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tion trop flexible recueillie par les derniers arrêts. C'est donc en prenant cette définition comme une règle générale, qu'on doit essayer de tracer une ligne de démarcation entre les fonctionnaires qui sont agents du gouvernement et ceux qui n'ont pas ceite qualité. Nous allons rechercher en conséquence quels sont les fonctionnaires qui doivent être considérés comme dépositaires d'une portion de l'autorité du gouvernement, agissant en son nom, sous sa direction médiate ou immédiate, et faisant partie de la puissance publique; car ceux-là seuls, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, sont agents du gou

vernement.

Il faut, en premier lieu, écarter de l'application de cette règle deux classes de fonctionnaires: 1° les fonctionnaires de l'ordre judiciaire; 2° les fonctionnaires de l'ordre militaire.

Les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, quoiqu'ils reçoivent leur délégation du pouvoir exécutif, ne sont point ses agents; ils exercent un pouvoir indépendant et qui est placé en dehors de son influence; leurs actes n'engagent point sa responsabilité; ils ne sont les exécuteurs d'aucun de ses ordres; ils sont placés sous sa surveillance, mais non point sous sa direction. Les motifs qui ont établi la garantie administrative ne leur sont donc point applicables. La loi a tracé, d'ailleurs, pour la poursuite des crimes et des délits qu'ils commettent, soit en dehors de leurs fonctions, soit dans leur exercice, des formes particulières de procédure qui sont des

tinées à remplacer cette garantie 1. Nous examinerons ces formes spéciales dans la suite de ce livre 2. Elles s'appliquent aux membres de la Cour de cassation et de la Cour des comptes 3, aux cours royales, aux membres des tribunaux civils et de commerce, aux magistrats du ministère public, enfin aux officiers de police judiciaire 4. Tous ces fonctionnaires, placés par là même en dehors de l'art. 75, peuvent être poursuivis sans autorisation.

Les officiers auxiliaires de la justice, tels que les notaires, les avoués, les greffiers, les commissairespriseurs et les huissiers, bien que la loi n'ait pas étendu jusqu'à eux les formes de procédure prescrites par les art. 479 et suiv. du C. d'instr. crim., participent aux fonctions judiciaires, et sont, dès lors, comme les officiers de justice eux-mêmes, soustraits à la garantie. La Cour de cassation l'a reconnu, 1° en ce qui concerne les notaires : « Attendu que les notaires ne peuvent être considérés comme dépositaires ou agents de l'autorité publique, puisqu'ils ne sont chargés d'aucune partie de l'adminis tration publique et n'exercent leurs fonctions que dans des intérêts privés 5; » 2o en ce qui concerne les avoués: « Attendu que les avoués ne sont pas

1 C. instr. crim., art. 479 et suiv.

Voy. notre tome V.

3 L. 20 avril 1810, art. 10.

4 C. instr. crim., art. 479, 481, 483, etc.

5 Arr. Cass. 9 sept. 1836 (Journ. du pal. 27, 1615); 27 nov. 1840 (Dev., 1841, 1, 138).

des fonctionnaires publics, dans le sens des lois qui établissent certaines garanties en faveur des fonctionnaires publics, puisqu'ils n'exercent aucune portion de l'autorité publique1; » 3° en ce qui concerne les greffiers: « Attendu que les greffiers ne sont pas des agents du gouvernement dans le sens de l'art. 75; que s'ils sont nommés par Sa Majesté, cela ne peut changer leur caractère ni le genre des fonctions qui leur sont confiées; que si cette nomination faisait des greffiers des agents du gouvernement, il faudrait également dire que les notaires et les huissiers seraient de même des agents du gouvernement; que, cependant, jamais aucun tribunal n'a encore imaginé jusqu'ici de faire application de l'art. 75 aux notaires et huissiers, parce que l'on a bien senti qu'il n'y avait pas pour eux les mêmes motifs que pour les véritables agents du gouvernement, puisqu'ils étaient en tout maîtres de leurs actions, en se conformant aux lois comme tous les autres citoyens 2.

Les militaires, comme les membres de l'ordre judiciaire, mais par un autre motif, ne sont pas également classés parmi les agents du gouvernement. Ils sont agents de la force publique, mais ils ne sont dépositaires d'aucune portion de l'autorité administrative; ils peuvent exécuter ses ordres, mais ils

Arr. Cass. 14 avril 1831 et 9 sept. 1836 (Journ. du pal., 23, p. 1451, et 27, p. 1615.

* Arr. Cass. 26 déc. 1807 (Journ. du pał., t. VI,

p. 408).

n'en transmettent aucun; le pouvoir, en descendant du gouvernement, ne s'arrête point entre leurs mains; ils ne l'exercent pas; ils en sont les instruments et les auxiliaires; ils n'en sont ni les délégataires ni les agents. La jurisprudence a souvent reconnu à l'application de la garantie cette limite, qui résultait d'ailleurs du texte de l'art. 85 de la loi du 22 frimaire an VIII. La Cour de cassation a jugé, 1° au sujet d'un faux commis par un officier de recrutement, « que les fonctions de capitaine de recrutement étant purement militaires, ces fonctions ne placent point le prévenu dans l'application de l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an vIII2; » 2° que les gendarmes ne sont pas agents du gouver nement, et peuvent être mis en jugement sans autorisation3. Cette dernière décision, qui peut s'appuyer, d'ailleurs, sur l'art. 97 de la loi du 28 germinal an vi, ne fait pas obstacle à ce que les officiers de cette arme, si le délit qui leur est imputé a été commis dans leurs fonctions d'officier de police judiciaire, ne jouissent des formes établies par les art. 479 et suiv. du C. d'instr. cr.; 3° au sujet des gardes nationaux, qui sont assimilés, par leurs fonctions, aux militaires : « qu'aux termes de l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an vii, un officier de la garde nationale ne peut être regardé comme un agent du gouvernement dans le sens de cet article; d'où il suit qu'il n'est pas du nombre de ceux

2 Arr. Cass. 6 mars 1807 (Journ. du pal., t. V,
p. 726).
3 Arr. Cass. 21 août 1812 (Journ. du pał., t. X, p. 667).

qui ne peuvent être poursuivis qu'en vertu d'une décision du Conseil d'État1. »

La Cour de cassation semble, à la première vue, s'être écartée de cette jurisprudence en décidant qu'un lieutenant-général, commandant une division militaire, n'avait pu être poursuivi, à raison d'un fait de ses fonctions, sans autorisation du conseil d'État. Mais il faut remarquer que cette division militaire avait été mise en état de siége; que la mise en état de siége avait investi le général de tous les pouvoirs, non-sculement militaires, mais administratifs; et que l'ordre qui, dans l'espèce, donnait lieu à l'action, celui de placer des garnisaires au domicile des père et mère d'individus faisant partie de bandes armées, était un acte administratif pris dans l'exercice des pouvoirs extraordinaires dont il était revêtu. La Cour de cassation n'a donc point dérogé à la règle généralement reconnue jusque-là, lorsque, après avoir constaté « que l'ordonnance par suite de laquelle le comte d'Erlon était poursuivi, a été par lui prise en sa qualité de commandant général dans un pays mis en état de siége, et où il réunissait par conséquent les pouvoirs militaires et administratifs; elle a décidé « qu'il n'a pu être poursuivi en abus de pouvoir résultant de cette ordonnance, que devant le conseil d'État, qui, en cas d'abus, était seul compétent pour annuler cette ordonnance et autoriser les poursui

1 Arr. Cass. 5 mars 1835 (Journ. du pal., t. XXVI, p. 1469).

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