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Dix mille florins d'or, répondit le frison.
L'entrepreneur recula de quatre pas.

Dix mille florins d'or, répéta-t-il en bégayant.

Le vieillard ne lui répondit plus rien, il rendit à l'entrepreneur son salut, lorsque la cloche des ouvriers sonna, et se retira en causant avec son jeune compagnon. L'entrepreneur donna ses instructions aux ouvriers et se rendit chez le magistrat pour lui faire part de cette proposition. Celui-ci trouva les prétentions du frison exorbitantes et cependant que restait-il à faire, puisque l'on voulait bâtir l'église. Un des conseillers, homme adroit et versé dans la chicane du commerce, se leva et dit:

Il n'y a pas à balancer en cette circonstance, il faut agir de suite et promptement. La somme est trop élevée, tâchons d'en rabattre quelque chose.

Il ne faut pas y penser, reprit l'entrepreneur Delact. C'est un drôle auquel je ne voudrais pas en faire la proposition.

Alors répondit le conseiller, il ne nous reste plus qu'à lui soutirer son secret par ruse.

Il est trop fin pour cela, dit l'entrepreneur.

Hébien! dans ce cas nous nous adresserons au jeune homme qui l'accompagne, celui-là, quoique n'étant pas très - fin, aura assez d'esprit pour céder à la vue d'une forte somme et de l'honneur d'avoir puissamment aidé à la bâtisse de l'église de Notre Dame.

Tous applaudirent à cette idée mais on ne savait comment aborder le jeune homme. Le conseiller vint en

aide en se chargeant de l'affaire. Le matin même il se rendit au fossé et tenta plusieurs fois, mais en vain, de lier conversation avec le frison, mais cela ne lui réussit point: il se tourna alors vers le jeune compagnon, lui donna le titre de maître et devint si familier avec lui, qu'un jour il l'invita chez lui. Les vins les plus délicieux lui furent offerts dans des coupes d'or, on lui servit les mêts les plus exquis. Le jeune homme savourant cela avec délice, se lia de plus en plus au conseiller dont l'aimable fille avait déjà fait la plus vive impression sur le coeur de l'inconnu. Le père s'aperçut bientôt de l'intelligence qui régnait entre les deux jeunes gens et il y vit un moyen de plus de parvenir à son but.

Plusieurs mois s'écoulèrent et l'on travaillait toujours aux fondements. Un soir le jeune inconnu se présenta devant le conseiller Van Kerkhoven et lui dit:

Je suis maçon de mon métier, monsieur, j'ai fait mes preuves à la cathédrale de Cologne. Vous aurez besoin, aussitôt que les fondements de la cathédrale seront placés, d'un maître habile, et mon art vous fournit l'homme qui peut vous être utile. Je vous prie donc, après m'avoir témoigné tant d'amitié, de m'accorder la dernière et la plus grande preuve de votre bienveillance, la main de votre fille.

Van Kerkhoven sourit en lui-même de contentement, car il se voyait parvenu à son but. Il dit:

Maître, vous êtes un brave et honnête homme et je vous donne volontiers mon consentement, cependant je

dois voir auparavant, si votre travail peut vous procurer de quoi vous mettre en ménage. Il ne faut pas y penser, aussi longtemps que votre oncle ne vous donnera pas les moyens de boucher cette fatale source. La ville ne

peut lui donner la somme qu'il exige et il ne consent à livrer son secret qu'à cette condition. Faites en sorte qu'il se contente de moins ou bouchez vous-même la sour.ce et outre les cinq mille florins d'or de la ville et la reconnaissance de ses bourgeois vous recevrez la main de ma fille. Le jeune homme se retira silencieux et pensif. Renoncer à Marguérite lui eût été, impossible. Comment y parvenir. En parler à son oncle, il ne l'eût pas osé. Que faire? Lui arracher son secret pour le vendre ensuite et s'attirer ainsi la haine et la malédiction de son bienfaiteur? Et cependant c'était le seul moyen qui lui restait, car il connaissait trop le vieillard pour espérer de le fléchir par des larmes et des prières; le coeur du vieux frison était inaccessible à l'amour comment eût-il pu faire à ces inconnus un aussi grand sacrifice de son orgueil. Le jour suivant, ils se trouvaient encore une fois tous deux à la balustrade et regardaient les efforts inutiles des ouvriers.

Il me parait que cet ouvrage ne finit pas, dit le jeune homme, ils seront forcés de l'abandonner. C'est donc chose impossible que de boucher ce trou?

Impossible! dit en riant le vieillard.

N'avez-vous pas dit vous même que si l'on y précipitait toute la ville d'Anvers, il ne serait pas encore bouché.

Et je te répète que si je voulais, en une demi-heure j'aurais bouché ce trou sans y jeter une seule pelletée de terre.

Et comment feriez vous cela?

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Ah! c'est mon secret.

Et moi-même je ne puis le savoir? Le vieillard lui lança un regard perçant et dit:

Pour que tu ailles le découvrir au conseil qui me traite comme un mendiant, n'est-ce pas, mon garçon ?

Ces paroles émurent profondément le jeune homme, cependant son amour l'enhardissait, il crut voir d'un côté l'image de sa Marguérite éplorée, et de l'autre, le père de la jeune fille qui lui donnait son approbation et prononçait les paroles qui devait les unir pour toujours. Il usa de feinte pour la première fois de sa vie.

Moi, vous trahir, mon oncle? N'avez vous pas appris à me connaître? Le vieillard s'appuya les bras croisés sur la balustrade et regarda d'un air pensif dans le fossé. Il ne disait rien. Enfin il se leva, et prenant le jeune homme par la main il lui dit:

Allons, je me confie à toi, afin tude que ce que je te dis, est vrai. d'avance si tu révèles mon secret,

que tu aies la certiMais je t'en avertis

tu es mort. Il

n'y a qu'un moyen de boucher la source, c'est ... d'y employer des peaux de boeufs. Dès que l'on aura bouché le trou avec cela, on pourra en toute sécurité bâtir avec l'aide de Dieu. Mais jamais ils ne pourront parvenir à trouver cet expédient.

Vous avez raison, maître, dit le jeune homme en tremblant. A peine connut - il le secret qu'il devait révéler au conseil, qu'une sueur froide lui couvrit le corps. Ils demeurèrent encore longtemps pensifs et silencieux; le vieux frison plongé dans ses méditations accoutumées, le jeune homme, luttant avec lui-même. Causerait-il à son vieil oncle, à son second père, au bienfaiteur de son jeune âge, le plus grand chagrin en révélant son secret et l'exposant au mépris des bourgeois; et tout cela pour faire plaisir à un étranger? - cependant l'amour dans son coeur l'emporta sur le froid et sombre vieillard.

A peine furent-ils rentrés tous deux que le vieillard s'enferma dans son cabinet; le jeune homme s'esquiva et gagna la maison du conseiller.

Marguerite, tu es à moi! s'écria-t-il en entrant, et il se précipita dans les bras de la jeune fille. Il l'entraîna ensuite avec lui, franchit les marches de l'escalier et entra dans la chambre du conseiller.

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Le secret nous appartient," dit-il, tiendrez-vous aussi votre parole?"

„Je ne m'en dédis pas," répondit le conseiller. „Tu recevras mon consentement aussitôt que tu m'auras découvert le secret."

„Hébien, faites boucher le trou avec des peaux de boeufs, mettez sans crainte la pierre fondamentale pardessus, et bâtissez au nom de Dieu."

"Que Dieu vous bénisse donc!" dit le conseiller en unissant les mains des deux amants et en les embrassant.

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