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aucun des anciens interprètes de cette Epître ne mentionne le nom de Sénèque. Mais au Ive siècle l'erreur était possible, et l'illusion facile. Dès le règne de Dioclétien et de Constance-Chlore, on avait vu des officiers du palais et des courtisans impériaux embrasser en secret ou au grand jour le christianisme; la foi nouvelle comptait des sectateurs influents, illustres, dans les plus hauts rangs de la société, et dans les classes éclairées; si elle n'avait pas encore conquis le monde, elle le partageait avec le paganisme. Ceux même qui s'opiniâtraient à la repousser, étaient obligés de compter avec le nombre de ses partisans, avec le talent de ses chefs, avec la puissance de ses protecteurs, avec les vertus de tous ses membres. Une erreur commune à la plupart des auteurs d'écrits apocryphes, ce fut de transporter au premier siècle, les mœurs et les opinions du ive, de peindre le règne de Néron avec les couleurs qui convenaient au règne de Constantin, et de supposer dès les commencements de l'Eglise des événements qui n'avaient été possibles que bien longtemps après. Il était moins invraisemblable, en effet, de raconter que Sénèque avait été sensible aux beautés des livres saints, lorsque la lecture des Evangiles ou de l'Ancien Testament convertissait journellement des rhéteurs et des philosophes; on pouvait persuader sans peine que Sénèque avait connu et entendu les chrétiens, depuis que le christianisme était défendu, attaqué, propagé en tous lieux, sur les places publiques, dans les écoles, dans les églises, dans les maisons privées ; témoins des accroissements de la religion nouvelle, les contemporains avaient oublié l'obscurité mystérieuse de ses origines. Quoi d'étonnant que l'Apôtre eût été l'ami du philosophe! La plupart des conversions n'étaient-elles pas dues à l'heureux ascendant d'un ami chrétien sur un ami incrédule? C'est l'amitié qui gagna

à la foi saint Cyprien, le rhéteur Victorinus, saint Augustin et tant d'autres défenseurs de l'Eglise 1. Les autels ont vu plus d'un Néarque y conduire par la main un Polyeucte arraché à l'erreur.

Tel est l'ensemble des raisons qui nous déterminent à penser que la correspondance de Sénèque et de saint Paul a été composée au ive siècle, et que le bruit de leurs prétendus rapports a pris naissance vers le même temps probablement parmi la jeunesse chrétienne des écoles de Rome.

'Saint Cyprien fut converti par le prêtre Cécilius son ami, Victorinus par un chrétien, nommé Simplicien, avec qui il était lié d'amitié.

CONCLUSIONS GÉNÉRALES.

1o Aucun Père, aucun écrivain des premiers siècles de l'Eglise ne fait mention de l'amitié de Sénèque et de saint Paul, ni de leur correspondance. Jusqu'au moyen âge, on ne rencontre à ce sujet que quelques mots peu décisifs de saint Jérôme et de saint Augustin, et le témoignage du faux saint Lin. Trop confiant dans la valeur de ces preuves, tout le moyen âge a cru sans réserve au christianisme de Sénèque. A partir du XVIe siècle, la presque unanimité des critiques a réprouvé cette tradition.

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2o L'histoire de la prédication de saint Paul en Orient, en Grèce et à Rome, démontre l'impossibilité d'une entrevue et d'une liaison des deux personnages, et surtout l'extrême invraisemblance d'une conversion complète ou ébauchée du philosophe.

3o L'étude attentive de la philosophie de Sénèque atteste qu'il n'a eu d'autres maîtres que les philosophes anciens ou contemporains, d'autres inspirations que des idées antérieures à l'Evangile, et qu'il n'a pas connu les livres des chrétiens, dont la plupart ont paru après ses propres écrits.

4o Le recueil de lettres, évidemment apocryphe, que nous possédons encore, est bien celui dont parlent saint Jérôme et saint Augustin. Il a été composé au ive siècle,

et c'est sur cette base que repose la série entière des différents témoignages qui forment la tradition.

En d'autres termes, la croyance au christianisme de Sénèque, et à ses rapports avec saint Paul, est dénuée de fondement.

FIN.

Vu et lu,

à Paris, en Sorbonne, le 6 juillet 1857, par le doyen de la Faculté des Lettres de Paris,

Permis d'imprimer :

Le vice-recteur,

CAYX.

J.-VICT. LE CLERC.

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-

tères communs au stoïcisme et au christianisme naissant. Rapports
de Séneque avec saint Paul : sens philosophique de cette tradition; ses
formes diverses. Objet précis de cette thèse; ordre de la discus-
sion.

1-15

PREMIÈRE PARTIE.

-

EXAMEN DES TÉMOIGNAGES.

CHAPITRE Ier. La tradition des rapports de Sénèque avec saint Paul est

un point particulier d'une question générale, Des prétendus em-

prunts faits aux livres saints par la philosophie ancienne . 15-18

CHAPITRE II. - Fondements sur lesquels repose cette tradition. Textes de
saint Jérôme et de saint Augustin. Témoignages apocryphes de
saint Lin et de Dexter.

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18-57

CHAPITRE III. Du silence des autres Pères sur cette question.. 37-45

CHAPITRE IV. Ce que le moyen âge a pensé du christianisme de Sé-
nèque

-

45-60

CHAPITRE V. De la critique moderne appliquée à l'examen de cette lé-
gende. - Conclusions de la 1re partie.

60-70

DEUXIÈME PARTIE. -INDUCTIONS HISTORIQUES. EST-IL VRAISEMBLABLE
QUE SÉNÈQUE AIT CONNU PERSONNELLEMENT SAINT PAUL?

CHAPITRE Ier.

Jeunesse et éducation de saint Paul.

l'Apôtre en Orient et en Grèce.

-

-

Prédication de
Des synagogues et des prosélytes.
Saint Paul parmi les Juifs et parmi les païens. - Athènes. L'Aréo-

page.-Gallion.-Sergius Paulus.- Félix. Agrippa. Festus. 70-124

-

CHAPITRE II. Arrivée de saint Paul à Rome.

-

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tienne de cette ville. Des Juifs de Rome.

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