colte doit commencer par être juste. Représentez-vous le monde entier épris d'enthousiasme pour l'Indulgence plénière; vous seriez sûr que la contrition a broyé le mal dans toutes les consciences, que d'innombrables serments de bien faire ont été proférés, qu'une foule d'injustices ont été réparées. Non seulement les vertus morales refleurissent en ceux qui convoitent l'Indulgence, la foi s'anime dans leur cœur de lumières plus vives. Il est donc vrai que Dieu a magnifiquement racheté le monde; que le péché est le pire des maux; que ses joies sont perfides; qu'une hostie divine les a expiées !... » Voilà certes, N. T. C. F., des préliminaires et des résultats de l'Indulgence qui peuvent nous faire comprendre pourquoi en ces siècles plus froids, plus indifférents, elle nous est offerte plus souvent. Mais n'êtes-vous pas frappés, N. T. C. F., d'une autre considération? Nous avons vu que le Sacrement de Pénitence n'a pas en lui-même une vertu égale à celle du Baptême, et qu'il laisse après lui de rigoureuses satisfactions à subir dans ce monde ou dans l'autre. Voilà pourquoi la sainte Église, dans les siècles primitifs, imposait aux pécheurs réconciliés des peines canoniques dont la gravité et la durée sont effrayantes. Voilà pourquoi les anciens Chrétiens étaient animés d'une ardeur prodigieuse pour l'exercice volontaire de la Péni tence; voilà pourquoi ils prolongeaient les veilles et les jeûnes, multipliaient les abstinences, s'infligeaient des flagellations et des macérations de toutes sortes. Enfin, voilà pourquoi les saints Conciles, dans les temps les plus rapprochés de nous, ont voulu prémunir les confesseurs contre une facilité excessive en matière de satisfaction. Entendez le Concile de Trente: « Il faut que les prêtres du Seigneur, autant que le Saint-Esprit et la prudence le suggèreront, infligent des pénitences salutaires et convenables, selon la qualité des crimes et les forces des pénitents, de peur qu'en connivant au mal par un excès d'indulgence, et en imposant pour de très-griefs péchés des peines et des œuvres très-légères, ils ne participent aux fautes d'autrui et ne s'en rendent complices. Qu'ils aient donc devant les yeux la nécessité de prescrire une satisfaction qui ne serve pas seulement de précaution contre les péchés à venir ou de remède à la faiblesse, mais encore de vengeance et de châtiment aux péchés passés, puisque les anciens Pères croient et enseignent que les Clefs qui sont mises entre les mains des ministres de Jésus-Christ ne leur sont pas seulement données pour absoudre, mais encore pour lier1. Tels sont les principes de l'Église. Or, N. T. C. F., quand nous consi 1 Sess. XIV, c. 8. dérons l'état actuel des choses, n'est-il pas évident que, sous le rapport de la satisfaction, nous sommes bien en-deçà de la ferveur de nos pères? Loin de moi de méconnaître tout ce qui reste encore d'esprit de pénitence et de sacrifice au sein de la tribu monastique et dans un bon nombre d'âmes fidèles! Mais, pour ce qui est des Chrétiens du siècle, non-seulement la plupart sont étrangers à toute initiative de mortification spontanée; non-seulement ils ignorent ces saintes austérités de la vie privée que les générations précédentes savaient encore comprendre, mais ils demandent grâce à tout instant pour les prescriptions les plus bénignes de la loi ecclésiastique, en sorte que l'Église, mère attentive et compatissante, après s'être relâchée envers les particuliers de ses anciens canons pénitentiaux, adoucit chaque jour de plus en plus sa discipline générale et multiplic ses dispenses en ce qui est des abstinences et des jeûnes. Enfin, cette même facilité s'est étendue jusqu'au tribunal de la pénitence, où le ministre du Seigneur, par la crainte d'effrayer ou de rebuter notre faiblesse, n'impose presque plus d'œuvres tant soit peu onéreuses et difficiles. Il y a donc, on peut le dire, sinon défaillance complète, du moins affaiblissement considérable dans la pratique de la satisfaction personnelle. Cela étant, N. T.-C. F., ou bien il faut que l'Église, en nous déchargeant de presque toutes les sévérités de la pénitence en ce monde, se résigne à nous livrer à tous les supplices du Purgatoire, supplices en comparaison desquels saint Augustin nous dit que ceux de cette vie ne sont presque rien 1; ou bien il faut que cette tendre mère s'absolve elle-même du juste reproche qu'on pourrait lui faire d'une condescendance cruelle et inhumaine, et qu'elle présente à ses enfants d'autres moyens plus doux de satisfaire aux exigences inflexibles de la justice divine. C'est ce qu'elle fait en nous offrant plus largement l'Indulgence. Enfin, disons que la loi chrétienne étant une loi de grâce et d'amour, les effusions de la miséricorde et du pardon devaient naturellement y devenir de plus en plus abondantes jusqu'à la fin des siècles, Voici encore de belles paroles nous ne résisterons pas au plaisir de vous les faire entendre: <<< Sans doute, l'Indulgence fut dispensée dans l'Église dès les premiers jours. Les lignes traditionnelles de cette pratique se montrent vivement aux regards non prévenus. Il faut avouer, néanmoins, qu'il en fut fait un moindre usage dans les commencements. C'est que l'Indu!gence n'est pas tant une nécessité des âmes qu'un allégement octroyé par la miséricorde. in Ps. XXXVII. Dès lors, l'application en doit être ordonnée d'une manière intelligente. Aux époques primitives du Christianisme, en face de ces Gentils dégradés, et plus tard, au milieu des barbares, il était d'une sage souveraineté de distribuer parcimonieusement de pareils trésors. Il fallait refaire la nature humaine, dompter ce qui était rude, rassainir ce qui était flétri. Les travaux I pénitentiels étaient un vaste procédé de restauration, auquel les hommes d'alors devaient s'employer personnellement. Par là, le sang, Ola chair, l'esprit, les mœurs, tout s'épurait, se fortifiait, se redressait. Et quand l'homme, repétri en quelque sorte, se produisit sous des aspects meilleurs, il fut possible de le relever de son long labeur des satisfactions, en le conviant plus que jamais à des travaux entrepris par amour, dignes de son caractère éminemment surnaturalisé 1. " XI « Mais, me dites-vous, c'est la quatrième fois que le Jubilé est proclamé en moins de dix ans.» Oui, N. T.-C. F., depuis cette grande leçon donnée à la France et à tous les peuples, depuis cette leçon mémorable qui s'appelle 1 Instruction pastorale de Mar de Tulle, 19, 20. |