Obrazy na stronie
PDF
ePub

illusion sur l'importance d'une religion capable de produire des vertus si extraordinaires. La conduite des chrétiens excita au plus haut point leur curiosité, et ils voulurent connaître de plus près ce qu'ils s'étaient contentés jusque-là de mépriser comme une superstition absurde et une révolte populaire. Ce changement remarquable dans les dispositions des savants et des philosophes de profession à l'égard du christianisme se manifeste d'une manière frappante dans l'Epitre à Diognète. Ce dernier, qui appartenait aux premiers rangs de la société 1, et qui probablement vivait à l'époque du règne de Trajan, adresse à un disciple des apôtres les questions suivantes : « Quel est donc le Dieu

[ocr errors]
[ocr errors]

2

que les chrétiens adorent avec tant de confiance, qu'ils méprisent le monde, bravent la mort et s'aiment si tendrement entre eux 3? Pourquoi ne reconnaissent-ils pas « les dieux des Grecs et rejettent-ils les superstitions des Juifs? Le doute que ces questions supposent était un résultat immense obtenu par le christianisme. Après un siècle d'indifférence et de mépris, la science grecque commençait à s'émouvoir. Les penseurs se décidaient enfin à regarder les chrétiens comme des adversaires sérieux, et à chercher dans leur symbole, leur doctrine et leur culte, le secret d'une propagation et d'une vie qui leur paraissaient une énigme inexplicable. Les chrétiens allèrent au-devant de cette discussion; ils présentèrent leurs livres sacrés et leurs Évangiles, persuadés qu'ils ne pouvaient que gagner à être connus. Ils ne se trompaient point.

A peine les philosophes eurent-ils commencé cet examen, qu'il leur fut impossible de se méprendre sur le ca

L'auteur de l'épître lui donne le titre distingué de parctOS.

200 ξένα ὁμιλῶ... ἀλλὰ ἀποστόλων γενόμενος μαθητής, γίνομαι διδάσκαλος ἐθνῶν. S. Just. Oper. Epist. ad Diogn., c. 11, p. 239, E.

3 Id. ibid., p. 233.

ractère de la révolution toute pacifique, mais toute puissante, opérée par la foi chrétienne. Ils comprirent bien vite qu'il s'agissait d'une doctrine sérieuse, élevée, complète, d'une doctrine qui méritait d'être approfondie, qu'on voulût la rejeter et la combattre, ou l'adopter et la défendre. Aussi, à dater de cette époque, c'est-à-dire dès la fin dù règne de Trajan, la philosophie prit-elle une part active dans la lutte terrible dont elle s'était contentée de rester spectatrice dédaigneuse et indifférente. D'une part, elle suscita, il est vrai, des embarras de tout genre au christianisme naissant ; elle mit au service de l'antique civilisation menacée les idées et les savantes théories de ses grands hommes; elle chercha à justifier les violences atroces du gouvernement protecteur de l'Olympe, accrédita les calomnies de la foule, déversa le ridicule sur les dogmes d'une religion étrangère et barbare, qui faisait, disait-elle, outrage à la raison, et ne se propageait qu'au sein des pauvres, des ignorants et des esclaves; en un mot, elle s'efforça de présenter les chrétiens comme une horde de barbares qui menaçaient également la science et l'empire, la civilisation et la tranquillité publique. Mais, d'un autre côté, on ne doit pas le méconnaître, en préparant des dangers nouveaux, en créant de nouveaux obstacles à la propagation de l'Evangile, la philosophie lui apporta une force nouvelle et de nouveaux secours. Grâce à son intervention, la lutte ne se livra plus seulement sur l'arène sanglante, entre la hache du bourreau et la constance du martyr; elle fut transportée dans des régions plus hautes et plus sereines, dans le champ des idées et de la discussion rationnelle. Ce fut la philosophie elle-même qui fournit à sa redoutable rivale, en même temps que l'occasion du combat, les athlètes exercés qui devaient le soutenir. Tels furent, pendant le cours seule

ment du siècle, sous Adrien, Quadratus, disciple des apôtres et évêque d'Athènes; Aristide, philosophe athénien, qui embrassa la foi chrétienne sans quitter le manteau de sa première profession; sous Marc-Aurèle, Méliton, évêque de Sardes; Claude Apollinaire d'Hiéraple, et Miltiade; enfin, Justin, martyr et philosophe, Tatien, son disciple, Athénagore, Théophile d'Antioche et Hermias, dont les apologies sont parvenues jusqu'à nous. Après les actes de ses martyrs, l'Église n'a rien dont elle puisse plus justement s'enorgueillir que ces admirables monuments où la foi, la charité et le plus intrépide courage s'unissent à la raison, à l'érudition la plus immense et à l'éloquence la plus entraînante, pour plaider la cause des premiers chrétiens devant le tribunal des Césars. A peine éclairés par la lumière de l'Évangile, ils ne craignirent pas d'en prendre la défense, de répondre à l'appel de la science grecque, aux préjugés du passé, aux accusations d'unc politique ombrageuse et violente. Comme il n'existait pas pour les chrétiens et les païens d'autorité communément reconnue, les apologistes descendirent résolûment sur le terrain d'où partaient les agressions, et, à l'aide de la dialectique dont ils connaissaient tous les secrets, ils montrèrent l'accord de leur foi avec la saine philosophie, firent justice des absurdités du paganisme, mirent à nu ses odieux mystères, et forcèrent leurs adversaires à rougir de cette civilisation dont ils étaient si fiers.

Dès ce moment, la philosophie se trouva engagée dans les controverses religieuses; la science grecque pouvant offrir des secours ou opposer des obstacles à la propagation de l'Évangile, les chrétiens n'y demeurèrent plus indifférents; ils s'en emparèrent et s'en servirent comme d'une arme devenue nécessaire pour repousser les attaques

de leurs ennemis. Cette nécessité devint d'autant plus 'pressante, que les philosophes avaient trouvé, dans leur lutte contre l'Église naissante, des auxiliaires redoutables parmi des hommes qui se disaient chrétiens. Nous voulons parler des Gnostiques.

CHAPITRE II

Les Gnostiques et l'Église.

Avant d'entrer dans l'Église avec les apologistes, la philosophie avait cherché à y pénétrer avec les Gnostiques par une voie illégitime et ouverte à toutes les erreurs.

Les livres du Nouveau Testament désignent sous le nom de gnose (viç), en opposition avec le mot foi (riotis), une science approfondie des Écritures 1, qui, sans se contenter des faits historiques et de la simple exposition des dogmes par l'enseignement ecclésiastique (prædicatio Ecclesia), développe les idées, remonte aux principes et cherche à sonder les profondeurs de la philosophie religieuse du christianisme.

S'autorisant peut-être de cette distinction, et entraînés d'ailleurs par l'exaltation mystique dont le Juif Philon avait donné l'exemple, des esprits téméraires et aventureux prétendirent à une science plus profonde que celle du commun des chrétiens; mêlant à la parole révélée des idées empruntées à la philosophie grecque et aux traditions orientales, ils cherchèrent à propager dans le sein de l'Église une espèce de doctrine mystérieuse, ou ésotérique, en opposition avec l'enseignement historique et traditionnel.

I ad Corinth. VIII, 1, 7; XII, 8. — II Petr. III, 16.- Act. XXVI, 3.

« PoprzedniaDalej »