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bre des députés ait été jugée nécessaire 1. Cet arrêt de compétence ne paraît avoir donné lieu à aucune objection. En effet, lorsque la Cour des pairs est régulièrement saisie d'une affaire, elle a nécessairement le droit de connaître de toutes les dépendances de cette affaire, et de joindre au procès tous les faits connexes qui s'y rattachent; c'est la conséquence du principe qui veut qu'en matière criminelle l'indivisibilité du délit entraîne l'indivisibilité de la poursuite. La juridiction de la Chambre des pairs, une fois mise en mouvement, ne peut s'arrêter que devant une loi formelle et positive. Or, quelle est la loi qui la contraindrait à s'arrêter devant la qualité de ministre, dont l'une des personnes inculpées des faits qui lui sont déférés, serait revêtue? Faudrait-il qu'elle mît la Chambre des députés en demeure de porter l'accusation? Cette démarche, qui établirait entre un corps judiciaire et un corps politique une communication. évidemment irrégulière, aurait d'abord le grave inconvénient de divulguer le secret de l'instruction, de soumettre à un pouvoir politique les pièces de l'information, et de provoquer sur ses détails une discussion publique. Mais ensuite, la Chambre des députés déclarerait qu'il y a lieu ou qu'il n'y a pas lieu à accusation. Dans le premier cas, comment serait formulée cette accusation? La Chambre des députés enverrait-elle à la Chambre des pairs des commissaires chargés de soutenir l'accusation? La Moniteur du 30 juin 1847.

même accusation se trouverait donc soutenue, à l'égard d'une partie des accusés, par le procureurgénéral, à l'égard des autres par ces commissaires? L'action publique, dans la même affaire, recevrait donc une double direction, et peut être une direction contraire? Dans le deuxième cas, pourrait-il appartenir à la Chambre des députés de paralyser l'action judiciaire de la Chambre des pairs, et d'élever un conflit qui n'aurait de solution que l'interruption du cours de la justice? Tels sont, sans doute, les motifs qui ont déterminé la décision de la Chambre des pairs.

La deuxième hypothèse, qui n'a point encore été examinée, soulève plus de difficultés. Nous supposons qu'une prévention quelconque de crime ou de délit, vienne à peser sur un ministre à raison de ses fonctions, et que l'affaire à laquelle se rattache cette prévention, soit qu'elle ait été ou non l'objet d'une instruction judiciaire, n'ait point été portée devant la Chambre des pairs, l'autorité royale aura-t-elle le droit de saisir directement cette Chambre par ordonnance? ou sera-t-il nécessaire d'attendre que la Chambre des députés ait prononcé la mise en accusation? I importe de remarquer que l'art. 47 de la Charte, qui déclare que la Chambre des pairs a seule le droit de juger les ministres, n'a point ajouté, en attribuant à la Chambre des députés le droit de les accuser, que cette Chambre avait seule aussi ce droit d'accusation. Elle n'est donc investie que d'un droit facultatif et non pas exclusif;

et dès lors, il suffit que cette exclusion ne soit pas formulée, pour que la loi générale qui attribue le même droit au ministère public reprenne son application. On peut objecter, à la vérité, que la loi constitutionnelle a voulu le concours des deux Chambres pour mettre en jugement les premiers agents du pouvoir exécutif, et qu'il ne doit pas dépendre d'une seule de ces deux Chambres de paralyser, par une action judiciaire dirigée contre les ministres, l'exercice de ce pouvoir. La réponse est que la Chambre des pairs ne peut être constituée en Cour de justice que par une ordonnance du roi, quand elle ne l'est pas par un décret d'accusation porté par l'autre Chambre. Il n'est donc pas à craindre, puisque le concours du pouvoir exécutif est nécessaire à cette mesure, qu'il en reçoive quelque atteinte. La véritable, la seule garantie qui préserve les ministres contre des accusations calomnieuses ou téméraires, est la juridiction de la Chambre des pairs. Ils trouvent dans cette juridiction toute la protection qui peut leur être nécessaire pour le libre et plein exercice de leurs hautes fonctions. Le droit d'accusation et de mise en prévention, attribué à la Chambre des députés, est plutôt un moyen d'attaque contre les ministres, qu'une garantie établie en leur faveur, un droit créé dans l'intérêt général de la société, plutôt qu'un moyen de défense destiné à les couvrir contre les accusations dont ils peuvent être l'objet. Ce serait donc retourner cette attribution contre les intérêts qu'elle doit protéger,

que d'en faire, au lieu d'un instrument de surveillance et de répression, une condition de la poursuite, une entrave à l'action.

Nous avons supposé, dans les observations qui précédent, que la juridiction de la Chambre des pairs, que le droit d'accusation de la Chambre des députés s'appliquaient aussi bien aux délits qu'aux crimes imputés aux ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Nous verrons, dans le paragraphe suivant, que c'est en ce sens que les mots en matière criminelle, qui se trouvent dans les art. 29 et 44 de la Charte, ont été interprétés, et il ne peut dès lors exister de motifs pour ne pas étendre cette interprétation aux ministres. On oppose que l'art. 47, en employant le mot accuser, a limité le droit de la Chambre des députés aux faits qualifiés crimes par la loi, puisque ce n'est qu'à l'égard de ces faits qu'il y a lieu d'appliquer les formes de l'accusation. La réponse est que la Charte s'est servie d'une formule générale, et ne l'a point restreinte au sens défini et spécial que le Code d'instr. crim. a donné à la même expression. On oppose encore que l'art. 70 de la constitution du 22 frim. an vi n'exigeait l'autorisation du corps auquel appartenait l'inculpé, membre du sénat, du tribunat, ou du corps législatif, ou ministre, que lorsque le délit emportait peine afflictive ou infamante. Mais cette lacune avait été remplie par l'art. 101 du sénatus-consulte organique du 28 flor. an xii, qui déférait à la haute Cour impériale tous les délits personnels commis par les

ministres, les sénateurs ou les conseillers d'État. Au surplus, restreindre l'attribution des deux Chambres à la poursuite des faits qualifiés crimes, c'est admettre que la poursuite des ministres, à raison de tous les faits qualifiés délits et commis dans l'exercice même de leurs fonctions, peut avoir lieu devant les tribunaux ordinaires et sans nulle autorisation. Or, comment concilier cette application du droit commun avec le système général de notre législation? Est-il possible que le législateur, qui protégeait les plus humbles agents contre les poursuites des parties, ait voulu livrer à ces poursuites, sans aucune garantie, les fonctionnaires les plus élevés? La Charte de 1830, en effaçant la disposition qui limitait le droit d'accusation aux faits de trahison ou de concussion, ne l'a-t-elle pas étendu à toutes les malversations, à tous les abus, qu'ils soient qualifiés crimes ou délits, que le ministre peut avoir commis dans ses fonctions?

Mais l'art. 47 de la Charte ne s'applique qu'aux crimes et délits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Cette distinction résulte 1° de de ce que la Cour des pairs, juridiction essentiellement politique, ne peut connaître, aux termes des art. 28 et 29 de la Charte, que des crimes d'une nature politique, à moins qu'il ne s'agisse d'accusations dirigées contre ses membres; 2° de ce que le droit d'accuser attribué à la Chambre des députés, et le droit de juger attribué à la Chambre des pairs, étant évidemment corrélatifs l'un de l'autre, ne peuvent

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