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D Il est de principe que les jugements des tribunaux étrangers n'ont en France aucune autorité. Cependant l'art. 7 du C. d'instr. crim. ne permet la poursuite du Français qui a commis un crime sur le territoire étranger, qu'autant que le prévenu n'a pas été poursuivi et jugé en pays étranger. Est-ce que fes jugements, qui ne sont pas susceptibles d'exécution en France, produisent néanmoins l'effet de la chose jugée à l'égard des tribunaux français? Est-ce que la maxime non bis in idem peut s'appliquer à deux jugements émanés de deux juridictions qui ne refevent pas de la même souveraineté ?

Nous avons vu précédemment, en examinant les fermes de l'art. 7, que si les jugements étrangers ne sont pas exécutoires en France, ce n'est pas une raison pour qu'ils ne produisent pas l'exception de la chose jugée1. En effet, cette exception dérive du fait même de leur existence, elle n'est pas un acte de feur exécution; elle ne fait que proclamer le jugement, elle n'invoque point l'application de ses dispositions. Elle peut donc résulter d'un jugement qui

des 25 mars 1836 et 19 avril 1839; M. Carnot, De l'instr. crim., t. III, p. 221; Merlin, Quest. de droit, v° Ministère public, § 10; et, dans un sens contraire, M. Legraverend, t. II, p. 464; Bourguignon, Jurispr. des Cod. erim., t. I, p. 346; Favard de Langlade, Rép., vo Cassation, t. 1, p. 412; Mangin, no 377, t. II, p. 259 et snjv.; Leseyllier, n° 2439...

Voy. notre tome II, p. 621,*

n'est pas exécutoiré. L'État qui constate l'existence de ce jugement n'en reconnaît point l'autorité. Le juge se borne à vérifier que le prévénu a déjà été jugé en pays étranger. Or, il suffit qu'il ait été jugé pour qu'il ne puisse être l'objet d'une nouvelle poursuite. On pourrait alléguer que la maxime non bis in idem, prise dans un sens rigoureux, ne s'applique qu'aux actes émanés d'un même souverain. Mais le principe de justice qui a fondé cette maxime n'a-t-il pas la même force à l'égard de tous les jugements qui ont été rendus sur le même fait, soit qu'ils énianent de juges étrangers ou nationaux? De ce que le jugement émane de juges étrangers, résulte-il que le prévenu ne serait pas successivement traduit devant deux juridictions et frappé de deux pćines à raison du même fait? En matière de justice pénale, il n'est permis de faire abstraction d'aueun 'fait, il est dangereux d'établir une règle sur une fiction. Le jugement étranger, quelle que soit sa force hors du territoire où il a été rendu, existe; les juges du territoire peuvent refuser de l'acceptér, mais non de le reconnaître'; ils peuvent le rejeter comme autorité, mais non comme fait; ils se trouvent donc en 'face de ce fait d'une première poursuite, d'un premier jugement. Or, dans cette situation, prononceront-ils sur le même crime un nouveau jugement? Est-ce que la règle qui veut qu'un seul jugement suffise à la réparation d'un seul crime, ne domine pas toutes les législations et tous les peuples? Il suflit que l'agent ait été légalement jugé, par une furidiction compétente, pour qu'il soit à l'abri de

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toute poursuite ultérieure à raison du même fait. ! Mais il faut que le jugement étranger soit passé en force de chose jugée. En effet, si la justice du lieu dont l'agent est le sujet devait s'arrêter devant une simple poursuite de la justice du lieu où le crime a été commis, il s'ensuivrait une évidente impunité toutes les fois que cet agent se serait réfugié sur son territoire, puisqu'il est de principe qu'aucune nation ne consent à l'extradition de ses sujets1. La maxime non bis in idem ne prohibe une double poursuite que parce qu'elle conduit à un double jugement. Mais si les deux poursuites, exercées successivement ou şimultanément dans deux souverainetés distinctes, ne doivent conduire qu'à l'exécution du jugement qui sera le premier devenu définitif, est-ce que la régle sera enfreinte? Dès que le jugement de la justice locale a acquis force de chose jugée, tout est consommé, la justice nationale est désarmée, le crime est réparé par le jugement; aux yeux de la justice il n'y a plus de crime à punir. Mais tant que ce jugement n'est pas définitif, il n'y a encore qu'une poursuite; or, une poursuite devant un tribunal étranger ne suffit pas pour dessaisir la justice nationale; car les deux juridictions sont également compétentes, et le conflit que forme cette double procédure n'a pas de juges. Et puis, l'une peut posséder des indices et des preuves que l'autre ne possède pas. Elles ont donc un droit égal de procéder et ne sont tenues de s'arrêter que devant un jugement définitif émané de l'une ou de l'autre,

Voy. notre tome. 11, p. 668,

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Il importe peu que le jugement rendu en pays étranger ne soit qu'un jugement d'absolution qui déclare le silence de la loi étrangère, ou qu'il ne prononce qu'une peine inférieure à la peine portée par notre loi pénale, ou que la peine prononcée n'ait pas été exécutée. Dès que la juridiction étrangère a été saisie et qu'une sentence est intervenue, il n'y a plus d'impunité absolue, la justice est satisfaite; le fait du jugement étranger suffit à la réparation du crime, et dès lors il n'y a point lieu d'examiner si ce jugement est ou n'est pas en harmonie avec notre législation. Son existence suffit pour désarmer la juridiction française. Quant à l'inexécution du jugement, ce fait ne peut avoir aucune influence sür le droit de cette juridiction: l'autorité de la chose jugée réside dans le jugement et est indépendanté de ses suites. C'est sans doute une circonstance regrettable que l'agent réfugié en France puisse s'abriter derrière une condamnation qu'il n'a pas exécutée et qui n'est pas exécutoire; cet inconvénient n'a pas de remède, puisque, d'une part, la chose jugée à l'étranger arrête l'action de la justice française, et que, d'un autre côté, l'extradition des nationaux est interdite. Mais il faut ajouter qu'il ne peut que rarement le présenter, puisqu'une condamnation défi nitive suppose, en général, la présence du condamné, et qué, dès lors, dans notre hypothèse, la fuite, ne pouvant être que postérieure au jugement, devient plus difficile.

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De l'effet sur l'action publique de la chose jugée au civil.

En thèse générale, les jugements des tribunaux civils n'ont aucune autorité sur l'action publique et ne l'enchaînent pas ; ils n'ont pas સ son égard force de chose jugée.

En effet, il n'y a point identité d'objet entre l'action publique et l'action civile. Lors même qu'elles s'appliquent au même fait, elles ne l'envisagent pas sous le même rapport, elles n'en déduisent pas les mêmes conséquences. Il n'y a point non plus dans P'une et l'autre identité de parties. Le ministère puplie est partie poursuivante dans les instances criminelles, il n'est que partie jointe dans les instances civiles, et seulement dans celles dont il prend communication. Il n'agit donc pas avec le mème caractère, avec la même autorité, au nom du même pouvoir. Enfin, les deux actions ne s'appuient pas sur les mêmes preuves, et les preuves ne sont pas produites devant la juridiction civile et devant la juri-. diction criminelle à la même fin. Il faut donc conclure, et cette règle n'est d'ailleurs nullement contestée,' que le jugement civil est sans influence sur l'action' criminelle et ne peut constituer l'exception de chose jugée, soit en faveur du prévenu, soit contre lui. La juridiction répressive doit prononcer sur les faits incriminés avec la même liberté et le même pouvoir' que si le tribunal civil n'en avait pas été saisi 4

Conf. Merlin, Rép., vis Non bis in idem, no 15; Toullier, t. VIII, n. 30; Legraverend, t. I, p. 66; Mangin, n° 418.

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