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voilà les baillis au complet, le vidame et les Kerkarainville, qui nous arrivent en char-à-bancs!

M. D'ARNAUD. Et en robes détroussées!

(On entend un grand bruit de voitures. Emilie sourit. Vérac cherche à parler à son oncle. Le marquis éclate de rire en échangeant un regard d'intelligence avec Martin.)

M. DE VERAC, à part. Juste Ciel! quelle situation! Mm D'ARNAUD. Voyez, Madame, s'il vous convient de les recevoir...

EMILIE. Oui assurément... ; car nous avons un hôte de plus à fêter... M. le marquis de Francville...

MARS 1850.

TRICHON

Mme D'ARNAUD, étourdie du coup, apercevant enfin le marquis, et lui rendant un grave salut. Monsieur le marquis!

M. D'ARNAUD, de même. Monsieur est?... (Bas à Mme d'Arnaud.) L'oncle ruiné! Quelle audace! (Le marquis lui offre une prise. M. d'Arnaud le considère avec stupéfaction.)

EMILIE, à Vérac, tendrement. Et maintenant, monsieur le baron, partirez-vous encore? Manquerez-vous seul au rendez-vous?.

(Vérac, éperdu, tremblant, la main sur le cœur, hésite encore, et regarde son oncle, qui l'observe avec émotion.)

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Me D'ARNAUD, à part. Je n'y vois plus que du feu! M. D'ARNAUD, de même. Les jambes me manquent! M. DE FRANCVILLE, bas à Vérac, lui serrant la main. Je te comprends! Va, noble cœur, tu es malade comme moi, et tu es plus riche qu'elle!

(Vérac embrasse son oncle, tombe aux genoux d'Emilie, et couvre ses mains de larmes.)

M. DE VÉRAC. Je reste! je reste! voici ma place pour toujours!

EMILIE, le relevant. A la bonne heure!

Mme D'ARNAUD, confondue, à demi-voix. Eh bien, est-ce qu'ils s'épousent?

M. DE FRANCVILLE, qui a entendu; avec malice. Vous l'avez deviné, madame la conseillère.

Mme D'ARNAUD ET M. D'ARNAUD, de même. Sans fortune! MARTIN, qui a entendu, aux d'Arnaud. Madamé dé Léris en a (Appuyant.) pour deux.

Mme D'ARNAUD, de même. Pour deux ! (A M. d'Arnaud.) C'est clair! La maison est perdue! (Haut.) Alors c'est à nous de nous retirer. (A Emilie.) Madame la baronne voudra bien agréer nos compliments et nos adieux...

M. D'ARNAUD. Avec notre démission. (Martin donne joyeusement un coup de coude à Louise.)

M. DE FRANCVILLE, arrétant Emilie, qui s'avançait avec bonté vers ses tuteurs. Madame de Vérac la refuse, et vous prie de garder la gérance de sa maison et de ses terres de Caudebec, tandis qu'elle habitera un de mes hôtels de Paris ou mon domaine de Francville, que je donne au baron, comme avance d'hoirie, avec la moitié de ma fortune.

(Etonnement général. Emilie et Vérac pressent les mains du marquis avec effusion.)

Mme D'ARNAUD, naïvement. Vous n'êtes donc pas ruiné, Monsieur?

M. DE FRANCVILLE, riant. Ruiné! Qui a dit cela? Me D'ARNAUD. Mais..., vous-même, dans une lettre que j'ai reçue ce matin...

EMILIE. Et que voici! (Elle tend la lettre à M. de Francville, qui la prend vivement et sourit en y jetant un coup d'œil.)

Mme D'ARNAUD. A moins que maître Martin n'ait fabriqué cette lettre, et maintenant je l'en crois capable... M. DE FRANCVILLE, à part, adoptant cette explication. Quelle idée! Oui! la leçon sera plus complète! (Haut.) C'est comme vous l'avez dit, madame la conseillère. Martin vient de me confier son plan... machiavélique. (Les d'Arnaud se retournent furieux vers Martin.)

MARTIN, abasourdi, courant à M. de Francville. Mais je vous jure, Monsieur!

M. DE FRANCVILLE, bas, à Martin. Silence! ne me démens pas d'un mot! (Martin reste pétrifié. Haut, avec une ironie masquée de franchise.) Tel que vous le voyez, Martin est un fin diplomate, un valet de haute comédie, et voici le tour qu'il nous a joué à tous. Il s'est dit : « Mon « maître est un homme de mérite, dont le titre et la for« tune sont les moindres qualités. Il lui faut une femme « qui lui ressemble et qui l'épouse pour lui-même. Voyons « si Mme de Léris est cette femme, ou si elle ne vise point « à nos écus et à nos honneurs..., comme... certaines per

JOURNAL

ÉRUPTION DU VÉSUVE.

Le volcan de Naples, endormi depuis si longtemps, vient de se réveiller à l'improviste, et avec une fureur sublime.

« sonnes m'en font l'effet... » (Mouvement comique de Martin et de M. et de Mme d'Arnaud. Emilie cherche en vain à retenir le marquis.) C'est Martin qui parle, et non pas moi. (Geste d'excuse. Il offre une prise à M. d'Arnaud.) Là-dessus, le drôle a mené chacun vers son but, en commençant par le baron...

MARTIN, à part. J'y suis, sandis! Il sé met dans ma pean, afin dé mieux étriller son mondé!

M. DE FRANCVILLE. Oui, vous avez tous été ses marionnettes; il tenait les fils, et vous dansiez à qui mienx mieux. C'est une comédie en deux actes. Au premier acte, mon neveu a posé en fat, a déployé ses avantages et ses espérances, s'est donné beaucoup de mal pour se défigurer. La pupille l'a repoussé avec infiniment d'esprit, et... certaines personnes ont mordu à l'appàt moins spirituellement... (Mouvement de Martin et des d'Arnaud.) C'est encore Martin qui parle. (Geste d'excuse.) Au second acte, à la contre-épreuve, changement de décoration. L'habile homme a inventé la ruine de son maître, et cette menace d'un anévrysme qui le condamnait au bonheur paisible. Triple revirement dans ses marionnettes! Le baron dès lors s'est montré ce qu'il est, plein de qualités solides, rehaussées de modestie. Mme de Léris, en femme de cœur, a passé de l'intérêt à l'estime, de l'estime à la tendresse, de la tendresse à l'héroïsme; et... certaines personnes, se démasquant avec imprudence..., c'est toujours Martin qui parle! (Geste d'excuse. Mouvement des trois autres. Il offre une prise à M. d'Arnaud.) allaient jeter poliment le baron ruiné à la porte..., quand je suis venu les empêcher de s'y mettre eux-mêmes, fort mal à propos... Voilà le bon tour de Martin!... Il a forcé chacun de paraître et de se voir... tel qu'il est! Convenez que la leçon est bien appliquée, et excusez, comme moi, son audace, en faveur du succès. (Les d'Arnaud restent muets et atterrés.)

MARTIN, à part. O sublimé dé la comédié!

EMILIE, bas à M. de Francville et d'accord avec Vérac. Ce n'est pas Martin, c'est vous qui nous avez jonés tous! Vous êtes un véritable sorcier et un impitoyable moraliste! M. DE VERAC. Mais attrapez-nous toujours de même. Mae D'ARNAUD, dupe du marquis, bas à Martin. Tu ne mourras que de ma main, drôle !

M. D'ARNAUD, de même. Et de la mienne!

MARTIN, effrayé, bas à M. de Francville. Ils vont mé bàtonner, monsieur!

M. DE FRANCVILLE, de méme. Tu leur diras de s'adresser à moi! (Martin redresse fièrement la téte.)

MARTIN, a Louise. Eh bien, madémoisellé, quand jé vous disais qué les valets gouvernent les maîtres?

LOUISE. Vous êtes un grand homme ! Je m'enterre aves vous! (Elle lui donne la main.)

M. DE FRANCVILLE, à Emilie. Madame la baronne, voici vos armes, avec une pierre de touche et une nouvelle devise. (Il lui remet une bague, à chaton de diamant.)

EMILIE, lisant : A QUELQUE CHOSE MALHEUR EST BON. La porte du fond s'ouvre. On introduit M. le bailli, Me la baillie, M. le vidame, les Kerkarainville, en grande toilette... de Caudebec. La toile tombe.

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riveront sans doute que pour contempler les ravages du cratère éteint. Un de nos compatriotes, M. Alphonse Balleydier, plus favorisé du sort, nous décrit ainsi l'explosion, qu'il suit des yeux heure par heure.

Je vous écris à la lueur du Vésuve, qui présente à cette heure le plus magnifique et le plus terrible spectacle qui puisse être offert à l'admiration humaine! Sa grande voix, plus imposante cent fois que les plus forts roulements du tonnerre, retentit sans relàche depuis quatre heures, et imprime à la ville de Naples une incessante commotion. De mémoire d'homme, disent les vieillards, cette voix n'a fait entendre de si fulgurants éclats! Le ciel et la mer sont tout en feu, l'un et l'autre semblent rouler des flots de flamme. Des torrents de fumée, divisés en zones compactes, s'élancent en immenses tourbillons du sein du cratère, et dépassent les bords béants du volcan de plusieurs centaines de mètres. On aperçoit distinctement la lave en pleine ébullition; elle dirige lentement, du côté d'Ottajano, ses longs anneaux de feu. Malheur à tout ce qu'elle rencontre sur son passage!

Onze heures et demie.

Des personnes qui reviennent du Vésuve, et qui ont vu de près le terrible phénomène, racontent qu'il a déjà fait un grand nombre de victimes. Plusieurs domaines ont disparu dans cette tourmente de feu. On n'entend de toutes parts que des lamentations, des invocations, des prières à Dieu et des cris de désespoir. Des familles entières, surprises par la lave, qui marche comme un mur de feu, ne savent pas demain où reposer leurs têtes.

On rapporte en ce moment un malheureux officier américain, frappé mortellement au pied même du cratère. Un convoi de visiteurs est parti à six heures par un train spécial du chemin de fer; un grand nombre de dames en font partie.

La route qui conduit à Pompéia est encombrée de voitures... Les visiteurs sont très-nombreux; car, du haut des terrasses des maisons napolitaines, on aperçoit quantité de torches qui gravissent et serpentent aux flancs de la montagne.

Minuit.

Un de mes anciens camarades du collège de Dôle et un officier suisse, au service du roi des Deux-Siciles, me proposent à l'instant de me conduire dans leur voiture sur la scène du phénomène. J'accepte; je vous donnerai à mon retour de plus amples détails.

Dix heures du matin.

Je voudrais avoir la plume d'un des conteurs arabes pour décrire les sinistres magnificences qui viennent de se dérouler sous mes yeux dans cette nuit de deuil. Les horribles splendeurs de la montagne volcanique dépassent tout ce que l'imagination de l'homme peut rêver de plus fantastique. La lave s'est répandue sur une grande étendue de terrain; elle occupe une surface de deux lieues de longueur sur une demi-lieue de largeur et quatre mètres d'élévation. Les désastres sont considérables. Rien de plus triste et de plus affligeant au monde que le spectacle des pauvres paysans chargés de ce qu'ils ont de plus précieux et se retirant devant la lave. J'ai vu, à travers les flammes de l'incendie, un vigoureux jeune homme emportant un vieillard sur ses épaules et une jeune fille dans ses bras le printemps et l'hiver.

Heureusement que la lave s'est dirigée du côté le moins populeux; cependant elle a dévoré 54 maisons, la villa appartenant au baron Carsimone et l'église de San-Felice. La rapidité du courant de la lave en plaine est calculée à 360 pieds napolitains à l'heure. Les campagnes parcourues par le fleuve destructeur sont, en grande partie, la propriété du prince Ottajano. Elles se composent de bois de pins, de magnifiques vignobles, de terres labourables d'une valeur de 45,000 fr. environ.

Dans l'église de San-Felice, pendant que le curé bénissait le peuple, accouru en foule, la lave, qui semblait respecter la chapelle, changeant tout à coup de direction;

est venuc se heurter contre les murs avec un horrible fracas, et le curé a dû prendre la fuite, le saint-sacrement à la main. Il promettait dix piastres à celui qui aurait le courage de sauver les cloches; mais l'épouvante était telle que personne ne s'est présenté, et, quelques minutes après, les cloches ont été emportées.

Cette éruption du Vésuve est la quarante-septième depuis celle que décrivit Pline le jeune, et la cinquième depuis le commencement du dix-neuvième siècle. Les Anglais qui l'ont manquée espèrent bien que ce ne sera pas la dernière !

GÉRARD, LE TUEUR DE LIONS.

Voici comment cet intrépide officier de notre armée d'Afrique raconte lui-même, au club des chasseurs, ses deux derniers exploits de haute vénerie.

Constantine, 7 février.

« Deux lions, venus je ne sais d'où, parcouraient le cercle de Constantine, vivant aux dépens du propriétaire; ils se trouvaient dans le pays des Séguia, lorsque j'y arrivai moi-même. C'était le 29 janvier dernier. Le douar qui m'avait reçu fut visité par eux pendant la nuit. Le lendemain, de bonne heure, je gagnais un des hauts plateaux du Zérazer, cette montagne où j'ai tué mes derniers lions, en février 1849. Dix Arabes faisaient le bois du nord au sud, dix autres venaient du sud au nord. Le rendez-vous était au milieu de la crête, sur un beau plateau. « Les quêteurs du nord n'avaient rencontré que des voies sur-neigées. Ceux du sud, plus heureux, tombèrent sur le repaire des lions, qui furent étonnés qu'on les éveillat de si bonne heure. Ils allèrent se rembûcher non loin de là, en témoignant leur mauvaise humeur à leur manière. Le cheick des Séguia, qui vint au rapport, me dit que l'un des lions paraissait protéger l'autre, et ne refuserait pas le combat. J'arrivai près du repaire vers les deux heures de l'après-midi; les lions ne l'avaient pas quitté. Un groupe d'Arabes, restés en observation, me dirent que l'un d'eux était sorti plusieurs fois du massif, et qu'il avait témoigné de la colère. Après avoir fumé quelques pipes et fait placer en lieu de sûreté un officier du bureau arabe, qui m'accompagnait, j'ordonnai à tous les Arabes, moins celui qui portait mes armes, de descendre dans la vallée afin de ne plus inquiéter les lions. Cette manœuvre réussit. A peine avaient-ils disparu, qu'uu lion sortit du massif et se dirigea vers moi; le second le suivait à cinquante pas; ils arrivaient droit à moi. J'étais assis sur un rocher qui dominait la position, et auquel on parvenait par d'autres rochers coupés par des crevasses. L'Arabe qui portait mes armes était à côté de moi. Je pris la carabine Devisme et l'armai; j'armai également la carabine de réserve à un coup, et la laissai entre les mains de l'Arabe, après l'avoir rassuré et lui avoir dit de me la passer dès que j'aurais fait feu de mes deux coups. Le premier lion ayant sauté sur les gradins inférieurs du rocher, me regarda. J'allais presser la détente, lorsqu'il se tourna vers son compagnon; ce mouvement me présenta si bien l'épaule droite que je n'hesitai pas. Âu coup de feu, il tomba en rugissant, fit un effort pour se relever, et retomba; il était hors de combat. Le second était déjà au pied du rocher, la queue au vent, le verbe haut; il reçut le premier coup un peu en arrière de l'épaule, à dix pas de son camarade; il fléchit, se releva, et, d'un bond immense, arriva sur le rocher même où je me trouvais. Prendre la carabine des mains de l'Arabe, ajuster le lion à la tempe, faire feu et le tuer sur place, à quatre pas, tout cela s'opéra par la protection de saint Hubert, notre patron, en moins de temps que je n'en mets à vous le dire. Le coup de grâce fut donné au premier, et tout fut dit. »> NOTA.-Ce coup double porte à dix-sept le nombre des lions tués par M. Gérard, depuis son séjour en Algérie.

-M. DE FELETZ vient de mourir. Ex-oratorien, abbé sécularisé, érudit spirituel, ancien rédacteur des Débats, il n'écrivit que des articles, presque oubliés aujourd'hui ; mais

ces articles valent plus d'un ouvrage que prônent la réclame et l'annonce. La mort de cet homme de bien a fait regretter la récente rigueur qui lui enleva, si près de la tombe où il descendait aveugle, sa modeste retraite à la bibliothèque Mazarine. La place qu'il laisse vacante à l'Académie française est disputée, dit-on, par M. Saintine, notre collaborateur, par M. de Montalembert et par M. Alfred de Musset. Tous trois ont de si justes titres, que le choix entre eux sera difficile.

CARÊME. MUSIQUE. FÊTES DE CHARITÉ.

Le carême partage le monde parisien entre les sermons, la musique et les fêtes de charité. Le père Lacordaire à Notre-Dame, et M. de Ravignan à Saint-Thomasd'Aquin, sont plus suivis que jamais. On court surtout à ce dernier, qu'on n'avait pas entendu depuis si longtemps, et dont l'éloquence semble avoir gagné dans le silence.

La musique, de son côté, ébranle chaque soir les quatre coins de Paris. Le même jour, une symphonie de Berlioz et un concert de Mme Sontag-Rossi, ramenée par les révolutions sur la scène! Et les deux salles étaient également remplies, et les deux succès se balançaient l'un l'autre ! Et voici venir un troisième triomphe sans doute, une nouvelle œuvre de M. Louis Lacombe, l'auteur de Manfred, dont nous rendrons compte le mois prochain. Dans les salons particuliers, les talents qui percent alternent avec les talents reconnus. Mile Martin est de plus en plus la reine du piano. Elle ne se borne plus à exécuter comme une jeune fée, elle compose comme un vieux maître. Le violon de M. Poussard, dernier grand-prix du Conservatoire, s'est élevé, d'un coup d'archet, au premier rang. Vienne une bonne occasion, et sa réputation sera faite. Chez M. Benoit-Champy, notre ancien ministre à Florence, à qui la politique n'a point ôté l'amour éclairé des arts, nous avons applaudi, à côté du charmant ténor Lamazou, deux élèves de Mme Pauline Garcia, Miles Séguin et qui font déjà honneur à leur illustre maîtresse. M. de Ruolz, le savant-artiste, qui trouve une si belle voix pour interprète, sans sortir de chez lui, nous a fait entendre M. Marcel Junca, le puissant chanteur dont la place est marquée à l'Académie de musique, où son passage rapide a laissé tant de regrets aux dilettanti. Enfin, les amateurs luttent parfois avec les virtuoses. Le salon de Mme la baronne de Tr... rappelle les Italiens, quand M. de Ré.. y laisse pleuvoir (avec quelle aisance et quelle grâce!) les perles de son gosier mélodieux; et Levassor en personne éclaterait de rire en voyant M. Litoux chanter et mimer les Rues de Paris, ou Titi à Robert le Diable.

***

La Charité au village, tableau de Beaume. (Musée du Luxembourg)

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Les fêtes données au profit des artistes de Petit-Bourg ont eu leur éclat accoutumé; mais la palme des bals de bienfaisance revient à celui des pauvres du onzième arrondissement, qui a eu lieu le 2 mars, au palais du petit Luxembourg, converti en palais d'Armide, sous l'habile direction de M. de Gisors. Les commissaires et les patronesses, hommes d'esprit et femmes de goût, non-seulement ont réuni, parmi les orangers, les fleurs et les lumières, l'élite de la société parisienne, mais encore l'ont reçue en gens du monde, comme ils l'eussent fait dans leurs propres salons. Les jeunes danseurs, rafraîchis libéralement, sans subir l'impôt forcé du buffet, ont été aimables d'inspiration, et non par charité, ce qui était jusqu'ici le fléau des bals de souscription. Cette révolution est importante, et cette conquête restera, car la recette des indigents n'y a rien perdu. On ne dira plus que les conservateurs sont ennemis des réformes; ils ont compris que rien n'échauffe une soirée comme des glaces!

Est-ce à dire que la charité ne puisse plus se passer du faste et du luxe? A Dieu ne plaise! Tous les moyens honnêtes lui sont bons, et les plus modestes sont encore les meilleurs. Le lendemain même du bal du petit Luxembourg, nous avons remarqué, au grand Luxembourg, le tableau suivant de M. Beaume, qui représente deux jeunes paysannes faisant l'aumône à une pauvre famille, au sortir de l'église, et nous avons voulu graver ici cette charmante toile, comme la plus vraie personnification de la charité. Elle dira à nos lecteurs, éloignés des bals parisiens, que la bienfaisance a ses fêtes jusque dans les moindres villages. Ces fêtes-là se passent dans le cœur de ceux qui donnent et dans le cœur de ceux qui reçoivent. Le Dieu né dans une étable leur sourit du sanctuaire où il les a inspirées. P. C.

REVUE LITTÉRAIRE.

HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DU PÉROU, PAR W. H. PRESCOTT (1).

La société péruvienne se composait ainsi avant la conquête espagnole : 1° le souverain, « fils du Soleil »; 2° la

(1) Ce grand ouvrage américain, que nos lecteurs vont connaltre les premiers en France, est appelé à faire en Europe une sensation profonde. C'est la révélation, aussi curieuse que savante, d'une civilisation barbare, comparable à celle de la Chine et de l'ancien Mexique. On y trouvera, entre autres enseignements, la preuve historique, que certaines doctrines prétendues nouvelles, et données par quelques rêveurs comme le dernier mot du progrès, étaient au contraire appliquées, il y a des siè cles, dans l'état primitif du Pérou, et n'y subsistaient qu'au moyen du despotisme le plus absorbant et de la négation même du progrès humain.

Mais laissons M. Noblet nous présenter d'abord l'illustre auteur qu'il a si à-propos et si bien traduit:

L'Histoire de la Conquête du Pérou est la troisième composition historique d'un de ces rares esprits que les littératures produisent dans leur jeunesse ou dans leurs époques de régénération, et qui, se plaçant d'un seul bond au premier rang, font tout à la fois leur réputation et celle de leur pays.

William H. Prescott, Américain, membre correspondant de l'Institut de France, était connu parmi nous bien avant que ses œuvres eussent été mises, par la traduction, à la portée du plus grand nombre de lecteurs. Ses deux grands ouvrages, l'Histoire de la Conquête du Mexique et l'Histoire du règne de Ferdinand et d'Isabelle, l'ont classé tout d'abord à la tête de la littérature américaine, et en Angleterre, à côté de Hume, Robertson et Macauley. En France, nous le placerions entre M. de Barante, qu'il s'est proposé souvent pour modèle, et M. Augustin Thierry, avec lequel il a plusieurs ressemblances, qui, malheureusement pour lui, ne s'arrêtent pas aux conformités littéraires.

M. Prescott, que quelques notices ont représenté comme entièrement privé de la vue, croit devoir rectifier cette erreur dans sa préface de l'Histoire de la Conquête du Pérou. Les détails qu'il donne à ce sujet ont une simplicité touchante, qui peut faire apprécier en même temps l'homme et l'écrivain.

« J'étais, dit-il, à l'Université quand un accident me priva a d'un de mes yeux. Peu de temps après, l'autre fut attaqué d'une « inflammation si grave, que je me crus au moment de perdre « entièrement la vue. Il guérit pourtant, mais il en conserva une

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a telle débilité, « qu'à diverses reprises et pendant plusieurs ana nées j'ai été obligé d'abandonner tout travail de lecture et a d'écriture. » Ce fut dans une de ces périodes de souffrance morale et physique, que M. Prescott reçut de Madrid les matériaux pour l'Histoire de Ferdinand et d'Isabelle. « Dans cette situation, ditail, environné de mes trésors transatlantiques, je ne ressemblais « pas mal à un de ces malheureux qui meurent de faim au sein « de l'abondance! » Mais que ne peut l'amour de l'art joint à la passion du travail! Forcé de renoncer momentanément aux services de son œil, M. Prescott résolut d'imposer à son oreille et à sa mémoire la tâche d'y suppléer. Il lui fallut se procurer un secrétaire, qui pût aussi remplir l'office de lecteur: il eut le bonheur de rencontrer tout ce qu'il pouvait désirer sous ce double rapport. De sorte qu'au bout de quelque temps « il devint si familier avec les sons des diverses langues étrangères, qu'il a finit par les comprendre sans difficulté, à la simple audition. A « mesure que le lecteur avançait, ajoute M. Prescott, je dictais; « et quand mes notes devenaient suffisamment nombreuses, elles a m'étaient lues et relues plusieurs fois jusqu'à ce que j'en pos< sédasse assez bien l'esprit et la teneur pour pouvoir me livrer <au travail de la composition. Ces notes servirent ensuite à soua tenir le texte. » - Mais il ne s'en tint pas là. Dicter ne pour vait lui suffire. Il éprouvait un irrésistible besoin de tracer luimême sa pensée sur le papier. Et comme l'exercice de l'écriture ordinaire constituait une trop rude épreuve pour son œil faible encore et maladif, il dut faire usage de ce qu'il appelle une boîte à écrire, c'est-à-dire une sorte de mécanique à l'instar de celle qu'emploient les aveugles, qui lui permettait de former les caractères dans l'ombre aussi bien qu'à la lumière. Les espèces d'hieroglyphes qui sortaient de cette officine s'améliorèrent peu à peu, de telle sorte qu'il put, non sans fatigue toutefois et sans douleur, surveiller lui-même l'impression de l'Histoire de Ferdinand et d'Isabelle et préparer ses autres compositions historiques. Satisfait, dit M. Prescott, de m'être relevé ainsi au niveau des autres hommes, j'enviais à peine le bonheur de ceux « à qui la nature permet de prolonger leurs études plus avant « dans les heures silencieuses de la nuit. »

Ne croirait-on pas lire une page de l'histoire intime de M. Aug. Thierry? Et n'eprouve-t-on pas comme un sentiment d'humiliation pour soi-même, quand, doté d'une situation physique satisfaisante, on vient à jeter les yeux sur les immenses travaux de ces âmes d'élite qui semblent puiser, dans leur lutte contre la souffrance, de nouveaux éléments de force et de grandeur?

L'élégante traduction qui a paru en 1846, sous les auspices de M. A. Pichot, a déjà popularisé en France l'Histoire de la conquête du Mexique, le premier des ouvrages historiques de M. Prescott. L'Histoire de Ferdinand et d'Isabelle n'a pas encore, que nous sachions, paru en français. Nous entreprenons aujourd'hui de faire connaitre, aux personnes qui ne peuvent lire l'original, l'Histoire de la conquête du Pérou, publiée à Boston et à Londres en 1847.

Nous allons faire en sorte que les lecteurs du Musée des Familles puissent en juger par les fragments les plus curieux. Ces fragments leur apparaîtront dépouillés des notes et des explications scientifiques qui attestent les immenses études de l'écrivain, non moins que sa consciencieuse élaboration. Mais ils seront disposés de manière à leur donner une vue complète, quoique rapide, des parties essentielles de l'ouvrage. Nous sommes sûr du moins que l'attrait du piquant et de l'inattendu n'y manquera pas. (Note du traducteur.}

Dans cette école militaire, il avait pour condisciples ceux des nobles Incas qui étaient à peu près de son âge; car le nom sacré d'Inca,-source féconde d'obscurités dans leurs annales,-était donné sans distinction à tous ceux qui descendaient, en ligne masculine, du fondateur de la monarchie. A seize ans, les élèves subissaient un examen public avant d'être admis à ce qu'on pourrait appeler l'ordre de la chevalerie. Cet examen était confié à quelques-uns des plus vieux et des plus illustres Incas. Les candidats devaient montrer leur valeur dans les exercices guerriers, dans la lutte, dans des courses assez longues pour bien établir leur force et leur agilité, dans des jeûnes sévères qui se prolongeaient plusieurs jours, et dans des combats simulés, à armes émoussées, il est vrai, mais qui étaient toujours accompagnés de blessures, et quelquefois suivis de mort. Pendant cette épreuve, qui durait trente jours, le néophyte royal n'était pas mieux nourri que ses camarades; il couchait sur la dure, marchait nupieds, et portait les vêtements les plus simples;-genre de vie qu'on supposait propre à lui ínspirer plus de sympathie pour les malheureux. Malgré tout cet étalage d'impartialité, on peut admettre, sans leur faire injure, qu'aux yeux des juges la raison politique a dû quelquefois rendre plus visibles les qualités réelles de l'héritier de la

couronne.

Les examens finis, les candidats choisis comme dignes des honneurs de la chevalerie barbare étaient présentés an souverain, qui consentait à prendre un rôle principal dans la cérémonie de l'inauguration. Il commençait par un bref discours, dans lequel, après avoir félicité les jeunes aspirants de leur aptitude aux exercices militaires, il leur rappelait la responsabilité attachée à leur naissance et à leur rang; puis, leur parlant affectueusement comme aux « enfants du Soleil», il les exhortait à imiter leur illustre ancêtre dans les bienfaits qu'il répand sur le genre humain. Les novices alors s'approchaient et s'agenouillaient devant l'Inca; il leur perçait les oreilles d'une aiguille d'or, qu'on y laissait jusqu'à ce que l'ouverture fût assez large pour pouvoir recevoir les énormes pendants qui distinguaient leur ordre, et d'où leur vint, chez les Espagnols, le nom de Orejones. Cet ornement était si lourd, que celui qu'on mettait aux oreilles du souverain en détendait le cartilage jusqu'à l'épaule; difformité monstrueuse aux yeux des Européens, mais qui, sous l'influence magique de la mode, était regardée par les naturels comme une beauté.

Après cette opération, un des membres les plus vénérables de la noblesse attachait aux pieds des candidats les sandales de l'ordre, ce qui rappelle la cérémonie où l'on chaussait les éperons au chevalier chrétien. On leur permettait alors de se ceindre les reins de l'écharpe ou de la ceinture, pour annoncer, comme la toga virilis des Romains, qu'ils avaient atteint l'âge de virilité. On plaçait sur leurs têtes des guirlandes de fleurs, dont les couleurs variées offraient l'emblème de la clémence et de la bonté, vertus nécessaires au vrai guerrier; on y ajoutait les feuilles d'un arbre vert, pour montrer qu'elles devaient être éternelles. Le front du jeune prince était ensuite entouré d'un réseau ou d'une frange à glands de couleur jaune, faite du fil le plus fin de laine de vigogne; c'était l'insigne particulier à l'héritier présomptif de la couronne. Puis enfin, la noblesse inca venait, en commençant par les plus proches parents du prince, s'agenouiller devant lui et lui rendre hommage comme au successeur du monarque; après quoi toute l'assemblée se dirigeait vers la grande place de la capitale, où des chants, des danses et autres jeux terminaient l'imposante cérémonie de l'huaraca.

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