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avec le christianisme; c'était un système dans le goût du temps. Mais ce mysticisme exalté avait un caractère particulier qui le distingue de la théurgie d'Apollonius de Tyane et de la théosophie de Philon et de Plotin.

Les Gnostiques se disaient chrétiens et se rattachaient en effet au christianisme par leur croyance à Jésus, l'éon révélateur et sauveur. Non-seulement ils se disaient chrétiens, mais ils prétendaient même être les seuls véritables disciples de Jésus-Christ. Ils avaient à justifier cette prétention et à démontrer la conformité de leur doctrine fantastique avec l'enseignement du Sauveur. Ils ne reculèrent pas devant cette difficile tâche. Aux catholiques qui leur opposaient l'enseignement contenu dans l'Écriture et la tradition ecclésiastique, les Gnostiques répondirent par une distinction qui équivalait à une négation absolue.

D'un côté, ils admirent en principe que la doctrine du Sauveur était contenue dans la sainte Écriture et la tradition; mais ils se réservèrent, d'un autre côté, comme les hérétiques de tous les temps, le droit de déterminer, de leur propre autorité, quelle était la véritable tradition, l'Écriture vraiment divine et le sens qu'on devait donner à la parole de Dieu. Or, outre la tradition commune, exotérique, de l'Église, il y avait, disaient-ils, une tradition mystérieuse, ésotérique, tradition qu'ils tenaient de quelques apôtres plus capables que les autres de comprendre le véritable enseignement de leur maître1. La tradition commune, la lettre de la sainte Écriture produisaient la foi, partage des natures psychiques; la tradition secrète, le sens allégorique caché sous l'enveloppe des mots et des faits, met

1 Basilides se disait disciple de Glaucias, interprète de saint Pierre, et Valentin prétendait tenir sa doctrine de Theudas, disciple de saint Paul. Strom. VII. 11, p. 898.)

taient en possession de la gnose, apanage exclusivement propre aux natures pneumatiques. Cette distinction leur donnait toute liberté, et leur livrait sans défense le canon des Écritures reçu par l'Église. Ils pouvaient, de par leur science supérieure, le modifier et l'interpréter à leur gré, et selon les exigences de leurs systèmes, fabriquer sans scrupule des évangiles nouveaux, supprimer en tout ou en partie les faits qui ne se laissaient pas plier à leurs interprétations arbitraires, et autoriser du nom de Jésus-Christ ou de quelques-uns de ses apôtres les dogmes les plus contraires à son enseignement.

Telle fut en effet leur méthode. « Les Gnostiques, dit Clément, comme des écoliers pervers qui chassent leurs maîtres, éloignent de leurs églises les prophéties toujours suspectes à leurs yeux, parce qu'ils en craignent les réprimandes et les avertissements 1. La prétendue évidence qui sourit à leur raison particulière, ils la préfèrent constamment aux oracles du Seigneur parlant par la bouche des prophètes, aux vérités de l'Évangile et au témoignage par lequel les apôtres les ont confirmées 2. Lors même qu'ils veulent bien admettre les livres des prophètes, ils ne les admettent pas tous, ni chaque livre dans son intégrité, ni avec le sens que réclament le contexte et l'ensemble de la prophétie. Ils cherchent au contraire quelques termes équivoques, les interprètent selon leurs idées, prennent des mots isolés et ne s'occupent pas du sens des expressions, mais seulement du son matériel tel qu'il se présente 3.

1 Strom. VII, 16, p: 891.

2 Id. ibid., p. 892.

3 Id. ibid., p. 891.-Cf. Strom. III, 4, p. 528: Dicunt enim scriptum esse (Malach., III, 15), Deo restiterunt et salvi facti sunt: illi autem (Gnostici) Deo impudenti addunt.... et hoc ad salutem conferre existimant quod creatori

resistant.

On peut se former une idée de la manière dont ils dénaturaient les expressions de l'Écriture, quand elles ne s'accordaient pas avec leurs systèmes, par l'interprétation que donnait Héracléon, le plus renommé des disciples de Valentin 1, du texte de saint Jean: Tout a été fait par lui, et rien n'a été fait sans lui. Tout a été fait par lui; cela veut dire tout, excepté le monde. Rien n'a été fait sans lui; rien signifie le monde avec tout ce qu'il contient 2. Les chrétiens qui se croyaient le droit de réclamer contre une exégèse si extravagante étaient impitoyablement relégués dans la catégorie des animiques. Ils ne comprenaient pas parce que leur nature les condamnait à la simple foi et ne comportait pas la science 3.

Ainsi la gnose qui par sa nature échappait au contrôle de la raison était pour le même motif indépendante de la foi et supérieure à elle. Tout en maintenant ses prétentions à une origine divine et chrétienne, elle regardait les Écritures et la tradition de l'Église comme une expression incomplète de l'enseignement du Verbe, comme une lettre morte, comme une enveloppe qui, sous le voile des mots, cachait des vérités et des mystères dont le pneumatique seul avait le secret. En dernière analyse, les Gnostiques comprenaient le christianisme comme Philon et la cabale

1 Strom. IV, 9, p. 595.

Omnia per ipsum facta sunt, omnia mundo excepto et quæ in ipso sunt.Et sine eo factum est nihil eorum, scilicet quæ sunt in mundo et creatione. Sans lui a été fait le néant du monde de la création. Héracléon jouait sur les mots et od v. Le jeu de mots ne peut se rendre en français. -Voici une autre interprétation du même Héracléon, conservée comme la précédente par Origène : Quod factum est in ipso vita; in ipso voulait dire, d'après Heracléon, dans les hommes pneumatiques; de sorte qu'il en résultait l'unité essentielle du Verbe et des pneumatiques. (Frag. comment. Heracl. in S. Joann. Evang. apud Massuet. Opp. Irenæ. Appendix, p. 362, 363.)

Ce procédé expéditif est aujourd'hui encore à l'usage de nos adversaires rationalistes et en particulier des mythologues allemands. Pour croire aux miracles, disent-ils, il faut être privé de la faculté critique.

avaient compris le judaïsme, comme Porphyre et Jamblique s'efforcèrent plus tard de faire envisager le polythéisme. L'arrachant violemment à ses bases positives et historiques, ils cherchaient à l'entraîner dans les régions vagues et indéterminées d'une conception métaphysique. particulière, indépendante. A l'autorité du fait et du témoignage, unique base rationnelle possible de toute révélation de Dieu aux hommes, ils substituaient l'autorité du sentiment, de l'illumination directe. Ils arrivaient par ce moyen à transformer une religion positive et divine en un mysticisme religieux se prêtant à toutes les interprétations, se pliant à toutes les directions, admettant toutes les alliances, laissant à l'imagination tous ses caprices, à l'esprit toute son indépendance, au cœur toute sa liberté, et ne formant de ses partisans qu'une association humaine et scientifique.

CHAPITRE III

Les Philosophes païens et les Chrétiens.

Attaquée par les Gnostiques comme inférieure à la science et dépendante d'elle, la foi chrétienne était, avons-nous dit, méprisée et repoussée par les philosophes comme une croyance aveugle et fanatique, dépourvue de base suffisante et incapable de résister à une investigation approfondie. Les Grecs, dit Clément, calomnient la foi, qu'ils regardent comme une opinion vaine et barbare 1. Une secte juive d'origine, composée en grande partie de pauvres, d'ignorants, de femmes et d'esclaves, proposant un Dieu fait homme et crucifié à l'adoration de l'univers, ne pouvait espérer de la science grecque et de l'orgueil romain un accueil favorable 2. Les sages, les lettrés, les hommes de plaisir et de gouvernement ne devaient y voir et n'y virent en effet qu'un fanatisme absurde et ridicule, dont le progrès dangereux pour la sécurité de l'État pouvait réclamer la sévère répression des lois, mais ne méritait assurément pas l'honneur d'un examen préalable. Ils ne soupçonnaient même pas que les chrétiens pussent produire la plus faible raison à l'appui d'une doctrine qui avait pour eux toutes les apparences d'un rêve insensé (μwpixy).

1 Strom. II. 2, p. 432; Strom. 1, 3: Aliqui voluptatibus mancipati, cum non velint credere, omni veneratione dignam irrident veritatem, barbariem ejus habentes ludibrio. Cf. ad Autol. lib. III, initio.

2 Strom. II, 2, p. 431: Fabulam enim existimant qui sibi videntur sapientes quod per hominem Filius Dei loquatur, et Deus habeat filium et ille sit passus: quo fit ut. nimia suî existimatione præoccupati, crederc nolint.

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