, celles-ci dominent souvent dans le produit de la génération; aussi naît-il un plus grand nombre de femelles que de mâles parmi les poules, les brebis et les chèvres, les génisses, etc. Il en résulte encore que les mâles seront moins masculins, moins ardents, s'ils naissent de pères trop surchargés de fonctions génitales, et la race continuera de s'abdtardir par cette voie. On la régénérera au contraire en introduisant un plus grand nombre de måles, jeunes, vigoureux, parmi les femelles. Quand il existe même une surabondance de ceux-ci, ou que la polyandrie s'établit, la femelle servie par plusieurs mâles étant masculinisée, elle engendre un plus grand nombre de produits forts ou de måles robustes. Nous pouvons donner une preuve de ces faits chez l'espèce humaine elle-même. Dans les contrées où la polygamie est en usage, les hommes sont énervés de bonne heure par les voluptés, tandis que les femmes, dominant dans les produits de la génération, donnent naissance

à une plus grande proportion de filles que de garçons; aussi les peuples polygames sont efféminés, lâches la plupart, et toujours soumis à des gouvernements despotiques. Au contraire, en Europe, où la monogamie est scule permise, il naît toujours une plus grande quantité de garçons que de filles ( un 16o environ); la race y est plus virile, parce que le mâle domine dans la reproduction. Aussi le courage, l'intelligence et l'industrie des Européens surpassent toutes ces mêmes qualités chez les nations polygames.

Frédéric-Guillaume I, roi de Prusse, qui recherchait les gardes du corps d'une haute taille, en ayant marié plusieurs à Berlin, on en vit naître des enfants d'une stature très-élevée pareillement. On a voulu marier ensemble des nains, mais il n'ont rien produit. Des individus de courte taille n'ont souvent que des enfants rabougris. Cependant un allaitement prolongé et de bonnes nourritures peuvent donner plus de hauteur à la taille, de même que la disette ou le défaut d'aliments suffisants peut retenir, au contraire, les enfants et les jeunes animaux au-dessous d'une stature ordinaire.

Il y a d'autres moyens d'obtenir des races naines de chiens; c'est, par exemple, de håter la précocité de la génération et de l'âge ordinaire de la puberté. La première portée d'une jeune chienne ne donnera que des individus de courte taille, parce que n'ayant pas encore atteint toute sa croissance ou son complet développement, elle ne possède qu'un utérus encore étroit; les foetus ne s'y épanouissent pas si librement. D'ailleurs, puisque cette génération prématurée ôte au corps de la mère toute la nourriture qui est destinée à sa progéniture, ces petits, à leur tour, parviennent plus promptement que les grandes races de chiens à leur complément de taille dans cette brièveté. Que l'on continue donc de les faire accoupler de plus en plus jeunes, alors on abátardira de plus en plus leur race on en formera des nains ( pumiliones); on abrégera par la même raison la durée de leur vie; on accélérera davantage les périodes de leurs fonctions, car ces petites chiennes portent moins de temps que la gestation ordinaire des grandes chiennes. Parvenues plus rapidement à la puberté, elles vieillissent aussi plus tôt. Ajoutez à ce moyen d'autres moyens indiqués, tels que des nourritures amoindries, vous obtiendrez alors ces menues races de bichons, de roquets, à peine gros comme le poing, comparés aux énormes chiens danois, dogues et mâtins. Ceux-ci sont parvenus à une forte taille par des procédés tout opposés. Ainsi, en donnant à un chien des aliments abondants, en ne le laissant d'ailleurs accoupler que tard, dans toute la plénitude de sa croissance et de sa vigueur, et en poursuivant la même méthode pendant plusieurs générations, la race s'agrandira, s'embellira d'autant plus que tous les animaux recherchent naturellement les plus beaux et les plus robustes individus de leur espèce. C'est ainsi que l'on voit de petites chiennes préférer à leur måle rabougri et cagneux ou rachitique d'énormes et vigoureux mâtins. N'est-ce pas cet instinct naturel qui dans l'espèce humaine fait également choisir en amour par chaque sexe les plus beaux individus ? Ainsi, toujours un beau grenadier, un vigoureux guerrier, auront le pas sur les autres hommes près du beau sexe. Les anciens Germains, si chastes, comme l'affirme Tacite, étaient de grands et beaux corps d'homme, dont l'aspect seul effrayait les Romains, devenus petits et corrompus. Aussi les mariages étaient autrefois tardifs dans la Germanie, et c'est à leur plus grande précocité, depuis que la civilisation s'y est introduite, que Hermann, Conringius et d'autres savants allemands n'hésitent point à attribuer la taille de ces nations blondes du nord de l'Europe, plus courte que celle de leurs ancêtres.

On pourrait s'enquérir aussi, par la même cause, si la corruption des mœurs dans l'espèce humaine, à mesure que la civilisation rapproche les deux sexes ou multiplie leurs relations, n'a point fait dégénérer en effet notre race. On a souvent dépeint nos aïeux sous la forme de grands corps, simples de cœur, robustes, vivaces et grands mangeurs. Ils n'étaient

pubères qu'à un âge fort avancé : en se mariant tard, lorsque
la constitution était dans toute son énergie et avait atteint
son entier accroissement, il en résultait des êtres bien con-
formés et de haute stature. Aussi est-ce une opinion ancienne
que tout a dégénéré sur le globe, et que nous ne sommes
plus que des avortons.

Jamque adeo fracta est ætas; affœtaque tellus
Vix animalia parva creat, quæ cuncta creavit
Sæcla, deditque ferarum ingentia corpora partu,
LUCRET., Rer. Nat, liv, II.

On peut ajouter que presque tous les débris fossiles des ani-
maux perdus de l'ancien monde attestent leur grandeur
colossale, chez les mastodontes, les megatherium, megalo-
saurus, etc., et même les ours, les cerfs gigantesques, vivant
des siècles en sécurité, exempts de la tyrannie de l'homme.

L'abátardissement dans les produits des mâles, soit trop vieux ou trop jeunes, soit énervés par trop de jouissances, est tellement marqué, qu'on obtient surtout par cette voie des individus albinos ou blafards. Ces êtres abátardis manifestent dès leur jeunesse une langueur torpide qui les dispose au sommeil, à la paresse, à la crainte. On obtient ainsi des individus souples et obéissants, mais lâches et sans nerf; leur teint est pâle et fade, leur vue faible. Tels sont les chevaux, les chiens, les lapins, etc., à poils blancs. En Hongrie la plupart des boeufs deviennent albinos après avoir subi la castration, qui les énerve encore davantage.

Ainsi, l'on agrandit, l'on ennoblit les espèces ou les races en retardant leur génération, en diminuant la quantité de leurs productions. L'individu conservera sa vigueur, sa procérité, d'autant plus qu'il prodiguera moins ses facultés, sa vie. Rien au contraire n'épuise, n'abátardit tant les races que cette multiplicité de reproductions, qui énerve les individus pour multiplier leur nombre. De là ces racailles d'êtres qui pullulent sans cesse dans la nature, et vont dégénérant de plus en plus, en abrégeant leur vie par la fréquence de leurs jouissances. Elles finiraient, dans la suite des siècles, par réduire toutes les espèces créées en une infinité d'embryons imparfaits, dégradés, rabougris, qui s'entremêleraient dans une promiscuité universelle, jusqu'à tout confondre et tout anéantir.

Rarement chez les animaux sauvages on voit des individus dépravés et libertins rechercher d'autres espèces pour produire des métis, des hybrides, des mulets. Chacun préfère, pour l'ordinaire, le sexe de sa propre espèce, ce qui maintient des limites constantes, même entre les races les plus voisines; mais la domesticité, rapprochant des races diverses, procréa des alliances hétérogènes, et d'ailleurs l'abondance de nourriture augmente les besoins de reproduction.

Si par rapport à nous la culture du jardinier perfectionne les fruits d'un arbre ou un légume; si elle produit des fleurs doubles; si la domesticité et l'éducation favorisent un plus grand développement physique et moral du chien et du cheval, nous appellerons perfectionnement ce qui par rapport à l'ordre naturel, écarté pourtant du type primordial, est devenu abátardissement et dégénération. En effet une fleur double est celle dont les étamines sont transformées par un surcroît de nourriture en pétales nombreux; mais privée par cette transformation de ses organes måles, elle ne peut plus se féconder: elle demeure stérile. Aussi les fleurs doubles ne donnent presque jamais de graines fécondes. Pareillement une poule grasse ne produit plus d'œufs : toutes ses facultés vitales, occupées à élaborer de la graisse, laissent énervées les fonctions, plus importantes, de la reproduction. Sans doute ces productions ainsi amollies dans nos parterres, ces roses doubles, ces animaux engraissés dans les bassescours, servent aux agréments de la vie; mais ils sont sortis de leur état naturei, car ils ne peuvent plus se reproduire. Ils portent l'empreinte de l'esclavage et de l'abátardissement. Qu'on les abandonne à eux seuls, et bientôt ces races, forcées de rentrer dans leur équilibre primitif, reviendront à l'état

sauvage, mais fécond. La pomme, la poire fondante, per-
dant leur chair savoureuse, ne seront plus que de maigres
fruits ligneux, mais reprendront de grosses et fortes semen-
ces capables de donner naissance à des sauvageons vigou-
reux. Le chasselas si sucré deviendra le verjus aigre et à gros
pepins de la lambrusque ou vigne sauvage. La pêche déli-
cieuse reprendra son tissu fongueux et aride comme du brou.
Enfin les céréales mêmes, abandonnées dans un sol maigre
et inculte, retourneront à leur état de maigreur, de dureté,
de solidité, que leur restituera toute leur énergie originelle :
Vidi lecta diu et multo spectata labore
Degenerare tamen, ni vis humana quotannis
Maxima quæque mana legeret; sic omnia fatis
In pejus ruere ac retro sublapsa referri.

Virgile parle ici selon l'opinion vulgaire ; mais dans la réa-
lité c'est la culture qui produit un utile abátardissement,
pour amollir, attendrir, engraisser, développer des indivi-
dus, tout en les énervant dans leurs facultés les plus énergi-
ques. C'est en effet par la castration, par l'évisation
qu'on réduit les animaux et plusieurs plantes (ainsi abâtar-
dies), à former des nourritures tendres, délicates, savou-
reuses pour nos tables. C'est par ces procédés qu'on a rendu
les animaux plus dociles, plus civilisables à l'état de domes.
ticité. L'état de vigueur, d'énergie génitale, donne la fierté
indomptable, la sauvagerie, l'instinct ardent de l'indépen-
dance à tous les êtres; et certains philosophes ont considéré
notre civilisation comme un véritable abátardissement.
J.-J. VIREY.

ABAT-FOIN, ouverture pratiquée au plancher d'un grenier, au-dessus d'une écurie ou d'une étable, et par laquelle on jette le foin nécessaire à la consommation du jour.

ABAT-JOUR, sorte de fenêtre en forme de hotte, où le jour vient d'en haut, et qui est destinée à diriger la lumière sur quelques points particuliers, comme dans les ateliers, les magasins; ou à empêcher de voir en bas, comme dans les prisons; ou bien enfin à éclairer des étages souterrains. On donne le même nom à des réflecteurs coniques, hémisphériques ou de toute autre forme, adaptés aux divers appareils d'éclairage, et qui ont pour effet de renvoyer en bas les rayons lumineux et de jeter une clarté plus vive dans cette direction. On fabrique des abat-jour en fer blanc, en cuivre, peints ordinairement en blanc par-dessous; on en fait aussi en carton, en papier, en parchemin, ornés de jolis dessins et même de charmantes peintures. Presque toutes les lampes sont munies d'abat-jour; on en adapte également aux bougies et aux chandelles, au moyen d'un support en fil de fer qui suit la marche de la flamme.

ABATTÉE. Dans la marine on appelle ainsi le mouvement horizontal de rotation que fait, pour obéir au vent, à la lame, ou à la marée, l'avant d'un navire en panne ou à la cape. L'abattée diffère de l'arrivée en ce qu'elle est toujours un mouvement involontaire ou forcé.

ABATTEMENT. Ce mot, formé du verbe abattre, ne se prend plus aujourd'hui dans son acception primitive; on ne dit plus l'abattement d'un arbre, on dit l'abattage, et il n'y a plus que les substantifs abatteur et abattoir qui se soient conservés au sens propre. Abattement ne s'entend plus qu'au figuré; mais en ce sens il s'applique au physique comme au moral, aux facultés du corps comme à celles de l'âme. Il indique un état d'affaiblissement et presque d'anéantissement. Quand il s'agit des forces du corps, on le remplace souvent par un mot plus technique, celui de prostration, qui ne s'emploie que dans la terminologie médicale, et qui ne rend pas aussi bien que le mot abattement l'état qui résulte d'une diminution de forces à la fois relative au moral et au physique. L'abattement moral tient à toutes les facultés de l'âme, à celles de l'intelligence et de la sensibilité comme à celles de la volonté, à notre être moral tout entier ; et il est tout à fait du domaine de la morale et de la psychologie. Il peut tenir plus à l'un des trois groupes de facultés psychologiques qu'aux

deux autres; mais d'ordinaire ils y sont engagés tous les trois à un degré quelconque.

L'abattement peut se rapprocher du découragement; mais ces deux mots ne sont pas synonymes, ne désignent pas le même état. Le découragement n'est qu'une absence, qu'une éclipse plus ou moins profonde de courage, et ce n'est que le cœur qui y manque. Il peut entrer dans l'abattement du découragement, une éclipse de courage; mais il y entre de plus une diminution réelle de facultés morales ou physiques. Cela peut être rendu d'une manière très-sensible. Nos facultés intellectuelles, par exemple, sont quelquefois à ce point abattues que, malgré tout le désir que nous avons d'en faire usage, et malgré tous les efforts que nous faisons, elles sont comme anéanties. Ce n'est plus alors le courage qui nous manque, et ce n'est pas dans un état de découragement, c'est dans un état d'abattement que nous sommes. Il en est de même des facultés du sentiment et de la volonté. Nous aimerions à aimer, nous voudrions vouloir, et nous ne le pouvons. Ce n'est pas par suite de découragement, c'est par suite d'abattement.

Comment remédier au mal? En bien distinguant ce qui est abattu, et en remontant à la cause qui a produit l'abattement. Quand toutes les facultés morales et physiques sont affaiblies, le remède ne saurait être le même qu'au cas où il n'y a diminution que dans les seules facultés de l'intelligence, ou de la sensibilité, ou de la volonté. D'ordinaire l'abattement n'est complet qu'autant qu'il embrasse le corps et l'âme, dans l'état de maladie, par exemple. Or, il arrive aiséinent que les excès qui épuisent les forces du corps, les commotions violentes qui en jettent l'organisme dans l'ébranlement, épuisent aussi les facultés de l'âme, éteignent l'imagination, tuent le sentiment, et anéantissent la volonté. Dès que les excès du corps ont amené le mal, c'est par les remèdes appliqués au corps qu'il faut entreprendre la guérison, cela est entendu. Mais cela ne suffit pas dans les cas où il y a complication, et si la médecine de l'âme ne vient au secours de celle du corps, celle-ci ne saurait aboutir. Celle de l'âme elle-même doit prévenir plutôt que suivre; et il appartient à la morale et à la philosophie de donner d'importantes directions à cet égard. Il est dans la vie des époques où l'abattement moral, qui n'a rien de commun avec le découragement politique ou social, par exemple, n'est que le redoutable effet de cette Némésis que la science des choses divines et éternelles appelle la Providence. Il appartient à l'hygiène de l'âme de prévenir cet abattement moral, comme il appartient à l'hygiène du MATTER. corps de prévenir l'abattement physique.

ABATTIS. C'est, en termes de tactique, une sorte de retranchement qu'on établit au moyen d'arbres abattus, et dont l'usage remonte incontestablement à la plus haute antiquité. On trouve dans une foule d'auteurs anciens et modernes de remarquables exemples du parti avantageux qu'on a su en tirer dans tous les temps pour assurer un poste d'infanterie, retrancher un village, un défilé, une vallée, et tout autre lieu resserré où l'on a des arbres à sa portée. Quand on est pressé, on se contente d'abattre les arbres et de les entasser les uns sur les autres. Si on a le temps d'appliquer les règles de l'art, on rangera en avant d'une tranchée préalablement creusée les arbres très-près l'un de l'autre, le tronc en dedans, en les assujettissant avec de fortes branches. On aura soin que les branches soient bien entrelacées les unes dans les autres, bien épointées et débarrassées des plus petites, afin qu'embusqué derrière on puisse voir l'ennemi sans en être aperçu. Ce fut à l'aide d'abattis que Mercy put lutter avec tant d'avantages et si longtemps dans les affaires de Fribourg (1644) et d'Ensheim (1674). Dans ce dernier combat un petit bois qui couvrait la gauche des alliés,. et dans lequel ils avaient pratiqué quelques abattis, fut de la part de l'armée française commandée par Turenne le but d'efforts acharnés, et coûta beaucoup de sang et de temps aux vainqueurs. A la bataille de Malplaquet, Villars avait en soin de fortifier sa droite et sa

gauche par des abattis; s'il fut battu par l'heureux Marlborough, la faute n'en fut certes pas à la faiblesse de ses retranchements.

En termes d'art culinaire, on entend par abattis la tête, les pattes, les ailerons, le foie et une partie des entrailles d'une dinde, d'un chapon, d'une oie, et autre pièce de volaille.

ABATTOIR. On appelle ainsi le lieu où l'on abat, dépouille et dépèce les animaux qui servent à la nourriture de l'homme. Les notions les plus élémentaires d'hygiène publique indiquent qu'il y a insalubrité et danger à laisser des tueries particulières au milieu d'un grand centre de population. Aussi dans la plupart de nos grandes villes de France a-t-on à cet égard imité l'exemple de la capitale, dont les abattoirs méritent d'être cités comme modèles, et tout récemment encore le conseil municipal de Londres a chargé une commission d'aller en étudier sur place le mécanisme et l'organisation.

La pensée première en est due à Napoléon, qui, par un décret du 10 novembre 1807, en ordonna la construction; et telle avait été l'activité déployée par l'édilité parisienne dans ces immenses travaux, qu'à la chute de l'empire ils touchaient à peu près à leur terme. Ce ne fut pourtant qu'à la fin de 1818 que les bouchers de Paris durent cesser d'abattre chez eux les animaux destinés à la consommation de leurs pratiques et les envoyer aux abattoirs publics. La ville de Paris compte cinq établissements de ce genre, deux sur la rive gauche et trois sur la rive droite, tous également remarquables par la solidité de leurs constructions, leur caractère tout à la fois sévère et grandiose, et la propreté extrême qu'une administration aussi intelligente qu'éclairée sait y entretenir.

En 1843 on y a abattu 74,140 bœufs, 17,448 vaches, 72,015 veaux, et 447,655 moutons; les droits d'abattage, fixés à 6 fr. par bœuf, 4 fr. par vache, 2 fr. par veau, et 50 c. la par mouton, ont produit pour ces 611,258 têtes abattues, somme de 882,489 fr. 50 c. Dans la même année il est sorti des abattoirs généraux 5,235,488 kilogr. de suifs fondus, lesquels ont payé, à raison de 3 fr. par 100 kilogr., la somme de 157,064 fr. 64 c. Cette quantité de suifs ne provient point entièrement de l'abattage des bestiaux dans les abattoirs, qui n'en fournissent tout au plus que les deux tiers; elle se complète par l'introduction des suifs en branches des bestiaux abattus dans la banlieue. Les préparations et cuissons de tripées ont produit 45,251 fr. 05 c., à raison de 30 c. par tripée de bœuf ou de vache, de 0 f. 05 c. par tripée de veau, et de 0 f. 025 par tripée de mouton; plus 1,838 fr. 10 c. pour le simple lavage des tripées de bœuf et de vache. En somme 47,089 fr. 15 c. Les locations des ateliers pour la préparation des têtes et des pieds de veau ont produit 3,587 fr. 50 c. En totalité les abattoirs avaient rapporté en 1843: 1,090,230 fr. 79 c. La quantité d'eau consommée annuellement est d'environ 97,350 mètres cubes. La surface totale renfermée dans l'enceinte de ces établissements est de 156,500 mètres carrés, et la surface des constructions est de 43,100 mètres. L'achat du terrain et les constructions des cinq abattoirs ont coûté à la ville de Paris 2,200,000 fr. De 1819 à 1843 ils ont rapporté 25,871,468 fr. 54 c. : c'est plus d'un million par an, soit 47 p. 100 d'intérêt du capital dépensé.

Les abattoirs doivent être situés aux extrémités des villes. Ils doivent être isolés des habitations et recevoir de l'eau en abondance; il faut en outre qu'ils soient placés auprès des égouts ou des rivières, pour que les eaux s'y écoulent sans laisser de trace dans les rues. Les cases destinées à l'abattage doivent être dallées et construites, jusqu'à une certaine hauteur, en pierres de taille dures, pour résister aux lavages continuels. Il faut de plus que par la position et l'épaisseur du mur, ainsi que par la disposition du toit, il règne dans l'intérieur une fraîcheur nécessaire à la conservation de la viande et à l'éloignement des mouches. Un

abreuvoir et une cour dallée, dite voirie, où l'on jette les matières que l'on trouve dans les estomacs et dans les intestins des animaux, et qui doit être journellement lavée à grandes eaux, sont encore dans les conditions essentielles qu'exige un abattoir. Les fonderies de suif en branche qui en dépendent, et qui ne peuvent être exploitées dans l'intérieur des villes, doivent être réunies à l'abattoir, ainsi que les échaudoirs, endroits où sont échaudées, lavées et préparées toutes les issues d'animaux qui entrent dans le commerce de la triperie.

ABAT-VENT. On appelle ainsi un assemblage de petits auvents parallèles et inclinés de dedans en dehors que l'on établit dans les baies des tours, des clochers et de certains établissements, pour garantir l'intérieur du vent et de la pluie, tout en laissant à l'air une libre circulation. Dans les tours et les clochers les abat-vent servent encore à abattre le son des cloches et à le diriger en bas. C'est là ce qui les fait nommer aussi abat-sons.

au dix-huitième siècle, ils se révoltèrent en 1771, retournèrent à leurs anciennes pratiques superstitieuses, ne conservant de l'islamisme que l'usage de s'abstenir de la chair de porc. Aujourd'hui ils ne sont, à proprement parler, ni chrétiens ni mahométans; on trouve pourtant chez eux dans la célébration du dimanche une faible trace de christianisme. On dit même qu'il reste encore dans leur pays de vieilles églises, demeurées en grande vénération, et que, bien qu'ils aient abandonné depuis des siècles le culte auquel elles étaient consacrées, ils n'ont jamais touché soit aux livres, soit aux ornements sacerdotaux ou aux vases sacrés qu'elles contiennent.

Les Abazes ont toujours conservé jusque dans ces derniers temps une sorte d'indépendance, et ils la défendent avec acharnement depuis quelques années contre la Russie, à qui la porte les a cédés par les derniers traités. Les Russes ne possèdent guère dans leur pays que le fort de SockhoumKaleh, situé à vingt-quatre kilomètres au sud-est d'Anapa. ABBADIE (JACQUES), théologien réformé, né en 1658, ABAT-VOIX, espèce de dais dont une chaire à pré- à Nay en Béarn, reçut à Sédan le grade de docteur en théocher est surmontée, et qui sert à rabattre la voix du prédi-logie, fit ensuite un voyage en Hollande et en Allemagne, et cateur vers l'auditoire.

ABAUZIT (FIRMIN). Né à Uzès, en 1679, d'une famille protestante, fut bibliothécaire à Genève, où ses parents s'étaient réfugiés lors de la révocation de l'édit de Nantes. Il y mourut en 1767, laissant plusieurs écrits, dans lesquels Rousseau, qui le compare à Socrate, semble avoir puisé sa profession de foi du Vicaire Savoyard. Ses œuvres diverses, qui se composent de morceaux d'histoire, de critique et de théologie, ont été publiées à Genève en 1770, et à Londres en 1773, 3 vol. in-8°.

ABAZÉES, fêtes ou cérémonies célébrées en l'honneur de Bacchus, dont on attribue l'institution à un roi asiatique appelé Dyonisios, fils de Caprus, et dont on fait venir le nom du grec abaxes, garder le silence, parce que, bien différentes assurément des autres fêtes consacrées à Bacchus, elles se célébraient au milieu du plus profond silence.

ABAZES, peuples du versant nord-ouest du Caucase, qui semblent avoir avec les Circassiens une grande similitude d'origine, de mœurs et de langage, encore bien que, suivant Pallas, leur langue ne ressemble aucun idiome connu. Leur territoire s'étend depuis la Mingrélie jusqu'aux frontières de la Circassie occidentale. C'est un pays arrosé par une multitude de petits cours d'eau, d'une grande fertilité, bien qu'il soit très-montueux et couvert en général de forêts où la chaleur et l'humidité entretiennent une végétation aussi luxuriante que celle de l'Amérique centrale.

Les Abazes cultivent assez imparfaitement leur sol, se livrent à l'éducation des abeilles, des bestiaux, et élèvent des chevaux estimés. Habiles forgerons, ils fabriquent des armes qu'on recherche dans les divers pays du Caucase. On présume même qu'il y a dans leur pays des mines d'argent ; mais ils ne savent pas plus en profiter que de leur situation géographique, si propre à la navigation et à la pêche; ils aiment mieux se livrer au brigandage dans leurs montagnes, ou, montés dans des barques, infester les côtes de la mer Noire. Les Grecs les désignaient autrefois sous le nom d'Achæi, et ils avaient déjà parmi eux la réputation de pirates rusés et redoutables. A une époque postérieure, ils étaient, sous le nom d'Abasgi, extrêmement décriés par les Byzantins, pour leur commerce d'esclaves. Aujourd'hui encore ils se vendent les uns les autres aux marchands d'esclaves; et comme leurs femmes sont généralement belles, on les fait aisément passer pour Circassiennes dans les harems turcs; on prétend même que l'ambition la plus chère des jeunes filles abazes est d'être admises dans l'un de ces gynécées et de servir aux plaisirs des riches musulmans.

L'empereur Justinien les avait convertis au christianisme; subjugués ensuite par les Persans, ils embrassèrent alors l'islamisme. Plus tard, en 1400, conquis par Tamerlan, ils servirent dans son armée contre Bajazet. Soumis par les Turcs

fut nommé pasteur de l'église française à Berlin. Après la mort de l'électeur Frédéric-Guillaume, qui faisait grand cas de lui, il se rendit en Angleterre, en 1688, devint, en 1690, pasteur de l'église de Savoie à Londres, passa ensuite en Irlande avec le titre de doyen de Killalow, et mourut en voyage à Mary-le-Bone, près de Londres, le 2 octobre 1727. Son ouvrage principal, que Bussy-Rabutin disait admirable, est le Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne. La première partie est dirigée contre les athées, la seconde contre les naturalistes, la troisième contre les sociniens. On a encore de lui : l'Art de se connaître soi-même, souvent traduit et souvent réimprimé; le Triomphe de la Providence et de la Religion, ou l'ouverture des sept sceaux par le Fils de Dieu. On compte parmi les livres rares son Histoire de la Conspiration dernière d'Angleterre ( Londres, 1696).

ABBADON, et plus régulièrement, selon le lexicon hébraïque, ABADDON. Ce mot signifie perdition, ruine, mort. C'est dans l'Apocalypse l'ange de l'Abyme, le chef de cette armée de sauterelles dépeinte avec de si horribles couleurs par l'inspiré de Pathmos. Lui-même nous donne, chap. ix, la définition la plus exacte de ce nom. « Elles avaient pour roi, dit-il, l'ange de l'Abyme, appelé en hébreu Abaddon, et en grec Apollyon, c'est-à-dire l'EXTERMINATEUR. » Aujourd'hui encore les écrivains rabbiniques appellent abbadon l'abime le plus profond de l'enfer.

Peut-être Klopstock, dans une des plus belles créations de sa Messiade, création tout à la fois sombre et pleine de ces grâces dont le chantre allemand n'est pas toujours prodigue (soit dit en passant), a-t-il intempestivement choisi ce nom, dont la signification est terrible et digne du plus affreux naturel, pour le donner à son ange rebelle ou plutôt séduit et déchu, Abbadona, ami et frère du fidèle Abdiel, tous deux dès le principe et au même moment créés de l'essence éthérée, et si tendrement unis que leurs noms s'embrassaient comme les gémeaux. DENNE-BARON.

ABBAS, fils d'Abdel-Mothaleb, et oncle de Mahomet, combattit d'abord son neveu, qu'il accusait d'imposture; mais vaincu et fait prisonnier dès la seconde année de l'hégire, en 623, à la bataille de Beder, il se réconcilia avec lui, et devint bientôt l'un de ses plus enthousiastes partisans. Sans sa présence d'esprit et son intrépidité la puissance de Mahomet succombait à la bataille de Honaïn. Telle était la vénération des sectateurs du prophète pour son oncle Abbas, qu'Othman et Omar eux-mêmes ne le rencontraient jamais sans mettre aussitôt pied à terre pour venir le saluer. Abbas mourut en l'an 652 de notre ère. Un siècle plus tard, à la même époque que celle où se fondait en France la dynastie des Carlovingiens, un arrière-petit-fils d'Abbas, Aboul-Abbas, était proclame khalife, et fondait la dynastie des khalifes Abbassides.

ABBAS. Nom de trois chahs ou rois de Perse de la dynastie des Sofis.

ABBAS Ier, dit le Grand, si la grandeur peut se concilier avec la barbarie, était le septième chah ou roi de Perse de la dynastie des Sofis. Il était gouverneur du Khorassan quand la mort de Mohamed-Khodabendé, son père, donna la couronne à son frère aîné Hamreh, et il avait quitté sa résidence d'Hérat pour lui rendre hommage, quand il apprit en route qu'Ismael, son second frère, s'était fait roi par un fratricide. Son favori et gouverneur, Murchid-Kouli-Khan, eut peur que le royal assassin ne se débarrassât à son tour de son jeune maître; il le fit égorger par son barbier, qui fut immédiatement égorgé lui-même par les complices de Murchid, et Abbas Ier monta ainsi sur le trône de Perse, l'an de Phégire 994, et de l'ère chrétienne 1586, vingt mois après la mort de son père. Quelques auteurs prétendent qu'immédiatement après cette mort il s'était déclaré souverain indépendant. Ils fixent même la date de son installation à Hérat au 5 décembre 1585; et c'est peut-être là-dessus que le docteur Pocock s'est fondé pour le faire succéder sans intermédiaire à Mohamed-Khodabendé. Mais il est difficile de concilier cette usurpation avec l'hommage qu'Abbas allait rendre à Hamreh, et son voyage à Kaswin pour s'aboucher avec Ismael. Malheureusement il est un crime qu'on ne peut lui enlever, c'est le meurtre du gouverneur qui l'avait mis sur le trône. Murchid, homme d'esprit et de courage, avait pris l'habitude de traiter le prince assez cavalièrement; il voulut continuer sous le roi le roi le fit massacrer par un palefrenier, qu'il récompensa par le gouvernement d'Hérat, après l'avoir revêtu de la dignité de khan; et le lendemain il se mit à l'abri des vengeances de la famille de Murchid en ordonnant la mort des parents et amis de ce gouverneur.

Citons des actions plus glorieuses. Les Tartares Ouzbeks s'étaient depuis longtemps emparés des plus belles provinces du Khorassan; il les reprit sur le khan Abdallah, après trois ans de succès et de revers. Mais il se vengea cruellement de la résistance des vaincus, en faisant trancher la tête du khan, de son frère et de ses trois fils. C'est au retour de cette expédition qu'il transporta dans Ispahan le siége de l'empire, dont la ville de Kaswin avait été jusqu'à lui la capitale. Il en sortit bientôt pour chasser les Turcs des provinces de Tauris, de Nakshivan et d'Érivan. La paix, qu'il avait conclue avec la Porte Othomane, dès la première année de son règne, avait été rompue par le sultan Achmet, et ses grands vizirs Mourad et Nasuf reculèrent successivement devant Abbas. Celui-ci ne s'arrêta un moment que sous les murs d'Ormeya, ville située sur le lac Shaki, dans l'Aderbijan. Mais sa politique, qui n'était, comme celle de tant d'autres, qu'une adroite fourberie, vint au secours de son armée. Les Kurdes, peuples pillards et indépendants, vivaient dans le voisinage. Abbas leur promit le sac de la ville, et quand ils l'eurent prise, il fit tuer leurs chefs dans un festin. Tous les pays situés entre la rivière de Kur, l'ancien Cyrus, et l'Araxe, se soumirent à ses armes; la capitale du Chirvan tomba dans ses mains après un siége de sept semaines. Les habitants de Derbent lui livrèrent leur ville après avoir massacré la garnison turque; la province de Kilån rentra en 1597 sous l'obéissance de la Perse, dont elle s'était détachée sous le règne de Thamasp 1o, le second des Sofis. Les rebelles du Mazandérân furent domptés en 1598, et l'heureux Abbas croyait jouir en paix de ses conquêtes; mais cinq cent mille Turcs, nombre fort exagéré sans doute, étant revenus vers les murs de Tauris, sous les ordres de Chakal-Ogli, qui est peut-être le kalender Ogli de l'historien Cantimir, Abbas courut au-devant d'eux, les défit dans une grande bataille, et les repoussa jusqu'à la montagne de Sahend. Une nouvelle incursion lui coûta plus de peine et de sang. Les Turcs avaient surpris la ville de Tauris, et Abbas ne put la reprendre qu'après avoir livré cinq batailles sanglantes, où la fortune avait paru l'abandonner.

Cependant, les Turcs s'étant alliés avec les Tartares de Cri

mée, revinrent encore, sous les ordres d'Hali ou Kalil-Pacha, nouveau grand vizir d'Achmet; mais cette fois Abbas ne daigna point les combattre en personne. Son général, Karchuken ou Kurchiki, suivant Herbert, ou Allah-Veyrdy-Khan, suivant d'autres, fut chargé de les repousser. Il les défit dans plusieurs combats, et leur prit deux khans de Tartarie, avec les pachas d'Égypte, d'Alep, d'Erzeroum et de Van, qu'Abbas renvoya comblés, de largesses. Cantimir ne mentionne point cette défaite. Il parle seulement des apprêts d'HaliPacha et de la mort d'Achmet, qui mit un terme à cette guerre, vers l'an 1617. Ces exploits d'Abbas furent souillés encore par de grands crimes, et le plus odieux de tous fut le meurtre de son fils aîné, Sefi-Mirza, sous le faux prétexte d'une conspiration contre sa vie. Les seigneurs qu'on donnait à Sefi pour complices et le misérable qui avait fabriqué cette accusation furent empoisonnés plus tard dans un festin. Bebut-Bey, l'exécuteur du meurtre, fut d'abord largement récompensé ; mais les remords s'emparèrent du cœur d'Abbas, et sa vengeance fut encore un raffinement de férocité. Il ordonna à Bebut-Bey de lui apporter la tête de son propre fils, pour que le sort de l'assassin fût égal à celui de son maître, et Bebut eut la lâcheté d'obéir à cet ordre sanguinaire. Ce récit d'Oléarius n'est pas conforme à celui de l'Anglais Herbert. Celui-ci donne quatre fils au grand Abbas, et les lui fait tuer tous les quatre par jalousie, avec des détails qui ne permettent pas de révoquer ces crimes en doute.

La conquête du royaume de Kur sur les Kurdes, celle de la Géorgie, que défendirent en vain Taymuraz, roi de Caket, et Enarzab, roi de Carthuel; la prise de Bagdad, et la défaite de trois armées turques, que le sultan Amurat IV avait rassemblées pour reprendre cette capitale, furent des distractions plus dignes de ce roi conquérant; mais sa victoire n'en fut pas moins déshonorée par de nouveaux forfaits : les deux fils de Taymuraz furent faits eunuques, Enarzab fut assassiné dans sa prison de Chiras, et le gouverneur de Bagdad, Behirbeka, ou Bikirkichaya, fut cousu dans une peau de bœuf, qui, en se rétrécissant au soleil, étouffa le malheureux dans des douleurs atroces.

Abbas er eut aussi à combattre des Européens. Les Portugais étaient depuis longtemps en possession de BenderAbassi et de l'ile d'Ormuz; Abbas ordonna au vice-roi de Chiras, l'iman Kouli-Khan, de les en chasser. Les Anglais, que ces deux stations portugaises gênaient dans leur commerce avec l'Indoustan, envoyèrent une flotte pour seconder les opérations des Persans. Bender-Abassi fut rendu en janvier 1622 par son gouverneur, Ruy-Frera, au lieutenant d'Abbas. Ce fut la dernière de ses conquêtes. Ce monarque mourut à Kaswin, en 1628, dans la soixante-onzième année de son âge, et après quarante-trois ans de règne. Sa mémoire est vénérée en Perse. Les pauvres surtout parlent de sa justice, toujours mêlée cependant de cruauté. Il fit jeter dans un four ardent un boulanger qui refusait de leur vendre du pain, et pendre à l'un des crochets de sa boutique un boucher qui vendait de la viande à faux poids. Un de ses officiers avait fait tuer quelques voisins dont les terrasses plongeaient sur les jardins de son harem; Abbas fit égorger et jeter pêle-mêle dans une fosse l'officier, ses femmes et ses domestiques.

Son règne fut signalé par des travaux plus utiles à la prospérité de son empire. Il fonda de grandes villes, qui devinrent plus tard les centres d'un grand commerce; il bâtit le beau palais d'Ispahan, des caravansérails et des mosquées, et y amena une grande rivière, par des souterrains immenses, à travers des montagnes qui l'en séparaient, à plus de trente lieues de distance. Il dissémina dans son royaume vingt-deux mille familles arméniennes et quatre-vingt mille autres de la Géorgie, qui apportèrent aux Persans leur industrie et l'art du négoce. La culture de la soie fut propagée, et le chah Abbas se mit en communication avec notre Louis XIII et autres rois de l'Europe. Pour retenir dans ses États le grand nombre de pèlerins qui se rendaient à la Mecque, il fit faire de grands

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