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les changemens s'exécutent avec précision. Brunet est incroyable, merveilleux; Potier, fort comique dans le rôle de Mirliflor; les sœurs ne laissent rien à désirer que l'air des filles à marier. La pièce finit par deux couplets; l'un est l'éloge de mademoiselle Alexandrine Saint-Aubin, et conçu à peu près en ces

termes :

Je n'ai pas (dit Brunet) de ma voisine
L'œil piquant, le jeu malin,

Je ne sais quoi qui lutine;
Mais entre nous j'imagine
Que l'on peut fêter la voisine

Sans délaisser le voisin.

L'autre est l'éloge des Deux Gendres. Le père dit à ses filles, quand elles ont manqué leur seigneur:

Il faut faire encor carême ;

Je conçois votre souci,

Mais je puis, bonheur extrême !

Trouver non loin d'ici même

Deux gendres que tout le monde aime,
Et qui vous plairont aussi.

Ces deux couplets, sans doute, sont deux expiations des plaisanteries très-innocentes que les auteurs se sont permises. Ces plaisanteries ont été fort goûtées du public, qui a vivement demandé les auteurs: ce sont MM. Désaugiers et Gentil. La pièce offre tous les symptômes d'un grand succès. (15 novembre 1810.)

LE MARQUIS DE MONCADE,

OU

LA COMÉDIE BOURGEOISE.

Voici une nouvelle métamorphose, ou, si l'on veut, une nouvelle variété du Protée qui plaît tant sous toutes les formes. Nous avions vu Brunet en commère villageoise, en ingénue, en danseuse de corde; le voici maintenant en marquis, et en marquis de Moncade de l'École des Bourgeois. Brunet ne le joue pas tout-à-fait comme Fleury: l'acteur du Théâtre-Français y met beaucoup d'aplomb, de fierté et de noblesse; Brunet en a fait et devait en faire une caricature: il joue avec beaucoup d'étourderie et de pétulance; c'est un petit papillon pour la légèreté.

Ce marquis fait à la hâte est un valet nommé Laroque, qui a pris un habit de son maître pour jouer le marquis de Moncade dans une société bourgeoise : ses camarades sont des domestiques comme lui, qui ont la fantaisie de se faire comédiens dans l'absence de leurs maîtres. Les maîtres reviennent; les comédiens redeviennent valets, et voilà le théâtre à bas. Laroque, ignorant le désastre, arrive tout habillé en marquis de Moncade, fait beaucoup de lazzi et de quiproquo plaisans avant d'être instruit de son malheur; peu s'en faut qu'il ne soit la victime de la catastrophe. Les maîtres arrivent au moment où il étale ses grâces dans son habit de caractère : il n'a que le temps de se cacher sous une table; cet asile même ne peut le soustraire au danger; on découvre l'infor

peur.

tuné marquis, et on veut le faire pendre; ce qui va fort au-delà des usages de la comédie, soit publique, soit bourgeoise: mais il en est quitte pour la Le jeu de Brunet fait seul valoir cette bagatelle, dont on a déjà donné quelques représentations avec succès. S'il fallait chercher quelque moralité dans une pièce de ce genre, ce serait le ridicule de cette manie de jouer la comédie, manie qui est descendue jusqu'aux dernières classes de la société : elle est trèsnuisible, non-seulement à l'art, mais encore à ceux qui négligent leurs devoirs pour exercer sans talent un art uniquement propre à les détourner et à les dégoûter de leur métier (1). (25 juin 1811.)

JEAN DE PASSY (2).

Jean de Passy est facétieux et bouffon, et non dans le genre de vérité. Brunet et Potier y jouent chacun un rôle fort plaisant; c'est moins une parodie qu'un travestissement de Jean de Paris, dont le brillant succès à Feydeau méritait bien les honneurs de la parodie.

Jean de Passy est fils du fameux traiteur GrosJean : il arrive dans une auberge de Montrouge, pour y voir madame Margot Des-Grands-Airs, nièce du portier du collège de Navarre, qui vient s'y marier avec M. Bouffi, clerc de procureur. Le rôle de

(1) Ce vaudeville dut en partie son succès au talent de Brunet, qui imitait avec tant de vérité Fleury du Théâtre-Français, que c'était à s'y méprendre. (Note de l'Editeur.)

(2) Parodie de Jean de Paris, musique de M. Boïeldieu, au théâtre de l'Opéta-Comique.

(Note de l'Éditeur.)

madame Des-grands-Airs est rendu d'une manière très-comique par mademoiselle Élomire; et celui de Bouffi par M. Cazot, qui s'efforce d'imiter Martin ce qui n'est pas facile; car, pour imiter Martin, il faudrait de la voix et du talent. Potier réussit mieux à contrefaire Juliet. Potier a un genre de caricature original, et qui lui appartient. Dans la pièce, c'est un aubergiste dont le nom est Painsec, et l'enseigne au Feu éternel: la cuisine n'en est pas moins froide. Toute la pièce de Feydeau est reproduite et presque traduite en style bas et burlesque : il n'y a presque point de critique, mais un grand nombre de quolibets et de facéties d'une gaîté folle, et dont on rit malgré soi. (7 mai 1812.)

LA CORBEILLE D'ORANGES.

QUAND Ce théâtre donne des nouveautés conformes à son ancien genre, on lui reproche de la grossièreté et du mauvais goût; quand il offre des pièces plus épurées, on se plaint qu'elles sont faibles et insipides. Comment faire ? cela est embarrassant. Qu'il continue à s'ennoblir en rejetant les mauvaises farces et les jeux de mots quì outragent la langue et la raison, sans égard pour les plaintes des auteurs de ces grossières facéties qu'on croyait autrefois seules capables d'exciter le rire. On n'attend pas de lui des ouvrages délicats et réguliers; mais on veut de petits vaudevilles auxquels on puisse rire sans rougir. Telle est la Corbeille d'oranges, petite pièce dans le genre des anciens opéras comiques; c'est un tour de page. La scène est dans le parc du château de Schoenbrunn, près de Vienne en Autriche. M. Butler, concierge du

parc, a un fils un peu niais, amoureux de la fille de madame Goutmann, plus naïve que niaise. Un page très-éveillé a entendu, en passant, les deux amans qui se donnaient un rendez-vous; il trouve gai de le troubler: il arrive comme un franc étourdi et force la sentinelle, qui tire son coup; tout le monde est en l'air; les amans, qui en étaient au plus beau moment du rendez-vous, sont déconcertés : ils essuient les réprimandes de leurs parens; le concierge surtout est furieux de ce que le fils d'un homme tel que lui pense à une petite laitière; la mère, de son côté, est choquée de l'orgueil du concierge défense aux amans de se voir. Le page, pour tout fruit de son entreprise, entretient quelque temps la petite, qui lui plaît fort, et à laquelle il ne déplaît pas; mais elle reste fidèle à son Jeannot, et le page en est pour ses douceurs; alors les remords le prennent ; il se reproche le malheur de ces innocentes créatures, et veut réparer sa faute : cela est bien édifiant, mais très-peu naturel dans un page. Il imagine de faire apporter une corbeille d'oranges qu'il présente solennellement à la jeune fille comme un cadeau de l'empereur. Voilà aussitôt la mère qui croit que sa fille va devenir une dame de la cour; la voilà fière et insolente; elle promet au concierge sa protection. Le concierge, désolé d'avoir manqué une si belle alliance, fait tous ses efforts pour renouer la négociation : après bien des difficultés de la part de la mère, le concierge parvient à la fléchir, en faisant pour ce mariage donation entière de tous ses biens à son fils. Quand on est bien d'accord, quand le contrat est dressé et signé, le page revient tout triste, déclare qu'il a fait une méprise, et que la corbeille n'était pas pour mademoiselle Goutmann. La mère est consternée, le con

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