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dans la foi. Clément en conclut que les actions des infidèles sont des péchés. « Ceux qui n'ont pas la science de la foi (un voorzol), dit-il, produisent quelquefois des actes « bons en eux-mêmes, mais non d'une manière conforme « au Verbe (zarà Aójov)... Ils n'agissent ni pour le même motif ni avec la même intention que le gnostique,

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quand ils livreraient leur corps au martyre. Car, comme «<le dit l'Apôtre, ils n'ont pas la charité qui procède de la «gnose. Ainsi toute action faite avec science (èñtýyn) est bonne; toute action produite sans science est mauvaise.

quels que soient le courage et la persévérance de l'agent « à l'accomplir. Car son courage n'est pas formellement « raisonnable, et son acte courageux n'a pas pour fin l'un << des moyens qui mènent à la vertu et des biens qui en « sont le fruit. Il en est de même des autres vertus morales «<et des vertus qui ont la religion pour objet1. Toute ac«tion d'un infidèle, dit plus explicitement encore le doc«<teur alexandrin, est péché. Car les Écritures enseignent

qu'il ne suffit pas de faire le bien en soi, mais qu'il est « nécessaire de se proposer une fin de ses actions et de « les accomplir d'une manière raisonnable 2. »

Quel est le sens précis de ces paroles? Faut-il les entendre d'une manière absolue et croire que le docteur alexandrin enseigne que les infidèles sont dans l'impuissance de produire un acte moralement bon? Cette interprétation ne nous paraît pas conforme à sa pensée.

Observons d'abord que les expressions employées par Clément ne lui sont pas particulières: il les avait empruntées à saint Paul, et il est remarquable que saint Augustin.

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s'appuyant, trois siècles après, sur l'autorité du grand Apôtre, tenait aux Pélagiens le même langage. « Qu'on exalte « autant que l'on voudra, disait le Docteur de la gràce, les « œuvres des infidèles, nous savons que la parole de l'Apôtre est vraie et invincible: Tout ce qui ne vient pas de la foi est péché 1. » Traitant le même sujet dans sa réfutation de Julien, l'évêque d'Hippone dit encore : « Les « bonnes œuvres que font les infidèles ne leur appartien«nent pas, mais à celui qui tire le bien du mal. Ils n'ont « en propre que les péchés qu'ils commettent en faisant <mal ce qui est bien, parce qu'ils le font non avec foi mais avec infidélité, c'est-à-dire avec une folle et pernicieuse volonté volonté telle, que, suivant le témoignage formel du Christ, elle est cet arbre mauvais qui « ne peut produire que de mauvais fruits, c'est-à-dire des péchés. Car, bon gré mal gré, tout ce qui ne vient pas de la foi est péché 2.

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On le voit, nous retrouvons dans saint Augustin les expressions mêmes de Clément d'Alexandrie, et l'un et l'autre ne font que répéter et interpréter les paroles de saint Paul. Or, le sens de ces paroles n'est pas que les infidèles ne puissent faire des œuvres naturellement bonnes et que sans la foi l'homme soit nécessairement condamné à commettre le mal; mais, pour nous servir des termes de saint Thomas, l'Apôtre et ses commentateurs veulent dire

que les

1 Aug., De Gestis Pelag., c XVI, § 34: Quantumlibet opera infidelium prædicentur, Apostoli sententiam veram novimus et invictam : Omne quod non est ex fide, peccatum est.

Ibid., lib. IV, Cont. Jul. Pelag., c. III, § 32: Ex quo colligitur etiam ipsa opera quæ facient infideles, non ipsorum esse sed illius qui bene utitur malis. Ipsorum autem esse peccata quibus et bona malefaciunt; quia ea non fideli, sed infideli, hoc est, stulta et noxia faciunt voluntate: qualis volunlas, nullo Christo dubitante, arbor est mala, quæ facere non potest, nisi fructus malos, id est, sola peccata. Omne enim, velis, nolis, quod non est ex fide,

peccatum est.

infidèles ne peuvent faire des actions bonnes dans l'ordre ■ de la gràce, c'est-à-dire des œuvres méritoires 1. »

Que ce soit là en effet la doctrine de Clément, plusieurs passages de ses écrits ne permettent pas d'en douter. Nous n'en citerons qu'un seul. Au premier livre de ses Stromates, voulant prouver la nécessité de la foi pour le salut, le docteur alexandrin suppose que ceux qui en manquent peuvent quelquefois pratiquer le bien. «Mais, ajoute-t-il

après saint Paul, ce n'est pas par ses œuvres, c'est par « sa foi qu'Abraham a été justifié. Donc les bonnes œuvres qu'ils peuvent faire maintenant (κἂν ἐνεργῶς ὦσι νῦν) ne leur serviront de rien après cette vie s'ils n'ont pas la « foi 2. Évidemment ce n'est pas la bonté morale mais le mérite dans l'ordre du salut qui est refusé ici aux œuvres des infidèles. Nous avons vu ailleurs que Clément accorde à la philosophie grecque une influence salutaire sur les mœurs, qu'il parle avec éloge des vertus de plusieurs sages païens, preuve incontestable qu'il ne supposait pas que tout, doctrine et œuvres, fùt nécessairement mauvais en dehors de la foi 3.

La vraie pensée de Clément sur ce point n'est donc pas douteuse. Il faut reconnaître néanmoins qu'elle n'est pas nettement formulée. Cette obscurité provient de la confusion qui se rencontre assez fréquemment dans ses paroles beaucoup plus que dans sa doctrine, de l'ordre naturel avec l'ordre surnaturel. Ainsi, par exemple, comme nous l'avons déjà remarqué, le mot λóycę a, dans Clément, des significations très-différentes. Il exprime à la fois le Verbe qui éclaire tout homme venant en ce monde, et

1 D. Th., 22, 9, 10. ar. 4. Non posse operari bona opera, quæ sunt ex gratia, scilicet opera meritoria: tamen bona, ad quæ sufficit bonum naturæ, æqualiter operari posse.

2 Strom. I, 7, p. 338. 3 Ibid. 'I, 17, p. 824.

le Verbe qui éclaire l'homme par la révélation proprement dite et d'une manière surnaturelle; la raison dans l'homme connaissant Dieu naturellement et la raison dans l'homme le connaissant par la foi. Pour saisir sa véritable pensée, il faut savoir tenir compte de ces diverses acceptions dans lesquelles il prend le mot Verbe ou Raison. Lorsqu'il dit dans le texte qui nous occupe que l'action d'un infidèle est péché parce qu'elle n'est pas faite conformément au logos, il n'entend pas qu'elle soit absolument contraire à la raison, mais simplement qu'elle n'est pas faite conformément à la raison éclairée par la foi, ou si l'on veut au Verbe révélateur. Car sans la foi il n'y a pas de charité même initielle, et sans la charité une œuvre, quelque bonne qu'elle soit d'ailleurs, n'a aucun mérite dans l'ordre du salut.

Ces observations nous semblent suffisantes pour montrer fes différences essentielles qui distinguent la doctrine de Clément, relativement au rôle de la connaissance dans l'acte vertueux et au mérite des diverses espèces d'action, du système de l'école stoïcienne. S'en rapproche-t-il davantage par sa théorie de l'apathie morale?

CHAPITRE VII

La Gnose et le Stoicisme.-De l'Apathie.

Saint Augustin traitant de l'apathie dans son incomparable Cité de Dieu en parle en ces termes : «L'état de l'âme que les Grecs appellent apathie et que nous pourrions traduire en latin par impassibilité, entendu en ce sens qu'il exclut de la vie les affections qui se produisent ⚫ contrairement à la raison et troublent l'esprit, est un état • assurément très-bon et très-désirable, mais il n'est pas de ce monde. Car ce ne sont pas des hommes ordinaires, « ce sont les hommes les plus pieux, les plus justes, les plus saints qui nous crient tous d'une voix: Si nous pré« tendons être exempts de tout péché, nous nous séduisons ◄ nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous. Cette espèce

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1 Lib. XIV, c. 1x : Illa quæ żzz9:íz græce dicitur, quæ si latine posset, impassibilitas diceretur, sic intelligenda est in animo quippe non in corpore accipitur, ut sine his affectionibus vivatur quæ contra rationem accidunt mentemque perturbant, bona plane, et maxime optanda est, sed nec ipsa hujus est vitæ. Non enim qualiumcumque hominum vox est, sed maxime piorum, multumque justorum atque sanctorum: si dixerimus quoniam peccatum non habemus, nos ipsos seducimus, et veritas in nobis non est. Tunc itaque a9ziz ista erit, quando peccatum in homine nullum erit. Nunc autem satis bene vivitur, si sine crimine: sine peccato autem qui se vivere existimat, non id agit, ut peccatum non habeat. Porro si zna9eiz ista dicenda est, cum animum contingere omnino non potest ullus affectus, quis hunc stuporem non omnibus vitiis judicat esse pejorem? Potest ergo non absurde dici perfectam beatitudinem sine stimulo timoris, et sine ulla tristitia futuram : non ibi autem futurum amorem, gaudiumque quis dixerit, nisi omni modo a veritate seclusus? Si autem ànz9siz illa est, ubi nec metus ullus exterret, nec angit dolor, aversanda est in hac vita, si recte, hoc est, secundum Deum vivere volumus in illa vero beata, quæ sempiterna promittitur, plane speranda est.

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