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LE CARNAVAL à GRAMMONT.

(Bruxelles-Mons.)

Ce n'est point ici une légende, mais la description de cette fète singulière, n'en mérite pas moins une place dans ce recueil; elle est comme la légende, un écho de ce bon vieux temps que l'on juge toujours si légèrement en n'envisageant que ses défauts et en laissant de côté tout ce qu'il a de charme et de poésie. De semblables échos retentissent parfois encore dans les moeurs flamandes et c'est ce qui ajoute à ces moeurs naïves un attrait infini. Pour le goûter dans toute sa force, toute sa douceur et toute sa pureté, on ne doit pas courir en poste de Liége à Bruxelles, et de Bruxelles à Ostende, en s'arrêtant quelques heures dans les grandes villes qui se trouvent sur la route pour en visiter quelques curiosités.

Bruxelles est francisée. Ostende l'est encore davantage. Celui qui pour juger un peuple ne s'en tient qu'aux relations des maîtres et des valets d'hôtel et des garçons de bains, celui qui ne s'arrêtant qu'un demi-jour dans une ville va prendre des renseignements dans un café ou un estaminet, et prétend après cela parler du peuple flamand, s'expose à ne dire que des sottises. Non c'est au coeur même de la nation, qu'il faut pénétrer, épier ses habitudes, comme l'enfant épie les petits oiseaux dans leur nid en soulevant doucement la feuillée qui le recouvre; il faut vivre au milieu d'elle, étudier cette vie rêveuse, y passer un certain temps, ce n'est qu'alors qu'on commencera à découvrir tout ce qu'elle offre de curieux.

La lorgnette indiscrète ne peut pénétrer cette vie populaire flamande, les mains aux gants glacés ne peuvent soulever le voile qui la recouvre; semblable au royamne des cieux elle n'admet que les caractères naïfs et enfantins; pour tout autre contact, semblable à la sensitive, elle replie ses feuilles, et semble dire Noli me tangere.

Le carnaval est la plus grande fête à Grammont. La Kermesse de la ville a moins d'attraits pour ses habitants.

Dès le matin, on voit affluer de tous les côtés vers la ville, les blouses bleues, les petits bonnets de dentelles, les draps rouge-clair et les corsages noirs qui se répandant dans les rues de la ville, leur donnent un aspect riant et animé. C'est un fort joli costume que ce corsage noir et ce bonnet de dentelles; il encadre la figure d'une manière si flatteuse, et en fait si bien ressortir les avantages, qu'un visage médiocrement beau y gagne infiniment, c'est ce qui a fait dire de beaucoup de villes belges, qu'elles possédaient les plus belles femmes et les plus jolies filles du pays. Bruxelles n'est point de ce nombre, - aussi y trouve-t-on peu de petits bonnets de dentelles; mais en revanche on y voit beaucoup de chapeaux, tous à la dernière mode de Paris.

Vers midi la foule se porte au marché d'où part une musique bruyante. On voit les tireurs l'arbalète ou l'arc à la main se ranger autour de leur bannière, qui flotte au dessus des tètes. Enfin on l'élève et le peuple s'achemine vers la montagne où est batie la chapelle de la Vierge.

Le bourgmestre, le magistrat en tête ainsi que le clergé suivent le cortège des tireurs, les portes de la chapelle s'ouvrent, tout le monde entre et chacun s'agenouille pieusement.

Le prêtre commence alors la belle litanie de Lorette et à chaque louange de la sainte Vierge, le peuple répond en choeur: Ora pro nobis. Après cela suivent encore quelques cantiques et quelques prières; puis la cérémonie religieuse, fait place aux réjouissances mondaines.

Le clergé et les fonctionaires de la ville, se rangent en demi cercle devant la chapelle. Le héraut de la ville ou l'appariteur du conseil s'approche et offre à chacun de ces messieurs un verre de vin. Le peuple rit aux éclats. Pourquoi donc ce fou rire?

Chacun porte le verre aux lèvres et semble attendre un signal pour pouvoir le vider. Tous les yeux sont fixés sur le curé de qui le signal paraît devoir venir. Celui-ci approche bien aussi le verre de la bouche mais tout-à-coup il hésite qu'est-ce qui peut donc l'arrêter son vin est aussi bon et aussi pur que celui

ainsi?

des autres.

encore

-

Il parait vouloir se décider, cependant il approche une seconde fois le verre de ses lèvres, mais il recule Manants et bourgeois de redoubler leurs éclats. Enfin cela va réussir, il lève une dernière fois le verre et le vide d'un trait. Un cri d'allégresse rétentit de tous côtés et la musique recommence.

Maintenant il cst permis de demander la cause de cette

répugnance du pasteur. C'est que dans le verre, nageait un petit poisson qu'il fallait selon une ancienne coutume avaler avec le vin. Quel est celui qui à sa place n'eut pas hésité comme lui?

La fête n'est pas encore terminée. On apporte de grands paniers remplis de gaufres et de pâtisseries. Le curé pour prix de son courage, a l'honneur de puiser le premier dans le pannier, et d'en jeter une poignée au peuple; cet exemple est suivi par les magistrats et toutes les provisions passent dans cette bagarre.

Chacun veut avoir un morceau de pâtisserie, pour pouvoir à son retour l'attacher à son chapeau. Il est inutile de penser à avoir une pièce entière, car en moins d'une minute, cette assemblée tranquille se change en un pèlemêle de rieurs qui se déchirent et s'arrachent les bribes de pâtisserie. La musique joue toujours et les notables et les vieillards spectateurs de cette scène, se réjouissent en voyant qu'un des leurs emporte un morceau en trophée.

Les pelotons se séparent lentement; chacun remet en ordre ses vêtements déchirés ou chiffonnés et le bourgmestre donne le signal du retour. Les débris de gauffres sont attachés avec des épingles sur la poitrine ou sur les chapeaux, le drapeau marche en avant, la musique suit, viennent ensuite les tireurs, les magistrats et le clergé. Le peuple ferme la marche en chantant.

Arrivés à la ville les vieillards se retirent dans leurs maisons, les jeunes gens vont à la danse et souvent l'Aurore les y retrouve encore.

LE COMBAT DU DRAGON.

(Mons.)

On peut voir à la bibliothèque de Mons, la tête du dragon qui répandit jadis la terreur aux environs du village de Wasmes.

Tout le monde déplorait le sort d'une malheureuse dame que le monstre avait un jour arrachée du château d'un seigneur aussi admiré pour ses hauts faits d'armes, qu'estimé et honoré pour sa loyauté.

Déjà maint chevalier du Hainaut s'était dévoué pour la délivrance de la victime, mais aucun n'en était revenu, et leurs crânes placés à l'ouverture de l'antre était un terrible épouvantail pour d'autres. Le monstre n'en devenait que plus cruel, et après chaque combat, il sortait de sa grotte dévorait des troupeaux entiers, et malheur à ceux qui se trouvaient sur son passage; il les emportait dans son affreux repaire pour les y engloutir. Enfin un noble templier du nom de Gilles De Chin demanda à ses supérieurs la permission de combattre le monstre et de délivrer la malheureuse captive.

Le comte Baudoin IV. se trouvait dans ce moment à la maison de l'ordre; entendant cette demande il défendit au supérieur de l'accorder, car il aimait trop le chevalier pour permettre qu'il s'exposât à un tel danger. En vain le chef lui représenta-t-il en termes très-persuasifs, les souffrances de la jeune fille et le désespoir du père, en vain lui rappela-t-il que Gilles avait vaincu un énorme lion en Afrique, tout fut inutile, Baudoin persista dans son refus.

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