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M. Silvain,

Sublime.

difoit à Camille fa maîtreffe, qui, pour le retenir, faifoit valoir fon amour :

Avant que d'être à vous, je fuis à mon pays.

Augufte ayant découvert la conjuration que Cinna avoit formée contre fa vie, & l'ayant convaincu de cette trahison, lui dit:

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie.

Voilà des fentimens fublimes: la reine étoit au-deffus de la crainte, Curiace au-deffus de l'amour, Augufte au-deffus de la vengeance, & tous trois ils étoient au-deffus des paffions & des vertus communes.

Il ne faut pas confondre le Sublime avec le ftyle fublime: celui-ci confifte dans une Traitédu fuite d'idées nobles exprimées noblement, au lieu que le Sublime eft un trait extraor dinaire, merveilleux, qui enleve, ravit, transporte. Le style fublime veut toutes les figures de l'éloquence, le Sublime se peut trouver dans un feul mot. Une chose peut être décrite dans le ftyle fublime, & n'être pourtant pas fublime, c'eft-à-dire n'avoir rien qui éleve nos ames: ce font de grands objets & des fentimens extraordinaires qui caractérisent le Sublime. Voyez STYLE fublime.

L'on ne doit pas non plus confondre le Sublime avec le grand. L'expreffion d'une grandeur extraordinaire fait le Sublime, & l'expreffion d'une grandeur ordinaire fait le grand. Il eft bien vrai que la grandeur ordinaire du difcours donne beaucoup de plaifir, mais le Sublime ne plaît pas fimplement,

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Il ravit. Ce qui fait le grand dans le difcours
a plufieurs degrés ; mais ce qui fait le Su
blime n'en a qu'un. Une comparaifon éclair-
cira cette idée. Un roi, qui, par une ma-
gnificence bien étendue & fans fafte, fait un
noble ufage de fes richesses, montre de la
grandeur dans cette conduite. S'il étend cette
magnificence fur les perfonnes de mérite,
çela eft encore plus grand. S'il répand de
préférence fes libéralités fur les gens de mé-
rite malheureux, c'eft un nouveau degré de
grandeur & de vertu. Mais s'il porte la gé-
nérofité jufqu'à fe dépouiller quelquefois fans
imprudence, jufqu'à ne fe réferver que l'ef-
pérance comme Alexandre, ou jufqu'à re-
garder comme perdus tous les jours qu'il a
paffés fans faire du bien; voilà des mouve-
mens fublimes qui me raviffent & me tranf-
portent, & qui font les feuls dont l'expreffion
puiffe faire dans le difcours le Sublime des
fentimens.

Le difcours de Caton dans lequel ce ftoï-
que ennemi des fables dédaigne d'aller au
temple de Jupiter Hammon, eft plein de
grandeur & d'éloquence. Il est tiré de la
Pharfale de Lucain, & nous l'avons cité au
mot ÉPOPÉE.

Ce paffage d'un pfeaume eft du vrai Sublime: » La mer vit la puiffance de l'Eter- Pf. 113. »nel, & elle s'enfuit. Il jette fes regards, » & les nations font diffipées. » Que la lumiere foit, & la lumiere fut, eft encore du vrai Sublime. Cependant, pour rendre encore plus fenfible la différence du grand & du fublime, j'alléguerai deux exemples, où l'un & l'autre fe trouvent réunis dans le

même difcours. La tragédie de Cinna me fournira le premier exemple, & celle de Sertorius le fecond.

Dans la tragédie de Cinna, Maxime, qui vouloit fuir le danger, ayant témoigné de l'amour à Emilie, qu'il tâche d'engager à fuir avec lui, Emilie lui parle ainfi :

Quoi ! tu m'ofes aimer, & tu n'ofes mourir? Tu prétends un peu trop; mais quoi que tu pré tendes,

Rends,toi digne du moins de ce que tu demandes
Ceffe de fuir en lâche un glorieux trépas,
Ou de m'offrir un cœur que tu fais voir si bas
Fais que je porte envie à ta vertu parfaite;
Ne te pouvant aimer, fais que je te regrette.
Montre d'un vrai Romain la derniere vigueur,
Et mérite mes pleurs, au défaut de mon cœur.

Le premier vers eft fublime, & les autres, quoique pleins de grandeur, ne font point du genre fublime."

Dans la tragedie de Sertorius, la reine Viriate parle à Sertorius qui refufoit de l'époufer, parce qu'il s'en croyoit indigne par fa naiffance, & qui cependant la vouloit donner à Perpenna; &, fur ce qu'il difoit qu'il ne vouloit que le nom de Créature de la reine, elle lui répond :

Si vous prenez ce titre, agiffez moins en maître, Ou m'apprenez du moins, Seigneur, par quelle

loi

Vous n'ofez m'accepter; & difpofez de moi. Accordez le respect que mon thrône vous donne Avec cet attentat fur ma propre perfonne;

oir toute mon eftime, & n'en pas mieux ufer Ç'en eft un qu'aucun art ne fçauroit déguiser.

Tout cela eft beau, tout cela eft grand & noble, fi je ne me trompe; mais quand elle vient à dire immédiatement après :

Puifque vous le voulez, foyez ma créature;
Et, me laiffant en Reine ordonner de vos vœux;
Portez-les jufqu'à moi, parce que je le veux.

Ces trois derniers vers font fi fublimes & élevent l'ame fi haut, que les autres, tout grands qu'ils font, paroiffent perdre leut beauté; de forte qu'on peut dire que le grand difparoît à la vue du fublime, comme les aftres difparoiffent à la vue du foleil.

Cette différence du grand & du fublime me femble certaine : elle eft dans la nature, & nous la fentons. De donner des marques & des régles pour faire cette diftinction, c'eft ce que je n'entreprendrai pas, parce que c'eft une chofe de fentiment; ceux qui l'ont jufte & délicat feront cette diffé rence. Difons feulement que tout discours qui éleve l'ame avec admiration au-deffus de fes idées ordinaires de grandeur, & qui lui donne une plus haute opinion d'elle-même, eft fublime; & que tout difcours qui n'a ni ces qualités, ni ces effets, n'eft pas sublime quoiqu'il ait d'ailleurs une grande nobleffe, Voyez ELOCUTION.

SUBLIME, (genre) un des trois genres. on caracteres d'éloquence: les deux autres font le fimple & le tempéré. Nous avons

traité de ces trois genres différens, dans l'article ELOQUENCE.

SUBLIME. (fyle) Dans l'art oratoire, c'est le ftyle dont on doit fe fervir pour re→ muer les paffions & entraîner les cœurs, Nous en avons parlé ailleurs. Voyez STYLE

fublime.

SUBLIMES. (penfées) Voyez, dans l'article PENSÉES, ce qui concerne celles qui font fublimes.

SUJET D'UN OUVRAGE. Ce mot n'a pas befoin de définition; il feroit même ridicule de vouloir lui en donner une.

Comme c'eft du Sujet que dépend prin cipalement le mérite & l'intérêt d'un ouvrage, les Auteurs ne fçauroient apporter trop de foins dans le choix qu'ils doivent faire. S'ils veulent faire un ouvrage durable, ils doivent choifir un Sujet intéreffant, c'eft-à-dire un Sujet qui affecte or rien ne nous affecte long-tems que le vrai. La premiere régle, en conféquence, eft de choisir un Sujet qui foit vrai dans tous les tems & Dife. pour tous les hommes. La vérité, dans ce prononcé fens, n'eft autre chose que la réalité dans Ac. les faits, dans les principes, & dans les cy, par reffemblances : réalité dans les faits, fondée M. Se- fur la certitude des témoignages; réalité

de Nan

zati.

dans les principes, fondée fur l'évidence du raifonnement; réalité dans les reffemblances, fondée fur l'exactitude de l'imitation. La premiere produit la vérité dans l'hiftoire; la feconde produit la vérité dans les fciences; & la troifieme produit la vétité dans les ouvrages d'imagination & dans les beaux arts.

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