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CHAPITRE III

Rapport de la Gnose avec la Tradition.

Nous avons produit dans les chapitres précédents plusieurs passages des Stromates qui établissent l'autorité divine de la tradition de l'Église et sa liaison intime et réelle avec l'Écriture.

L'Écriture, dans l'enseignement de Clément comme dans celui de tous les Pères, ne fait que partie de la doctrine révélée; ce qui fait le corps universel de cette doctrine et le fondement principal du christianisme, c'est la tradition, parce que cette tradition est la plénitude de la connaissance chrétienne, qui comprend dans son étendue, avec l'Écriture même et avec sa droite interprétation, tous les dogmes écrits et non écrits. C'est cette tradition toujours vive dans l'Église qui en fait, dit Bossuet1, la règle immuable; c'est la loi du Nouveau Testament écrite dans les cœurs c'est par elle que toute hérésie se trouve confondue avant qu'on ait ouvert l'Écriture pour la convaincre; c'est par là que les bonnes mœurs, comme la bonne doctrine, sont soutenues; ce qui fait dire à Clément que la vie du gnostique, du chrétien spirituel, n'est autre chose que des actions et des paroles, des œuvres et une doctrine qui suive la tradition du Seigneur.

1 Tradition des nouveaux mystiques, ch. XVI, sect. 8.

Il résulte de cette notion de la tradition qu'on ne peut la mépriser ou la méconnaître sans perdre la foi et sans tomber dans l'hérésie, et que par conséquent le gnostique s'y doit soumettre comme le simple fidèle. Tous les interprètes de Clément que nous avons pu consulter s'accordent à reconnaître que tel est en effet l'enseignement du savant catéchiste d'Alexandrie.

La question des rapports de la gnose avec la tradition serait donc résolue si Clément ne reconnaissait qu'une espèce de tradition. Mais quelques critiques, tels que Guerike et Doehne ont pensé que, outre la tradition ecclésiastique ou commune, dont la connaissance était nécessaire à tous les chrétiens, Clément admettait l'existence d'une autre tradition mystérieuse, ignorée de la foule, et transmise à quelques disciples seulement et à leurs successeurs par les apôtres, qui l'avaient reçue immédiatement de Jésus-Christ. Cette opinion produite pour la première fois, que nous sachions, au XVIIe siècle dans la controverse du Quiétisme, et combattue avec une grande vigueur par Bossuet1, se fonde sur certains passages des Stromates où Clément semble distinguer, comme saint Denys, deux espèces d'enseignement dans l'Église un enseignement extérieur commun à tous les fidèles, et un enseignement intérieur réservé aux initiés ou gnostiques.

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Citons d'abord ses propres paroles:

«La gnose, dit-il, est la sagesse, si par sagesse nous << entendons le Christ et l'enseignement qu'il nous a donné soit par les prophètes, soit par lui-même, en instruisant les apôtres, et duquel dérive comme de sa source la « tradition gnostique (ostih napádoσiç).... La gnose

1 Tradition des nouveaux mystiques. ch. XVI et XVII.

• elle-même est la tradition transmise oralement par les apôtres à un petit nombre1. »

Clément suppose ici, comme on le voit, l'existence d'un enseignement qu'il appelle tradition gnostique, enseignement donné par Jésus-Christ à ses apôtres et transmis oralement par les apôtres à un petit nombre de disciples. Il dit encore dans le même sens :

« Le Seigneur n'a pas révélé à la multitude (où Todλoïç) ce qui ne lui convenait pas, mais il l'a révélé à peu de gens à qui il savait qu'il conviendrait, qui le recevraient et qui se laisseraient former 2. »

Ailleurs Clément, commentant les Epîtres de saint Paul aux fidèles d'Éphèse et de Colosse, conclut des paroles de l'Apôtre qu'il y a une doctrine ou un enseignement spécialement propre aux parfaits 3, puis il ajoute : « Il y a des mystères qui sont demeurés cachés jusqu'aux apôtres et transmis par les apôtres tels qu'ils les avaient reçus du Seigneur mystères cachés dans l'Ancien Testament, <manifestés aux saints dans le Nouveau". »

Expliquant sa pensée dans le livre suivant, Clément dit qu'avant la venue du Seigneur la sainte gnose n'était pas encore écrite, parce qu'elle n'était pas encore connue : ceuxlà seuls qui avaient le don d'intelligence, c'est-à-dire les prophètes, en avaient reçu la connaissance de l'Esprit saint par une tradition non écrite. « Mais, ajoute-t-il, depuis

que le Sauveur a instruit lui-même les apôtres et qu'un ◄ nouveau livre a été écrit, ce nouveau livre a, comme

1 Strom. VI, 7, p. 771 : Η γνώσις δὲ αὐτὴ, ἡ κατὰ διαδοχὰς εἰς ὀλίγους ἐκ τῶν Αποστόλων ἀγράφως παραδοθεῖσα κατελήλυθεν. — Porro, dit ici Potter, γνῶσιν appellat arcanorum cognitionem, quam cum paucis tantum communicasse

Christum alibi tradit.

2 Strom. I, 1, p. 323.

* Ibid. V, 10, p. 682 : Εντιν γάρ τις καὶ τελείων μάθησις.

Ibid. V, 10, p. 682.

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ceux de l'Ancien Testament, sa tradition non écrite, la

quelle s'imprime par la puissance de Dieu dans des « cœurs nouveaux, et d'une manière conforme au livre « nouveau lui-même1. »

De tous ces textes, il résulte que la tradition gnostique, contenue en germe dans l'Ancien Testament, n'a été clairement enseignée que par Jésus-Christ qui en a expliqué les mystères dans son enseignement oral. Cet enseignement, si l'on en croit le docteur alexandrin, Jésus-Christ ne l'aurait donné qu'à un très-petit nombre de ses auditeurs; peut-être même tous les apôtres ne l'auraient-ils pas reçu directement de leur maître. Clément, il est vrai, déclare à plusieurs reprises que tous les apôtres possédèrent la science gnostique, mais il ne nomme que quatre apôtres: à savoir Pierre, Jacques, Jean et Paul comme l'ayant reçue immédiatement du Seigneur2. De plus, Eusèbe rapporte dans son Histoire ecclésiastique un passage d'un ouvrage perdu de notre docteur qui semble confirmer cette interprétation. « Clément, dit Eusèbe, au VIII livre de «ses Hypotyposes, parle en ces termes de l'apôtre saint Jacques: Après sa résurrection, le Seigneur donna la a science de la gnose à Jacques le juste, à Jean et à « Pierre; ceux-ci la transmirent aux autres apôtres, el « les autres apôtres aux soixante-dix disciples, au nombre desquels était Barnabas 3. »

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Quoi qu'il en soit, Clément témoigne que cette science gnostique s'est transmise oralement depuis Jésus-Christ et les apôtres jusqu'à son temps, et qu'il a été assez heureux pour l'apprendre lui-même des disciples des apôtres.

1 Strom. VI, 15, p. 806.

2 Ibid. I, 1, p. 322, et VI, 8, p. 774.

3 Hist. eccl., liv. II, ch. 1er.

Ε

.༥ Ceux-là, dit-il, après avoir parlé de ses maîtres, conservaient dans sa pureté la tradition de la bienheureuse doctrine qu'ils avaient reçue immédiatement de Pierre, de Jacques, de Jean, de Paul et des saints apôtres, ⚫ comme un fils de son père,-peu de fils, il est vrai, sont semblables à leurs pères;-et ils sont parvenus jusqu'à « nous, par la volonté de Dieu, afin de déposer dans nos cœurs les semences de cette science apostolique. Ils se réjouissent, je n'en puis douter, de voir non pas expo«sés au long, mais simplement indiqués, dans cet écrit, « les enseignements qu'ils nous ont laissés1. »

Clément explique ensuite pourquoi on ne trouvera pas dans ses écrits l'exposition claire et entière de la doctrine traditionnelle qu'il a reçue de ses maîtres. D'une part, ditil, il ne saurait reproduire dans un livre les discours animés d'un esprit tout divin qu'il a été jugé digne d'entendre; d'autre part, bien des choses qu'il avait apprises se sont effacées de sa mémoire; il n'a conservé de plusieurs autres qu'un souvenir confus. Enfin c'est à dessein qu'il s'abstient de révéler certains enseignements, ou ne les donne qu'à mots couverts. « J'ai donc fait un choix de ce que je devais dire, ajoute-t-il, craignant de consigner par écrit ce que je n'aurais même osé confier à un enseignement oral, non par un sentiment d'envie-Dieu m'en garde! mais par prudence; car je devais craindre que mes expressions venant à être prises dans un sens ⚫ contraire par mes lecteurs, je ne parusse, comme dit le proverbe, mettre un glaive aux mains d'un enfant 2. Il ya, en effet, un grave danger à découvrir les mystères. de la vraie philosophie à ceux qui, sans mesure et sans

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