Obrazy na stronie
PDF
ePub

en vertu de l'apathie, c'est qu'il ne veut point, dans le parfait chrétien, cette laborieuse tempérance qui précède l'habitude, qui, dit-il selon les sages, n'est point la vertu des

[ocr errors]

dieux, mais des hommes, » c'est-à-dire n'est point la vertu des parfaits mais des faibles, aussi bien que la justice qu'il appelle humaine, « laquelle est bien au-dessous de la sainteté qui est une justice divine 1. » C'est comme s'il disait que le gnostique n'a point les vertus imparfaites, laborieuses, pénibles, et que nulle vertu n'est digne d'un gnostique si l'habitude n'en a ôté le faible des commencements. Mais il y a loin de là à l'absence complète de combat, à l'extinction ou même à la suspension de la concupiscence.

De même, lorsque Clément nous dit que son gnostique ne désire rien, ne craint rien, n'est ému de rien, il ne lui ôte pas tout désir et toute émotion de l'âme. Ce qu'il en exclut c'est l'amour et l'estime des choses fragiles et passagères de ce monde, et les agitations passionnées de crainte, d'espérance, de désir que ces choses soulèvent dans le cœur de l'homme. Et, en effet, il donne pour raison de cette insensibilité relative que celui qui est consommé en charité, et qui a goûté et goûte sans fin et sans satiété les ineffables délices de la contemplation, ne saurait trouver ni attrait ni plaisir dans les humbles et basses jouissances que donnent les choses de ce monde 2. Le gnostique de Clément n'est donc pas réduit à cet état de torpeur dont parle saint Augustin: il agit, il croit, il espère, il prie, il aime, il contemple; mais toutes ses pensées comme toutes ses œuvres ont leur principe, leur règle et leur mobile dans la connaissance et la charité habituelles.

[blocks in formation]

Mais ici les Quiétistes du XVIIe siècle ont soulevé une nouvelle difficulté que nous devons résoudre, avant de tirer nos conclusions sur la nature de la perfection gnostique et les rapports de la morale de Clément avec la morale de Zénon. Il s'agit de savoir comment le docte alexandrin a compris la charité et la part qu'il lui a donnée dans le mérite des vertus chrétiennes.

CHAPITRE VIII

La Gnose et le Stoïcisme. - De l'Amour pur.

L'on sait que la question de la nature de la charité a été vivement débattue entre deux illustres évêques de France au XVIIe siècle. M. Gosselin, qui a analysé avec l'érudition et la clarté qui lui sont habituelles, cette importante controverse, est d'avis que le Quiétisme ne saurait être confondu avec la doctrine du pur amour de Fénelon, et que cette doctrine est précisément celle que le plus grand nombre des théologiens a toujours soutenue sur cette matière : Fénelon, ajoute le savant et judicieux prêtre de SaintSulpice, ne faisait qu'exprimer leur doctrine commune, lorsqu'il disait en 1710, à M. de Ramsay: L'Église n'a point condamné le pur amour en condamnant mon livre (des Maximes); cette doctrine est enseignée dans toutes les écoles catholiques; mais les termes dont je m'étais servi n'étaient pas propres pour un ouvrage dogmatique. Il est donc permis aujourd'hui, comme avant la condamnation du livre des Maximes, de soutenir non seulement la pos⚫sibilité et l'obligation des actes de pur amour, mais encore la possibilité d'un état habituel de pur amour, dans lequel ⚫on aime habituellement Dieu pour lui-même, quoiqu'on y produise de temps en temps des actes d'espérance et des autres vertus distinguées de la charité. Cet état habituel n'est autre chose que l'habitude de la charité, que

[ocr errors]
[ocr errors]

les théologiens reconnaissent non-seulement possible, << mais réelle dans tous les fidèles en état de grâce. On

[ocr errors]

peut même aller plus loin, et admettre, en cette vie, un état habituel de pur amour, dans lequel tous les << actes des autres vertus, même les actes d'espérance, << sont produits par le commandement et par le motif de « la charité, ou de la plus grande gloire de Dieu. Tel paraît être le sens naturel du XIIIe article d'Issy, auquel « Bossuet lui-même ne put s'empêcher de souscrire: Dans la vie et l'oraison la plus parfaite, tous les actes « des vertus chrétiennes sont unis dans la seule charité, en tant qu'elle anime toutes les vertus et en commande l'exercice. L'erreur sur cette matière consisterait uniquement à croire qu'il est permis de faire des actes de pur amour, dans lesquels on renonce formellement aut désir de la béatitude; ou qu'il y a en cette vie un étal « habituel de pur amour, dans lequel la crainte des châ«timents et le désir des récompenses n'ont plus de part1.»

[ocr errors]

Ú

Fénelon invoquait à l'appui de sa théorie du pur amour l'enseignement de Clément d'Alexandrie; et quoique Bossuet ait cherché à lui enlever cette autorité en interprétant la doctrine de notre docteur dans le sens de son opinion particulière sur la charité, nous croyons que l'archevêque de Cambrai était fondé dans sa prétention.

Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner ce que dit Clément, tant sur la nature que sur l'acte et l'habitude de la charité.

Voici d'abord comment il s'exprime sur la nature de la charité : « Les hommes vraiment courageux ne supportent << pas, comme les autres, de moindres maux pour en évi'er

1 Hist. litt. de Fenelon.-Analyse de la Controv. du Quietisme, art. III. $ 1, p. 129.

[ocr errors][merged small]

6

de plus grands; ils ne persévèrent pas non plus dans leur vocation par crainte d'être blàmés de ceux qui partagent leur condition et leurs croyances; mais ils obéissent volontiers à leur vocation par amour envers Dieu ne se proposant d'autre fin que de lui plaire, sans regard à la récompense de leurs travaux... La charité est à elle-même sa fin et ne se doit pas rapporter à autre chose 1.

[ocr errors]

«La charité, dit encore Clément, n'est pas, dans celui qui aime, un désir, mais une union de bienveillance 2. » Cette définition de la charité est parfaitement conforme à celle que les premiers éléments du christianisme apprennent à tous les fidèles, à savoir que la charité est une vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toutes choses, et le prochain comme nous-même pour l'amour de Dieu. Pour expliquer cette définition, dit le savant auteur de l'Histoire littéraire de Fénelon, les théologiens enseignent communément que la charité, considérée dans sa « nature et dans l'acte qui lui est propre, a tout à la fois pour objet et pour motif la bonté ou la perfection infinie de Dieu considérée en elle-même, et sans aucun rapport à notre béatitude; d'où ils concluent que le motif propre ou spécifique de la charité est la bonté absolue de Dieu, comme celui de l'espérance est la bonté de Dieu relative à nous. Cette doctrine leur paraît solidement établie, non-seulement par la tradition constante et par l'enseiguement public de l'Église, mais par l'autorité même « des livres saints, qui nous obligent à aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, c'està-dire à tout rapporter à Dieu comme à notre fin der

1 Strom. VII, 11. p. 872 : H′ di dyány ajen di' abtyy xipety, nu du ädlo ti. Ibid. VI, 9, p. 776.

« PoprzedniaDalej »