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rosité, il a mêlé un trop grand nombre d'actions bizarres, extravagantes et cruelles; triste destin des princes orientaux, qui peuvent tout ce qu'ils veulent il leur arrive rarement de vouloir ce qui est raisonnable. Ce calife aimait beaucoup sa sœur Abassa et son visir Giafar; mais il ne pouvait les voir que séparément, parce qu'un homme étranger ne pouvait paraître devant la princesse. Pour réunir ces objets de sa tendresse, il imagina de les marier; mais sang des Barmécides ne pouvait se mêler au sang des Abassides sans en souiller la pureté; l'enfant qui naîtrait de ce mélange pouvait disputer le trône aux rejetons de la race du grand Abas. Pour remédier à cet inconvénient, l'insensé calife exigea du malheureux Giafar le serment de vivre avec sa femme comme avec une sœur. Giafar jura, et consentit à perdre la vie s'il violait son serment: il croyait pouvoir le tenir, parce qu'il n'avait pas encore vu les charmes d'Abassa. Notez que l'auteur a subsitué dans sa pièce le nom doux et agréable de Zaïda à celui d'Abassa, qui pouvait fournir aux sots un méchant calembour capable de troubler la représentation.

Dès que Giafar eut vu Zaïda, la politique avait fait le serment, l'amour le viola. Giafar fit un enfant à sa femme ce qui comble de joie les époux ordinaires, fut pour Giafar et Zaïda le signal des plus grands malheurs. La princesse, sous le prétexte d'un pélerinage dévot, alla faire ses couches à la Mecque. Toutes les précautions de la crainte ne purent empêcher les ennemis de Giafar de pénétrer le mystère : il fallait en donner la preuve au calife; ils prirent si bien leurs mesures, que le monarque surprit Giafar et sa femme caressant leur enfant dans l'asile secret qu'ils avaient choisi pour cacher leur amour. Tout

autre que l'orgueilleux Haroun eût été attendri de ce spectacle; jamais faute ne fut plus pardonnable, si un despote savait pardonner. Le calife furieux ordonne la mort de Giafar, de son fils et de toute la famille des Barmécides; il fait chasser du palais sa propre sœur, revêtue des livrées de la misère. Les dangers de ces illustres proscrits fondent l'intérêt de ce mélodrame, riche en situations pathétiques, en incidens merveilleux, sans être cependant hors du domaine de la vraisemblance poétique et théâtrale.

L'intrigue est simple, claire, conduite avec beaucoup plus d'art et de sagesse qu'on n'a coutume d'en mettre dans un mélodrame, et même qu'on n'en exige de ce genre. Je suis un peu effrayé de cette grande perfection d'un mélodrame. Je n'ai pas le temps d'entrer aujourd'hui dans de plus grands détails; je reviendrai sur cet ouvrage une autre fois; il me suffit de dire que les Ruines de Babylone ont coûté beaucoup à l'entrepreneur de la Gaîté, et cependant sont faites pour l'enrichir.

Les ballets sont un des grands ornemens de la pièce. M. Hullin, dont les compositions ont tant d'originalité, semble avoir trouvé dans ce sujet oriental de quoi enflammer encore son imagination: ses airs et ses danses sont d'un style et d'une couleur parfaitement convenables aux mœurs du pays où l'action se passe; l'ordonnance et les figures produisent l'effet le plus piquant, et l'exécution répond à l'invention. (16 octobre 1810.)

LE MARQUIS DE CARABAS,

OU

LE CHAT BOTTÉ.

Le monde est vieux, dit-on : je le crois ; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.

Il faut avouer que, depuis quelque temps, les auteurs nous traitent bien en enfans; ils nous régalent des contes puérils de Perrault, et cela leur réussit fort bien; car les parens y amènent leurs enfans, et, sous ce prétexte, prennent leur part de l'amusement avec toute bienséance, et sans qu'on puisse leur reprocher la frivolité de leur goût. Le bon La Fontaine disait ingénument :

Si Peau d'Ane m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême.

Et pourquoi les grands enfans de la société prétendraient-ils être plus graves que La Fontaine ? Pourquoi ne prendraient-ils pas un plaisir extrême au Chat botté, non pas seulement raconté, mais mis en action?

L'heureux succès de la Chatte merveilleuse aux Variétés a dû faire espérer que le Chat merveilleux n'aurait pas moins de vogue. Il faut convenir qu'il y a plus d'intérêt dans la Chatte; elle fait le bonheur d'une jeune fille intéressante, injustement opprimée. Le Chat botté fait la fortune d'un imbécile et d'un niais qui ne la mérite guère; mais la manière dont le chat enrichit son sot maître est par elle-même si sin

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gulière, qu'indépendamment de l'intérêt, elle amuse et divertit beaucoup.

Les auteurs ont suivi le conte très-exactement. Il y a trois frères à qui leur père a laissé, par une distribution très-inégale de ses dons, à l'un un âne, à l'autre un moulin, au troisième un chat; mais ce chat est un trésor. Les possesseurs du moulin et de l'âne perdent leur héritage; le maître du chat devient marquis et gendre d'un grand seigneur. C'est une petite fille trèsintelligente qui représente ce merveilleux animal couverte d'une jolie fourrure de chat. Je ne répèterai point ce qui est dit dans le conte, et ce que savent tous les petits enfans sur les moyens employés par le chat pour faire de son maître un marquis qui a d'immenses possessions. Ce qui diminue le mérite du chat, c'est qu'il n'a affaire qu'à des niais; car, sans compter son maître, le seigneur Flonflon, gouverneur de l'île Joyeuse, est un mince génie; l'ogre lui- * même est passablement bête, puisqu'il se transforme en souris devant un chat; mais cela est ainsi dans le

conte.

Il y a un personnage de l'invention de l'auteur : c'est mademoiselle Lariradondaine, vieille fille, sœur du gouverneur. Ce seigneur déloyal, au lieu de donner sa fille au marquis de Carabas, veut lui faire épouser par trahison cette vieille sœur, dont il cherche à se débarrasser ; mais le chat déconcerte les projets frauduleux du seigneur Flonflon. Les auteurs ont aussi imaginé la cruelle peur que Jean fait à ses deux frères, quand il les rencontre chez l'ogre; car il prend le costume de cet ogre que son chat vient de croquer sous la forme d'une souris, et fait semblant de vouloir croquer ses frères. Perrault avait l'âme trop bonne pour imaginer une pareille cruauté.

Tout ce qui tient à la féerie, dans cette folie, s'exé cute avec beaucoup de précision et de promptitude: les travestissemens se font dans un clin d'oeil; les trois frères changent leurs souquenilles contre des habits dorés, avec la rapidité de l'éclair. Le dialogue est fort gai, semé de calembours, et souvent de sentences morales. Les décorations sont d'un fort bon goût. Les trois premières représentations ont été très-applaudies, et, ce qui vaut mieux, prodigieusement suivies. La scène est dans l'île Joyeuse, par conséquent on n'y a rien mis de triste ni de sentimental l'enjouement y domine partout; partout on y rit, et même des sentences morales dont la tournure n'a rien de trop grave.

La pièce est terminée par un divertissement à l'occasion du mariage du marquis de Carabas. Le ballet n'est pas trop bien placé à la fin, parce qu'il y a des spectateurs pressés de s'en aller, qui croient pouvoir se passer des danses; mais quand ils entendront dire que ces danses sont très-agréables, il faut espérer qu'ils resteront. Cette folie - féerie est un véritable vaudeville, plein de couplets pointus, dont la plupart sont assez jolis. On sait bien que, parmi tant de pointes, il est impossible qu'il ne s'en trouve pas plusieurs qui ne soient pas bien aiguisées. Le Chat ne sera peut-être pas plus malheureux que la Chatte; la métamorphose d'une fée en chatte ou en chat est la chose du monde la plus facile : cela s'exécute aussi bien à la Gaîté qu'aux Variétés ; mais le changement d'un homme de quarante ans en une fille de quinze me paraît la plus merveilleuse des féeries. ( 19 août 1813.)

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