Obrazy na stronie
PDF
ePub

l'Eglise, comme le leur reproche Clément, à l'aide d'une fausse clef, ou bien d'en forcer les portes et d'en briser les murailles. La tradition gnostique de Clément est au contraire la tradition même de l'Église. Elle remonte à JésusChrist par les apôtres et leurssuccesseurs, et c'est l'Église qui en conserve le dépôt et la transmission. Ainsi non-seulement le gnostique de Clément se forme dans l'Église, mais il lui demeure toujours soumis comme le simple fidèle, parce qu'étant juge et gardienne de la foi, l'Église est nécessairement juge de la gnose, perfection de la foi. En un mot qui résume toute cette discussion, la gnose du docteur alexandrin est une gnose ecclésiastique, comme il le dit luimème 2, et c'est là le caractère qui la distingue essentiellement de la gnose hérétique.

Nous venons de déterminer les rapports de la gnose avec la foi, l'Écriture et la tradition, c'est-à-dire avec la révélation et l'enseignement divin. Mais la gnose n'est pas une science purement divine la raison intervient aussi dans sa formation. Nous ne pouvons donc nous former une idée complète de la théorie gnostique de Clément et porter un jugement définitif sur son œuvre avant d'avoir examiné cet autre côté de la question, c'est-à-dire les rapports de la gnose avec la philosophie.

1 Strom. VII, 17, p. 897.

Ibid. VII, 16, p. 892 : Τὰ τῆς γνώσεως τῆς ἐκκλησιαστικής μυστήρια.

CHAPITRE IV

Rapport de la Gnose avec la Philosophie.-Éclectisme de Clément d'Alexandrie.

Le mot de philosophie reçoit dans le langage ordinaire des acceptions fort diverses. Il signifie tantôt la raison humaine, tantôt la méthode ou les procédés qu'emploie la raison dans la recherche ou la démonstration de la vérité, tantôt enfin le corps de doctrines, les opinions ou les vérités adoptées et professées par les philosophes.

Nous avons vu, au second et au troisième livre de cette étude, ce que Clément pensait des rapports de la raison avec la foi et des procédés ou de la méthode philosophiques avec la gnose. La foi ne procède pas de la raison, mais elle la suppose, par le motif bien simple que pour croire à la parole de Dieu, il est nécessaire que l'homme l'entende. Pour ce qui regarde les procédés philosophiques, l'art de raisonner, et en général les divers exercices propres à développer l'intelligence et à guider la raison dans la recherche et la démonstration de la vérité, sans être absolument nécessaires à la science de la foi ou à la gnose, ils lui sont en général fort utiles, non comme cause efficace, puisqu'ils sont d'un autre ordre, mais comme préparation et secours1. La question qu'il nous reste ici à résoudre est celle des rapports de la gnose, considérée comme doctrine, avec la

[blocks in formation]

philosophie dogmatique. En d'autres termes, il s'agit de savoir si, en principe, Clément d'Alexandrie a cru que le dogme chrétien peut s'enrichir de vérités prises au domaine de la philosophie, et si, en fait, il a lui-même puisé à cette source, pour les mêler à l'enseignement révélé, des doctrines professées par les philosophes.

La solution de ce problème de critique et d'histoire se trouve dans les principes de Clément sur l'éclectisme, et dans la manière dont il l'a pratiqué.

Il serait facile d'établir que, depuis saint Justin le martyr jusqu'à Bossuet, les plus grands apologistes de la religion chrétienne ont été plus ou moins éclectiques, et que Mgr. l'évêque d'Orléans n'était que l'éloquent écho de la tradition catholique, lorsqu'il prononçait devant l'Académie française ces belles paroles :

« C'est précisément parce que j'ai l'honneur et le bon«heur d'être chrétien, c'est parce que, à ce titre, je suis. « selon la langue de l'Apôtre, fils de la lumière, que je «vais avec confiance en revendiquer les rayons dispersés

[ocr errors]

partout où ils se trouvent. Oui, la lumière est à nous. « tous les siècles nous la doivent et nous l'envoient, et « voilà pourquoi je ne l'outrage nulle part. Je la recher«che, je l'aime, je la célèbre partout où je la découvre;

je la recueille avec amour, ne fût-ce qu'une étincelle, « une flamme égarée: et ma joie est grande quand je puis « la ramener au foyer primitif et divin 1. »

Ce langage, nous le répétons, fut celui de l'Église dès son berceau, et Clément d'Alexandrie n'est pas le premier parmi les Pères qui ait posé les principes et consacré l'usage de l'éclectisme. Déjà saint Justin le martyr, pour ne

1 Mgr. Dupanloup, Discours de réception à l'Académie française.

pas remonter plus haut, l'avait esquissé et pratiqué avant

lui.

[ocr errors]

« Si j'ai quitté l'école de Platon, lisons-nous dans sa

Première Apologie, ce n'est pas que les doctrines de ce philosophe soient absolument étrangères aux enseigne<ments du Christ 1; seulement on y trouve de fréquentes contradictions. Il en est de même des doctrines des autres « écrivains de la Grèce, des stoïciens, par exemple, des poëtes et des historiens. Philosophes et législateurs ont dit dans tous les temps d'excellentes choses qu'on doit <attribuer à la raison dont ils ont été mis en participation par le Verbe. Chacun d'eux, à la lumière de cette raison. dont le foyer est le Verbe, a vu et enseigné la vérité à laquelle l'unissait une sorte de parenté naturelle 2. Mais ils ne possédaient ni une connaissance irrépréhensible, « ni une science inébranlable (vo): aussi ont-ils professé sur les choses divines des erreurs très-graves. Les ⚫ chrétiens seuls ont une doctrine complète, parce qu'ils ⚫ sont enseignés par le Christ, Raison absolue, Verbe parfait qui s'est fait homme pour nous afin de nous guérir « de nos maux en devenant notre frère. Voilà pourquoi tout ce qui a jamais été dit de raisonnable nous appar<tient à nous autres chrétiens 3. »

Saint Justin ne se contenta pas de poser ces principes, il en fit l'application dans ses controverses et principalement dans son Exhortation aux Gentils. Prenant pour règle de ses jugements la doctrine révélée, il rechercha, il approuva, il recueillit avec respect tout ce qui, dans les écrits des Grecs, lui parut conforme à l'enseignement des saints livres,

[blocks in formation]

heureux de ramener ces vérités éparses à leur véritable foyer, c'est-à-dire au Verbe. Au contraire, il rejeta tout ce qui était contraire à cet enseignement, par cette raison que la vérité est une et ne peut jamais contredire la vérité.

Toutefois l'éclectisme n'est qu'esquissé dans saint Justin. Nous le trouvons dans Clément d'Alexandrie dessiné avec plus de netteté et pratiqué d'une manière plus large et plus complète.

Pour Clément, comme pour saint Justin, la philosophie ne peut être confondue avec tel ou tel système particulier de philosophie. S'attacher à un système à l'exclusion de tous les autres, ce serait prétendre que ce système contient toute la vérité et rien que la vérité. Or, dit-il, non-seulement aucune école philosophique ne possède toute la vérité sans mélange d'erreurs, mais la philosophie grecque ellemême prise dans son ensemble n'est qu'une science élémentaire, partielle et imparfaite, qui n'atteint que ce monde et ne connaît de Dieu que la providence et la manifestation de sa puissance dans les créatures 1. Semblables, ajoute-til, aux bacchantes qui coupèrent et dispersèrent les membres de Panthée, les diverses sectes chez les Grecs et chez les Barbares se sont partagé l'indivisible lumière du Verbe, et chacune d'elles se glorifie de posséder la vérité qui lui est échue en partage. Celui-là seul qui saura réunir et ramener à leur unité divine ces fragments dispersés pourra contempler sans danger le Verbe parfait, la vérité absolue 2.

Voilà pourquoi Clément ne veut donner le nom de philosophie, «< ni à la doctrine du Portique, ni à celle de Pla

[merged small][ocr errors][merged small]
« PoprzedniaDalej »