Obrazy na stronie
PDF
ePub

leurs travaux. Leurs pièces, à peine sorties de leurs mains, ont été presque aussitôt chantées que composées. Tout a été reçu sans examen ou avec un examen très-superficiel; et ce n'a été qu'après l'impression, sans en avoir fait l'essai, et qu'après les avoir autorisées par un usage public, qu'on s'est aperçu de leurs défauts, mais trop tard et lorsqu'il n'était plus temps d'y remédier.

<<< On vit alors avec regret, ou qu'on s'était trompé dans le choix des compositeurs de chant, ou qu'on les avait trop pressés. On ne put se dissimuler les défauts sans nombre, et souvent grossiers, d'ouvrages qui naturellement devaient plaire par l'agrément de leur nouveauté, et qui n'avaient pas même ce médiocre avantage.

<< Qui pourrait tenir, en effet, contre des fautes aussi lourdes et aussi révoltantes que celles dont ils sont remplis pour la plupart? Je veux dire des fautes de quantité, surtout dans le chant des hymnes; des phrases confondues par la teneur et la liaison du chant, qui auraient dû être distinguées, et qui le sont par le sens naturel du texte ; d'autres mal à propos coupées; d'autres aussi mal à propos suspendues; des chants absolument contraires à l'esprit des paroles, graves où les paroles demandaient une mélodie légère, élevés où il aurait fallu descendre; et tant d'autres irrégularités, presque toutes causées par le défaut d'attention au texte.

« Qui ne serait encore dégoûté d'entendre si souvent les mêmes chants, beaux à la vérité par eux-mêmes, mais trop de fois imités, presque toujours estropiés, et pour l'ordinaire aux dépens du sens exprimé dans le texte, aux dépens des liaisons et de l'énergie du chant primitif, tels que ceux de tant de répons, graduels et d'alleluia? «Que dire encore des expressions outrées ou négligées, des tons forcés, du peu de discernement dans le choix des modes, sans égard à la lettre; de l'affectation puérile de les arranger par nombres suivis, en mettant du premier mode la première antienne et le premier répons d'un office, la seconde antienne et le second répons du second mode, comme si tout mode était propre à toutes paroles et à tout sentiment? » (1).

Ainsi est jugée l'innovation liturgique, sous le rapport du chant, par un homme habile dans la composition, nourri des meilleures traditions, et d'autre part plein d'enthousiasme pour la lettre des nouveaux Bréviaires. C'est donc un témoin irrécusable que nous produisons ici.

Et puis, quel homme assez fortement constitué pour remplir la mis

(1) Pages 4 et 5.

sion colossale de couvrir de notes de plain-chant trois énormes volumes in-folio. C'est cependant ce qui eut lieu pour le nouveau Parisien. On chargea de ce travail herculéen l'abbé Lebeuf, chanoine et sous-chantre de la cathédrale d'Auxerre, homme érudit, laborieux, profond même sur les théories du chant ecclésiastique, et versé dans la connaissance des antiquités en ce genre. Il s'acquitta de sa tâche avec bonne foi; et, comme il goûtait les anciens chants, il s'efforça d'en introduire les motifs sur plusieurs des nouvelles pièces. « Je n'ai pas toujours eu intention, dit-il, de donner du neuf. Je me suis proposé de centoniser, comme avait fait saint Grégoire. J'ai déjà dit que centoniser était puiser de tous côtés et faire un recueil choisi de tout ce qu'on a ramassé. Tous ceux qui avaient travaillé avant moi à de semblables ouvrages, s'ils n'avaient compilé, avaient du moins essayé de parodier; j'ai eu intention de faire tantôt l'un, tantôt l'autre. Le gros et le fond de l'Antiphonier de Paris est dans le goût de l'Antiphonier précédent, dont je m'étais rempli dès les années 1703, 1704 et suivantes; mais, comme Paris est habité par des ecclésiastiques de tout le royaume, plusieurs s'apercevaient qu'il y avait quelquefois trop de légèreté ou de sécheresse dans l'Antiphonier de M. de Harlay. J'ai donc rendu plus communes ou plus fréquentes les mélodies de nos symphoniastes français des IX®, Xe et XIe siècles, surtout dans les répons» (1).

Ces intentions étaient louables, mais les résultats n'ont pas répondu aux intentions. A part un bien petit nombre de morceaux, dont une partie encore appartient à l'abbé Chastelain, le Graduel et l'Antiphonaire parisiens sont complètement vides d'intérêt pour le peuple, qui n'en peut rien retenir dans sa mémoire. Nous avons parlé ailleurs de l'introït de la Toussaint, Accessistis, si heureusement imité par Chastelain du Gaudeamus romain; l'ahbé Lebeuf a bien rarement approché de ce modèle dans ses imitations, et, quant aux morceaux de son invention, on le trouve presque partout pauvre, froid, dépourvu de mélodie. Les nombreux chants d'hymnes qu'il lui fallut composer sont aussi d'une tristesse et d'une monotonie qui montrent qu'il n'avait rien de cette puissance qui inspira à Chastelain le chant du Stupete, gentes. Enfin, l'abbé Lebeuf ne sut pas affranchir le chant parisien de ces horribles crochets appelés périélèses, qui achèvent de défigurer les rares beautés qui se montrent parfois dans sa composition. Le verset alléluiatique Veni, sancte Spiritus, cette tendre et douce mélodie grégorienne, sauvée comme par miracle dans le Missel de Vintimille, est déchirée jusqu'à sept fois par ces crochets dont l'a déshonorée l'abbé Lebeuf.

(1) L. c. supra, p. 49 et 50.

Au reste, la fécondité de l'abbé Lebeuf lui fit une réputation. En 1749, étant plus que sexagénaire, il accepta l'offre qu'on lui fit de mettre en chant la nouvelle liturgie du diocèse du Mans, et vint à bout, dans l'espace de trois ans, de noter les trois énormes volumes dont elle se compose. Mais ce dernier travail était encore au-dessous du premier, comme le remarquèrent ses contemporains (1).

Consacrons quelques lignes au trop fameux plain-chant figuré, dont nous avons déjà dit un mot plus haut, et qui prit une nouvelle vogue au XVIIIe siècle, époque à laquelle on vit éclore une immense quantité de compositions en ce genre. D'abord, des centaines de proses nouvelles, fades pour la plupart quand elles n'étaient pas de « pures chansonnettes à la façon de la Régence, » pour nous servir de l'expression de D. Guéranger (2). Cette époque produisit aussi l'insipide recueil connu sous le nom de la Feillée. Nous nous bornerons à insérer ici le jugement de J.-J. Rousseau sur cette ignoble et bâtarde musique : « Les modes du plain-chant, tels qu'ils nous ont été transmis dans les anciens chants ecclésiastiques, y conservent une beauté de caractère et une variété d'affections bien sensibles aux connaisseurs non prévenus et qui ont conservé quelque jugement d'oreille pour les systèmes mélodieux établis sur des principes différents des nôtres; mais on peut dire qu'il n'y a rien de plus ridicule et de plus plat que ces plains-chants accommodés à la moderne, pretintaillés des ornements de notre musique, et modulés sur les cordes de nos modes, comme si l'on pouvait jamais marier notre système harmonique avec celui des modes anciens, qui est établi sur des principes différents. On doit savoir gré aux évêques, prévôts et chantres qui s'opposent à ce barbare mélange, et désirer, pour le progrès et la perfection d'un art qui n'est pas, à beaucoup près, au point où on 'croit l'avoir mis, que ces précieux restes de l'antiquité soient fidèlement transmis à ceux qui auront assez de talent et d'autorité pour en enrichir le système moderne » (3).

Mais il est temps de mettre un terme à cet Essai déjà bien long pour un essai, et cependant trop court eu égard à tout ce qu'il y aurait à

(1) Voyez Cousin de Contamine, Traité critique du Plain-Chant usité aujourd'hui dans l'Eglise, contenant les principes qui en montrent les défauts et qui peuvent conduire à le rendre meilleur (Paris, 1749, in-12, brochure de 69 p.). On remarque en tête du volume, une vignette représentant un bœuf piqué par un cousin; ce qui marque assez que l'auteur, en faisant allusion à son propre nom, a eu en vue d'attaquer l'abbé Lebeuf.

(2) L. c., t. 2, p. 437.

(3) J.-J. Rousseau, Dictionnaire de Musique, article Plain-Chant, édition de 1782, t. 2, p. 394 et 395.

dire sur un sujet aussi vaste, aussi intéressant que celui du chant ecclésiastique. Grâce à Dieu, des jours sereins ont lui pour l'Eglise de France, et les catholiques, en revenant aux formes architectoniques du moyen-âge, ont repris la liturgie romaine. Elle règne déjà, cette antique et solennelle liturgie, dans bien des diocèses, et des hommes éminents, tant ecclésiastiques que laïques, travaillent à remettre en honneur le vieux chant grégorien-français. Grâce aux écrits pratiques de MM. Fétis et Choron, grâce à la plume érudite de D. Guéranger, à la voix éloquente de M. le comte de Montalembert, au zèle si digne d'éloges de M. Didron et de ses savants collaborateurs, et de tant d'autres qu'il serait trop long de nommer ici, le chant catholique des vieux âges de foi, déjà réhabilité dans l'opinion publique, retentit sous bien des voûtes qui longtemps en furent privées, et nous espérons saluer bientôt le triomphe universel de cette mélodie grégorienne-française, qui a eu un si beau passé, et auquel est encore réservé un consolant avenir.

NOTE 3.

FERIA, FESTUM, FESTIVITAS (FÉRIE, FÊTE, FESTIVITÉ).

I.

I. Feria, plus usité au pluriel Feriæ, marque, selon Cicéron, « les jours de repos auxquels il n'était pas permis de travailler. » Ce mot vient de ferio, frapper ou immoler des. victimes, les sacrifices n'ayant lieu que dans les jours de fêtes. Fête, repos, cessation de travail, tel était, chez les païens, le sens de feria ou feria. Nous appelons encore jours fériés les dimanches et les quatre grandes fêtes de l'année catholique : l'Ascension, l'Assomption, la Toussaint et la Noël.

Du Cange (voce Feria) dit qu'on appelle ainsi tous les jours de la semaine, comme on le voit dans saint Jérôme, non parce qu'il faut de nécessité garder le repos pendant ce temps-là, mais à cause de la semaine de Pâques, que l'on devait passer dans le repos et en s'abstenant de tout travail. D'où vient que, comme les six jours après Pâques étaient fériés, et que c'était la première semaine de l'année ecclésiastique, il arriva que tous les jours de la semaine prirent le nom de feriæ, qui aujourd'hui signifie seulement un jour ouvrable. Or donc, continue Du Cange (ibid.), le premier jour de la semaine a le nom de dimanche, le second celui de secunda feria, et ainsi de suite.

Férie n'est que le nom sous lequel on comprend tous les jours ouvrables de la semaine, malgré qu'il puisse y échoir des fêtes que l'on remet au dimanche suivant.

II.

Festum a le sens de jour de fête, selon Ovide et les anciens. Du Cange (sur ce mot) dit : « C'est un jour solennel, consacré à la mémoire d'un mystère ou d'un saint. » Mais on ne solennise pas de la même manière toutes les fêtes, car il y en a qui sont plus brillantes que d'autres, en raison de leur office ou de leurs cérémonies, dont la pompe est plus grande dans certaines églises et plus petite dans d'autres. Dans les fêtes les plus solennelles on s'abstient des travaux accoutumés, depuis la veille à l'heure de vêpres, jusqu'au lendemain à la nuit. On peut entendre par festum les fêtes patronales que l'on célébrait autrefois le jour même, et que l'on remet maintenant au dimanche le plus proche, quand toutefois elles ne concordent pas avec une solemnité, telle que celle de Pâques ou de l'Ascension, par exemple.

Reste à chercher le sens de festivitas, que nous traduisons mot à mot festivité.

III.

Festivitas (1), enfin, signifie les grandes fêtes que célèbrent tous les peuples de la chrétienté en dehors des saints de leur Calendrier ou de leur Martyrologe national. Autrefois c'étaient, par exemple, la Circoncision, l'Epiphanie, la Purification, l'Annonciation, etc., et Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, l'Assomption, la Toussaint et la Noël. Nous n'avons conservé comme fêtes d'obligation (festivités) que les six dernières.

Résumons feria, c'est chaque jour de la semaine (férie); festum, toute fête plus ou moins solennelle, mais que l'on peut remettre et renvoyer; et enfin festivitas, toute fête d'obligation, célébrée par toute la catholicité, et dont celles qui tombent dans la semaine doivent être célébrées avec autant d'exactitude que les solennités des dimanches.

Tel nous paraît être le sens le plus clair et le plus vraisemblable de Férie, Fête et Festivité.

(1) V. Du Cange, Gloss., voce Festivitas.

« PoprzedniaDalej »