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se noyer. Le don de l'émigré, joint à la libéralité plus considérable du seigneur du lieu, facilite le mariage de Claude avec la fille de l'aubergiste.

Ce vaudeville est tout à la fois édifiant et gai. Joly est très-comique dans le rôle du Bas-Normand; mademoiselle Minette, rentrée depuis quelque temps à ce théâtre, joue avec beaucoup de naïveté le rôle de la fille de l'aubergiste : c'est Saint-Léger qui représente cet honnête aubergiste, redresseur des torts; son chant et son jeu ont la rondeur convenable. L'anecdote qui a fourni le sujet est bien peu de chose : l'ouvrage se soutient par de jolis couplets et par la caricature plaisante du Bas-Normand. Il y avait sans doute au parterre quelques spectateurs de Vire ou de Caen, qui, pour venger l'honneur national, ont voulu chicaner les auteurs et leur intenter procès; mais les auteurs ont été demandés et nommés, nonobstant clameur de haro; ce sont MM. Barré, Radet et Desfontaines.

PIERROT.

La forme vaut mieux que le fond: le petit conte de Roger Bontemps, dont ce vaudeville est tiré, est une bien mince facétie; les couplets, les saillies, la gaîté et les accessoires heureux dont les auteurs ont embelli le conte, le relèvent sur la scène et en font une pièce amusante; ce qui est le nec plus ultrà du genre.

Pierrot est un pauvre tisserand d'un caractère original; il risque ses épaules pour se bien remplir l'estomac ; il s'engage à faire retrouver un diamant perdu, sans avoir pour cela aucun moyen, et uniquement

dans l'espoir de faire un bon diner et de boire de bon vin. Deux domestiques, qui le servent à table, sont précisément ceux qui ont trouvé le diamant, et qui n'ont point envie de le rendre, de peur qu'on ne les accuse de l'avoir volé. Pierrot, par des mots et des équivoques dont il ne sent pas la portée, effraie si bien ces deux domestiques, que, dans la crainte du châtiment, ils remettent le diamant au devin, en lui demandant le secret: voilà Pierrot au-dessus de ses affaires, et sa digestion troublée par l'inquiétude se rétablit parfaitement. Sommé de découvrir les auteurs du vol, il leur tient sa parole; mais il remet le diamant entre les mains de la dame qui l'a perdu. On admire son savoir et sa pénétration; mais le mari de la dame, très-incrédule sur les devins et sorciers, veut mettre Pierrot à une seconde épreuve; il cache sous un vase un moineau, vulgairement appelé pierrot, et demande au prétendu devin ce qu'il y a de caché sous le vase. Pierrot, qui n'en sait rien, tremble de tous ses membres, et s'écrie douloureusement: «Pauvre Pierrot, te voilà pris!» On ignore que le tisserand s'appelle Pierrot; son exclamation est regardée un moment comme une réponse de sorcier ; mais dès qu'on apprend que le sorcier s'appelle Pierrot, l'enthousiasme s'évanouit, et l'on finit par se moquer de Pierrot, ignorant par nature et savant par hasard. Cette bagatelle, de MM. Désaugiers et Gentil, a le mérite de faire rire.

L'envie de connaître l'avenir est une des faiblesses et des passions les plus communes de l'humanité; c'est ce qui a produit cette foule de charlatans, depuis la femme qui tire les cartes jusqu'à l'astrologue qui s'élance dans le ciel pour interroger les planètes. La Fontaine a fort bien dit en parlant du ciel :

Aurait-il imprimé sur le front des étoiles

Ce

que la nuit des temps enferme dans ses voiles?

Il n'est aucun moyen naturel de pénétrer dans l'avenir. Des personnages que leur sainteté semblait devoir ériger en prophètes, se sont trompés dans leurs prédictions; l'avenir est caché à tous les hommes pour leur repos et pour leur bonheur : le diable même ne sait pas l'avenir, s'il est vrai que c'était lui et ses compagnons qui rendaient aux païens des oracles; car ses réponses étaient la plupart d'un pauvre diable qui n'était pas sorcier. Toute l'antiquité a cru qu'il était possible de percer les voiles qui couvrent l'avenir; tout le paganisme était une religion de diseurs de bonne aventure: on ne finirait pas si l'on voulait compter toutes les manières imaginées par les prêtres païens pour sonder des mystères impénétrables: il y avait des augures, des auspices, des aruspices, des poulets sacrés. On connaît l'aventure d'un général romain qui, voyant que les poulets sacrés ne mangeaient pas, les fit jeter à l'eau, en disant : « S'ils « ne veulent pas manger, qu'ils boivent. » Après ce bon mot, il fut battu on conclut que c'était à cause : de ce bon mot; on s'écria que les dieux avaient vengé leurs poulets.

LE PROCÈS DU FANDANGO.

C'EST un singulier procès, jugé en faveur d'un étourdi et d'une folle contre de graves magistrats. Mon respect pour la justice ne me permet pas de regarder le jugement intervenu autrement que comme une singularité. Heureusement la cause n'est pas sérieuse; le tribunal n'est rien moins qu'imposant. On

gagne souvent au théâtre des procès qu'on devait perdre. Ces injustices ne ruinent personne, et ne font tort qu'au bon goût : on sait qu'il a rarement raison, et il doit être accoutumé à ces petites disgrâces.

Il y a pourtant dans le Procès du Fandango un point de contact avec la morale, qui le rend un peu plus important; mais le vaudeville est enfant de plaisir: il s'accorde mieux avec la danse qu'avec la morale. Le fandango est une danse espagnole assez connue en France par nos relations avec l'Espagne : le caractère en est vif, et même, à ce qu'on prétend, un peu lascif; il enflamme l'imagination des femmes du midi. Si l'on en juge d'après le fandango exécuté au Vaudeville, on calomnie cette danse; elle n'est pas si dangereuse. Il est vrai que le Vaudeville n'est pas si fort sur la danse que sur les calembours, et l'on en convient dans le couplet d'annonce :

Le Vaudeville va danser,
Et l'Opéra s'en épouvante;
C'est chose facile à penser :

L'enfant danse aussi bien qu'il chante.

Pour régler tous ses mouvemens
Sur la croche et la double croche,
Vous voyez tous ces instrumens :

N'en cherchez pas dans votre poche.

Les auteurs nous donnent ce vaudeville comme un fait historique. Cette discussion ne me regarde pas : peu importe que le fait soit historique, pourvu qu'il soit amusant et théâtral. On suppose qu'à Saint-Jeande-Luz, vers les frontières de l'Espagne, un danseur espagnol, nommé Gavotino, s'est mis à la mode en montrant le fandango aux femmes. Il a si bien mis leurs pieds en mouvement, qu'il leur a fait tourner la tête, et celle des maris ne s'en trouve pas mieux :

enivrées de cette danse voluptueuse, leurs femmes oublient tous leurs devoirs, et l'heureux Gavotino, leur maître, est la coqueluche de toutes les coquettes de Saint-Jean-de-Luz. Pour ne pas user à marcher ses pieds délicats, dont il a besoin pour danser, il va donner ses leçons en carrosse dans cette petite ville, où les carrosses doivent être extrêmement rares. Il eût été peut-être plus raisonnable de supposer qu'il court le cachet monté sur une mule; mais la haine et l'envie exagèrent.

L'ex-président du grenier à sel, M. Clopineau, est d'autant plus furieux contre le danseur espagnol, que madame Solignac, sa maîtresse, est folle de ce petit baladin:

Le luxe de ce beau danseur
A bon droit me met en fureur.
Ce maître à danser de province,
Appuyé d'un talent fort mince,
En carrosse court le cachet:
C'est un grand sujet de scandale,
Lorsque ceux de la capitale
Ont à peine un cabriolet.

Ce couplet, couvert d'applaudissemens, a été redemandé avec transport: succès dû, en grande partie, à la caricature originale de Joly, qui joue avec un masque admirable le rôle de Clopineau, et qui clopine d'une manière à faire pâmer de rire. Un homme de cette tournure n'est pas fait pour disputer à un danseur le cœur d'une jolie femme.

Tous les époux de Saint-Jean-de-Luz, alarmés sur le compte de leurs trop vives compagnes, rendent plainte contre le sieur Gavotino, comme perturbateur de la vertu des femmes et de la tranquillité des maris ils demandent que le danseur et sa maudite

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