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ivrognes gais et de bon ton; dans tous les personnages, en un mot, où il faut de l'ironie, de la raillerie, du persifflage, de l'impertinence; ce sont autant de masques pour les défauts de son organe et de sa démarche. (2 mars 1807.)

LE MISANTHROPE.-Fleury joue le Misanthrope avec chaleur; peut-être en montre-t-il un peu trop, par la raison même qu'il n'en a pas beaucoup naturellement. Il résulte de cet excès que son organe ne se prête pas aisément à l'impétuosité, à l'ardeur qu'il met dans certaines tirades; son intérêt serait peut-être de faire dominer dans son jeu la profondeur et la fermeté. (13 janvier 1809.)

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L'HOMME DU JOUR. Voici un de ces grands événemens qui donnent une grande commotion à tous les amateurs de l'art théâtral: ce n'est pas la simple rentrée d'un acteur qui revient d'une tournée départementale, après quelques mois d'absence; c'est presque la résurrection d'un des plus chers favoris de Thalie, qu'on avait cru mort pour la scène. Une foule immense est accourue au Théâtre - Français pour féliciter Fleury sur son retour à la santé et à l'exercice d'un art qui est le plus doux et le plus glorieux emploi de sa vie. Le deuil de Thalie est fini; Fleury ramène les plaisirs à sa cour; il y revient avec tout son talent; il semble même que la joie de renaître et de se voir rendu à ses fonctions chéries lui ait suggéré des intentions plus fines, des traits plus piquans; jamais peut être il n'avait si bien joué le baron dans l'Homme du Jour c'est un rôle tout d'aplomb qui ne demande presque aucune action, aucun mouvement du corps, et qui n'a besoin que de la noblesse, de la grâce et de la vivacité du débit. (26 octobre 1811.)

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L'HOMME A BONNES FORTUNES. - Pour notre siècle, le plus grand mérite de cette pièce est dans le jeu de Fleury; le triomphe de l'art théâtral, c'est qu'un homme tel qu'est aujourd'hui Fleury, en dépit du temps et de la nature, joue si bien l'Homme à bonne fortune c'est vraiment là une curiosité. ( septembre 1812.)

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M. SAINT-PRIX.

IPHIGÉNIE EN AULIDE. - Le Théâtre-Français, éprouvant la disette au milieu de l'abondance avec un si grand nombre de sujets, n'avait point de père noble; et c'est pour remplir ce vide que Saint-Prix se présente. Saint - Prix a été couvert d'applaudissemens dès qu'il a paru; c'est l'usage. Sa taille est très-avantageuse, sa voix nette et pleine; il y a de l'aisance, de la dignité dans ses mouvemens et dans sa démarche ; il a de l'aplomb sur la scène, se dessine bien; ses attitudes sont belles; ses gestes, quoiqu'un peu compassés, ont de la dignité; ses intonations sont justes, son débit est bien phrasé, et son genre de déclamation paraît être d'un style pur et d'une bonne école. Du côté des qualités physiques, il ne reste presque rien à désirer; Saint-Prix, à tout le technique d'un bon acteur, joint l'intelligence et une excellente manière de réciter; mais cette âme qui vivifie l'action, embellit les avantages extérieurs, et quelquefois en tient lieu; cette sensibilité, cette chaleur la plus essentielle de toutes les qualités, celle qui couvre presque tous les défauts; ce feu éclatant sans lequel la perfection est morte!..... Pour prononcer si SaintPrix possède à un degré suffisant ce premier des dons naturels, peut-être faut-il attendre une autre pièce

où il ait plus d'occasions de le développer que dans le rôle d'Agamemnon: il n'a été applaudi que faiblement, et, soit par sa faute, soit par celle de son rôle, son jeu n'a produit qu'une sensation médiocre.

Un de ses défauts est de baisser la voix au point de n'être plus entendu, pour mettre dans tout ce qu'il dit plus de sentiment et de finesse, ou bien de précipiter son débit avec une volubilité inintelligible, dans les momens qui demandent de la vivacité et du feu. La première loi au théâtre est de prononcer distinctement; tout ce qu'on n'entend pas est mal dit, quelque prétention que l'acteur y mette. Ce qui est singulier et plaisant, c'est que le public applaudit souvent ce qu'il n'a pas entendu; mais ce sont presque toujours des applaudissemens de commande; d'ailleurs c'est la pantomime et le jeu qu'on applaudit alors, et non pas la diction. (13 prairial an 9.)

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MAHOMET. Toujours beau, mais toujours froid, c'est en deux mots le caractère de Saint-Prix. Ses traits sont nobles et réguliers, mais point de physionomie : quel dommage que des formes si fières et si majestueuses, d'aussi belles proportions, ne soient pas animées par une étincelle de cette flamme divine qui fit respirer et vivre la statue de Pygmalion? C'est un acteur sensé, méthodique, raisonnable; mais au théâtre, comme dans les livres, la raison, quand elle est seule, ne fait pas une grande fortune. Ce jeu propre et décent n'est point assez saillant pour des spectateurs blasés; il reste toujours au-dessous de la situation. D'autres passent le but, Saint-Prix ne l'atteint pas; il ne frappe point assez fort; il faut éviter sans doute d'être outré, mais il faut encore plus se garder d'être faible. Un frénétique, un maniaque nous rebute, ou nous fait rire; mais un acteur sans mou

vement nous endort. Je suis toujours étonné que Saint-Prix s'imagine qu'il y a du goût et de la délicatesse dans une extinction de voix. Le développement de ses bras est trop symétrique et uniforme; ses attitudes sont trop calculées; une fois il a secoué son flegme dans la scène avec Séide, et il a été vivement applaudi. (17 prairial an 9.)

MITHRIDATE.-Saint-Prix a joué le rôle de Mithridate son entrée a été superbe; on est toujours charmé de cet acteur quand on ne fait que le voir. La nature lui a prodigué tous les dons extérieurs, mais il ne prend pas la peine d'aider la nature; à peine daignet-il parler : il semble qu'il ne connaisse point de milieu entre le silence et les cris. Il a marmotté, et, l'on peut parler ainsi, chuchoté une grande partie de son rôle. Nous autres qui tenons aux vieilles maximes, nous avons toujours pensé que la première loi d'un acteur était de se faire entendre. ( 27 brumaire an 10.)

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MAHOMET. Saint-Prix, qui joue Mahomet, ne dit pas si bien que Le Kain: Il est donc des remords! il est bien éloigné d'avoir sa chaleur, son énergie brûlante, ce sentiment concentré qui donnait une expression si forte à tout ce qu'il disait; mais il ne le cède point à Le Kain pour les qualités extérieures : il est fier, majestueux, imposant; c'est un très-bel acteur, qu'il faudrait mettre trois mois en espalier au soleil, C'est l'épreuve que Voltaire voulait faire subir à Lanoue, avant de lui confier le rôle de Cicéron dans Rome sauvée. (9 pluviose an 11.)

AGAMEMNON. Saint-Prix s'est surpassé dans ce rôle, où il a mis une fermeté et une chaleur qui ne lui est pas ordinaire. (3 thermidor an 12.)

CINNA. Saint-Prix a débuté dans le rôle d'Au

guste. Il représente beaucoup mieux que Monvel un empereur romain, et même il a une plus belle taille qu'Auguste, qui était petit. C'était une grande gloire pour Monvel, et un grand triomphe pour l'art, d'effacer par la magie du débit les défauts extérieurs les plus choquans. Saint - Prix est bien moins profond dans la déclamation théâtrale, il est bien moins raffiné dans l'expression; il ne soigne pas les détails avec autant d'intelligence, il ne s'empare pas des esprits et de l'attention avec le même artifice; mais il est plus simple, plus naturel, plus vrai, et n'en a que plus de dignité. Il est peu comédien, et n'a pas l'air de jouer un rôle; et peut-être ce qui n'a chez lui d'autre principe que l'indolence, se trouve-t-il par hasard avoir un art infini. ( 19 thermidor an 12.)

HORACE. Saint-Prix n'a pas la chaleur qu'exige le rôle du vieil Horace, et cependant c'est un acteur essentiel, nécessaire. On ne peut pas dire qu'il vaut mieux que son double, car il n'a pas de double; lui seul compose tout l'emploi des rois, tyrans et pères nobles. Si on ne l'avait pas, il faudrait cesser le service tragique; voilà pourquoi tous les amateurs s'alarment du bruit faux ou vrai de sa retraite. (11 brumaire an 13.)

II

Saint-Prix semble mettre, depuis quelque temps dans ses rôles, une ardeur nouvelle digne des plus grands éloges; il ne montre sa sensibilité à la critique que pour se rendre plus parfait. C'est ainsi que le vrai talent se justifie. On remarque dans cet acteur, si favorisé de la nature, plus de chaleur qu'à l'ordinaire ; mais il faut que cette chaleur soit naturelle et vraie il ne faut pas se battre les flancs pour s'échauffer; rien n'est plus froid que la chaleur factice; il faut aussi que le feu se soutienne, et se répande

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