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devrait-on pas remarquer ensuite que du moins l'ancien droit, en retirant au mari son droit de poursuite, l'avait placé entre les mains du ministère public; qu'il n'en est point ainsi dans notre droit actuel, et que, par suite, on arriverait à cette conséquence nouvelle que le mari et le ministère public seraient à la fois désarmés, lorsque la criminalité de la femme se serait toutefois aggravée?

Telles sont les règles qui doivent diriger la poursuite provoquée par le mari à raison de l'adultère de la femme. La poursuite du même délit, lorsqu'il est imputé, non plus à la femme, mais au mari, est également soumise à des règles spéciales.

Dans le droit romain1 et dans notre ancien droit2, l'adultère du mari ne donnait lieu à aucune action. Le législateur avait pensé que le désordre du mari n'a ni les mêmes dangers ni les mêmes résultats que celui de la femme; qu'il ne pénètre pas en général dans la famille et n'y jette aucun trouble; enfin que permettre dans ce cas les poursuites, ce serait ouvrir la voie à des procès scandaleux. Le Code pénal, en maintenant, en 'général, cette règle, y a dérogé dans un seul cas. L'art. 339 punit d'une amende « le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison conjugale et qui aura été convaincu sur la plainte de la femme.

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Il résulte de ce texte que la femme a le droit de plainte contre son mari, mais qu'elle ne peut exer

L. 1 Cod. ad leg. Jul. de adult.

2 Jousse, t. III, p. 240; Fournel, Traité de l'adultère, p. 13 et 14.

cer ce droit que dans le seul cas où le mari a entretenu une concubine dans la maison conjugale.

Ce droit de plainte est-il exclusif de la poursuite d'office du ministère public? L'affirmative est évidente. Le mari ne peut être déclaré coupable du délit que sur la plainte de la femme. Il y a d'ailleurs les mêmes motifs pour subordonner à la plainte, soit du mari, soit de la femme, l'adultère de l'un ou de l'autre. L'intérêt de la famille domine tout autre intérêt.

La femme peut-elle arrêter la poursuite par son désistement? La négative résulte du texte même de la loi. Le droit reconnu au mari de se désister n'est que la conséquence du droit que lui a conféré la loi de faire cesser les effets de la condamnation en consentant à reprendre sa femme. Or, la femme n'a point été investie de ce dernier droit, exclusivement personnel au mari; elle ne peut donc non plus se désister. Il faut considérer d'ailleurs qu'il s'agit d'une attribution extraordinaire qui ne peut être étendue au delà des termes de la loi. La femme peut se réconcilier, et le mari est recevable, comme on le dira plus loin, à opposer à la poursuite la preuve de cette réconciliation. Mais elle ne peut, indépendamment de ce fait et par sa seule déclaration, mettre un terme à la poursuite qu'elle a provoquée; car la loi ne lui a pas donné ce droit 1.

Peut-elle dénoncer la concubine de son mari, de même que celui-ci dénonce le complice de sa femme?

Voy. en sens contraire Carnot, sur l'art 339 du C. pén., no 1.

La négative nous semble résulter du texte des articles 338 et 339. En thèse générale, les complices de tout fait qualifié délit peuvent être poursuivis en même temps que les auteurs et sont punissables des mêmes peines. Mais nous sommes ici sur un terrain tout-à-fait exceptionnel. La loi, dans l'intérêt des mœurs publiques et pour restreindre autant que possible le scandale de ces procès, a limité les personnes qui peuvent être inculpées. Par cela même qu'elle a désigné le complice de la femme, elle a implicitement exclu la concubine du mari; et comment admettre, si celle-ci était mariée, qu'elle put être comprise dans une poursuite que son mari n'aurait pas autorisée 1?

Le mari peut opposer à l'action l'exception tirée de la réconciliation. La loi pénale garde le silence à cet égard; mais l'art. 272 du C. civ. porte que l'action en divorce s'éteint par la réconciliation des époux, et cette disposition, qui atteste le vœu du législateur pour la stabilité et le maintien du mariage, s'étend à l'action correctionnelle aussi bien qu'à l'action civile. Nous avons vu précédemment que la femme dénoncée pouvait l'opposer à la poursuite; pourquoi le mari n'aurait-il pas le même droit? Dans l'un et l'autre cas, ce n'est ni le mari ni la femme qu'il faut considérer, c'est l'intérêt de l'union des deux époux; tout ce qui peut la resserrer, tout ce qui en prévient la rupture est dans l'esprit de la loi. Il est inutile d'ajouter qu'il faut

'Conf. de Vatimesnil, loc. cit., n° 41; contr. Bedel, no 57.

que les faits de réconciliation soient survenus depuis la plainte1.

Le mari peut-il fonder une deuxième fin de nonrecevoir sur l'adultère même de la femme? La Cour de cassation a jugé que l'arrêt qui rejette cette fin de non-recevoir ne commet aucune violation de la loi 2. Il est à remarquer, en effet, que si la loi a déclaré le mari déchu du droit de porter plainte quand il tient une concubine dans la maison conjugale, cette incapacité n'a point été étendue à la femme adultère le domicile conjugal doit demeurer inviolable à l'égard de la femme, même coupable. Les deux délits ne se compensent pas. Est-ce à dire, comme l'a prétendu M. Merlin, que les deux actions doivent marcher parallèlement et aboutir chacune à un jugement qui applique au mari et à la femme la peine que chacun d'eux a encourue 3? Cette conséquence n'est pas exacte. L'action du mari est frappéc de déchéance dès qu'il se trouve dans le cas prévu par l'art. 339, et il n'est point relevé de cette déchéance par l'imputation qu'il dirige contre la femme. La poursuite exercée contre le mari devra done être jugée d'abord, et ce n'est que dans le cas où il serait renvoyé de cette poursuite qu'il pourrait à son tour porter contre sa femme une plainte utile.

Telles sont les règles spéciales à la poursuite du délit d'adultère. Nous avons achevé de tracer le cer

1 Carnot, Comm. du C. pén., sur l'art. 336, no 627; Mangin, no 144. 2 Arr. Cass. 9 mai 1821 (Journ. du pal., t. XVI, p. 590). 3 Merlin, Quest. de droit, loc. cit.

cle dans lequel cette exception peut s'étendre et se mouvoir. Deux principes dominent cette matière délicate: c'est d'abord que toute exception doit être sans cesse resserrée dans ses termes, et, là où le texte de la loi cesse de l'étendre, le droit commun doit reprendre son empire; c'est, en second lieu, que l'exception ne doit point aller au delà du but que la loi a eu en vue en la créant; il faut chercher ce but dans la pensée du législateur et dans son esprit. C'est dans cette double règle que toutes les questions, souvent très délicates, qui surgissent en cette matière, doivent être résolues.

$ 145.

Application au crime de rapt de la règle qui subordonne l'action publique à la plainte.

Le crime d'enlèvement d'une mineure ne peut être poursuivi sans la plainte des parties intéressées, lorsque le ravisseur a épousé la fille enlevée. L'article 257 du C. pénal, qui a établi cette deuxième exception au droit général du ministère public, est ainsi conçu : « Dans le cas où le ravisseur aura épousé la fille qu'il a enlevée, il ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui, d'après le Code civil, ont le droit de demander la nullité du mariage, ni condamné qu'après que la nullité du mariage aura été prononcée. »

Cette disposition n'existait point dans le projet du Code. Lorsque les articles relatifs au crime de rapt furent examinés dans le conseil d'État, M. Camba

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