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faire connoître la legéreté d'efprit d'An

toine.

» Etant arrivé, dit-il, environ deux Philip » heures avant la nuit, à une demi-lieue pique II, » de Rome, il fe jetta dans un méchant "77. » cabaret, où il but en cachette jufqu'au » foir; & s'étant déguifé, il entre brufque» ment dans (a) Rome, & vient heurter à » fon logis. Le portier demande qui c'eft? » C'eft, répond-il, un courier dépêché » par Antoine, qui apporte des lettres. On » le mene à Fulvie : il lui rend une lettre : » elle l'ouvre; elle eft attendrie en la li» fant, car elle étoit conçue en termes » paffionnés. Antoine y commençoit par » des proteftations d'un amour éternel pour » Fulvie, à laquelle il promettoit de n'a» voir jamais d'attachement que pour elle, » & d'abandonner pour toujours fa comé»dienne. Fulvie pleuroit en lifant ces dou» ceurs ; & cet homme plein de pitié, touché des larmes de fa femme, fe dé» couvre & fe jette à fon cou. »

Quel naturel dans la defcription de cette mascarade! Ce ne font ni les figures ni les expreffions fingulieres qui en font l'agrément; mais cette agréable fimplicité qui charme bien davantage que tout ce qu'on peut imaginer de plus recherché.

Au refte, cette fimplicité de Style n'est pas tellement affectée à l'exorde & à la narration, qu'il faille généralement condamner tout exorde ou tout récit dans lesquels

(a) Sur une espece de chariot.

D. de Litt. T. III. Part. I. Kk

elle ne domineroit pas. Il eft des circonftances où le début doit être grand, magnifique & véhément; des récits où la nature même du fujet exige des mouvemens, & fournit des figures hardies. C'est donc à l'Orateur de mettre la fimplicité où elle convient; cela dépend de fon difcernement. Quelquefois même le Style fimple n'eft pas incompatible avec les idées fublimes, celles-ci ayant par elles-mêmes un certain éclat, une grandeur que les ornemens ne feroient qu'obfcurcir, qu'ils rendroient foiblement, à laquelle du moins ils n'ajoûteroient rien. Telle eft cette pensée Chap. 1. fublime de la Genèfe, dont Longin même a fenti le merveilleux : Dieu dit que la lumiere foit, & la lumiere fut. Les paroles de cette penfée n'ont rien qui éblouiffe; c'eft la hauteur & la majefté feule de la chofe qui frape & qui étonne. Ainfi il faut Toigneufement diftinguer un fublime de chofes & un fublime d'expreffions, & le Style fublime d'avec le fublime ou le merveilleux. Voyez SUBLIME.

STYLE SUBLIME. Ce Style ne confifte pas à employer de grands mots, des termes empoules; mais à peindre avec force, avec véhémence, par le moyen des expreffions nobles, des grandes figures, & de tout ce que le langage a de plus relevé, pour repréfenter vivement les objets & pour remuer les paffions: d'où il fuit que le Style fublime n'eft autre chofe que la maniere de s'exprimer avec nobleffe & avec énergie, fondée fur la vérité & la majefté des penfées, & fur la grandeur des fenti

mens. Le fublime des choses peut bien être exprimé avec fimplicité; mais le fublime des expreffions fuppofe toujours celui des pensées ou des fentimens dont il contracte, pour ainfi dire, fa premiere teinture.

Il exige, comme le Style fimple, la clarté & la pureté du langage; car, en quelque genre qu'on écrive, il n'eft jamais permis d'être obfcur ni incorrect; mais il admet de plus l'énergie des expreffions, la force des épithètes, la hardieffe des figures, da pompe & l'harmonie des termes. Le fublime peut réfulter d'une de ces chofes, ou de toutes prifes enfemble; quelquefois il réfide dans un trait court & vif, quelquefois même dans le filence. Voyez SU

BLIME.

Le Style fublime fuppofe néceffairement trois chofes 1° la grandeur & la nobleffe du fujet für lequel l'Orateur doit parler; 2° une certaine élévation d'efprit qui nous fait penfer heureusement les chofes; 3° une force de fentiment, une véhémence naturelle qui touche & qui tranfporte. De ces trois chofes, les deux dernieres doivent naître en nous & dépendent de la nature; la premiere eft dans les objets, indépen damment. des régles de l'art. Ce qui eft de leur reffort, c'eft la connoiffance des figures & leur ufage, le choix & la nobleffe de l'expreffion, la compofition & l'arrangement des paroles dans toute leur magnificence & leur dignité. Voici quelques traits dans chacun de ces genres.

Hift.

Sublime dans les chofes. M. Boffuet parle ainfi de l'idolatrie : « Tout étoit Dieu, ex- ww verf.

» cepté Dieu lui-même; & le monde, que » Dieu avoit fait pour manifefter fa puif» fance, fembloit être devenu un temple » d'idoles. >>

Un de nos Poëtes peint ainfi la toutepuiffance & la grandeur du vrai Dieu :

Racine, Aufeul fon de fa voix, la mer fuit, le ciel tremble; dans Ef- Il voit comme un néant tout l'Univers ensemble; Et les foibles Mortels, vains jouets du trépas, fc. 3 Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoient

ther 2

acte 1.

pas.

Tel eft encore ce début d'un autre de nos grands Poëtes, dans une ode facrée :

Rouff. Qu'aux accens de ma voix la terre se réveille : Ode fur Rois, foyez attentifs; Peuples, ouvrez l'oreille; le pf.48. Que l'Univers fe taife & m'écoute parler :

Mes chants vont feconder les accords de ma lyre; L'Efprit-Saint me pénetre; il m'échauffe; il m'infpire

Les grandes vérités que je vais révéler.

Dans tous ces morceaux le fublime d'expreffion naît & coule naturellement de celui des chofes. L'Ecriture fainte eft la fource la plus abondante de cette efpece de fublime.

Sublime dans les penfées. Homere, dans fa description du combat des dieux, emploie des pensées grandes & merveilleuses:

L'enfer s'émeut au bruit de Neptune en furie, &c. Nous avons cité ce bel endroit de l'Iliade au mot SUBLIME.

1

Ce que le même Poëte fait dire à Ajax n'eft pas moins grand. Jupiter, pour favorifer les Troyens, avoit couvert tout d'un coup l'armée des Grecs d'une épaiffe obfcu rité. Ce héros s'écrie:

Grand dieu ! chasse la nuit qui nous couvre les Iliade,

yeux,

Et combats contre nous à la clarté des cieux.

Un Poëte moderne, qui a choifi Homere & Virgile pour fes modèles, exprime bien noblement l'idée que les Ligueurs avoient de la valeur de Henri IV:

Il marche. Cependant la ville criminelle
Le croit toujours présent, prêt à fondre fur elle;
Et fon nom, qui du thrône eft le plus ferme appui,
Semoit encor la crainte, & combattoit pour lui.

liv. 17.

Henriade, ch.1.

Sublime de fentiment. Nous en avons déja cité plufieurs exemples dans l'article PASSIONS, & dans l'article SUBLIME; nous n'en ajoûterons ici qu'un feul, tiré de Tite- Lib. 23, Live.« Soutiendrez-vous feul le regard d'An- n. 9. »nibal, dit Pacuvius à fon fils, qui vouloit affaffiner ce Général Carthaginois ? » Sou» tiendrez-vous ce regard formidable, que ne » peuvent foutenir des armées entieres, qui » fait trembler le peuple Romain? »

Sublime qui naît des figures. Toutes les figures ne produifent pas le fublime. Mais en général, celles qui font les plus propres à donner au difcours de la véhémence & de l'énergie, font les images, les defcriptions & l'interrogation. On en trouvera des

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