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DE

LEIBNIZ, PELLISSON, BOSSUET ET SPINOLA

POUR LA RÉUNION

DES PROTESTANTS ET DES CATHOLIQUES

PUBLIÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS

D'APRÈS LES MANUSCRITS ORIGINAUX DE LA BIBLIOTHÈQUE DE HANOVRE

I

DES MÉTHODES DE RÉUNION.

Original autographe inedit de Leibniz conservé parmi ses manuscrits à Hanovre.

De toutes les méthodes qu'on a proposées pour lever ce grand schisme d'Occident, qui règne encore, et qui a faict tant de préjudice à la chrestienté et causé tant de maux spirituels et temporels, je trouve celle que M. l'évesque de Tina, maintenant de Neustadt, a négotiée avec quelques théologiens protestans, la plus raisonnable, quoyque je demeure d'accord qu'à moins d'une grande résolution, d'un grand zèle et des lumières extraordinaires d'un pape, d'un empereur ou de quelques-uns des premiers princes, tant catholiques que protestans, il sera impossible

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de surmonter les difficultés qui se présenteront dans la practique.

Mais c'est tousjours beaucoup qu'il ne tienne qu'à nous de jouir d'un si grand bien, et que, ces conditions posées, l'affaire soit faisable.

Mettons à part la voye de la tolérance mutuelle et d'une paix civile, par où il faudroit tousjours commencer (quoyque elle addoucisse plus tost le mal qu'elle n'enlève la cause, à peu près comme les médecins commencent leur cure par les symptômes les plus pressans), cela, dis-je, mis à part, on m'accordera que la voye de la rigueur n'est de la rigueur n'est pas tousjours licite n'y seure, et n'obtient pas tousjours son effect, témoin les Marrans qui se sont conservés par plusieurs générations, d'où naissent des sacriléges, des profanations et d'autres maux très grands; la voye de la dispute ou discussion est inefficace, d'autant qu'il n'y a point de juge, et point de forme réglée que les disputans soyent obligés de suivre exactement, d'où vient que, dans les conférences aussi bien que dans les escrits de controverse, on déclame en l'air, on se jette sur des pointilles, on se détourne par des digressions, on change l'ordre, on ne respond que lorsqu'on le trouve à propos, on dissimule les objections ou solutions de son adversaire, on tasche de les éluder par des railleries ou invectives, on use de redites, on ne distingue point l'office du respondant ou de l'opposant, non plus que de celuy qui doit prouver ou non. De sorte qu'on peut dire que la pluspart, des livres de controverse ont esté faicts plus tost pour se satisfaire et pour attirer les applaudissemens de son party, en surprenant son

adversaire, que d'une manière propre à le convaincre et à l'esclairer en mesme temps.

D'où vient que les colloques et conférences ont coustume d'estre infructueux, et le plus souvent né servent qu'à aigrir les esprits et à faire naistre de nouvelles controverses.

Il paroist aussi que la voye de l'accommodement a presque toutes les avenues fermées. Car, quoyque il soit très vray qu'il y a des controverses qui ne consistent qu'en mésentendus où il ne faut que la distinction et la voye de l'esclaircissement, comme est, par exemple, la question du sacrifice, et qu'il y en a d'autres où il suffit d'user de la voye de l'abstraction, comme lorsqu'il s'agit de la supériorité du pape à l'esgard des conciles, ou de la conception immaculée de la saincte Vierge, il y a pourtant d'autres controverses si précises que la distinction n'y sert de rien, et si essentielles qu'on ne sçauroit en faire abstraction ny les passer sous silence; or, là où l'abstraction n'est pas permise, la voye de condescendance l'est encore moins, et, quoyque il y ait des points qu'on pourroit accorder, il y en a d'autres où rien ne peut estre relasché.

C'est pourquoy ceux qui ont voulu accommoder les parties en leur disant qu'il falloit se contenter des articles enseignés par les premiers conciles œcuméniques, et reconnoistre pour frères en JésusChrist tous ceux qui en demeurent d'accord, ont perdu leurs peines et ont esté regardés de tous costés comme une secte nouvelle ce qui estoit multiplier les discussions au lieu de les finir, car c'estoit choquer les principes de tous les partis.

Cependant il reste encore une voye ouverte, qui embrasse ce qu'il y a de bon dans toutes les voyes paisibles précédentes, et qui a cela d'important qu'elle peut s'accommoder des principes des catholiques aussi bien que des protestans. Il me semble que c'est un effect de la divine Providence, qui a voulu que, nonobstant cette opposition si grande qui paroist estre entre les parties, il soit resté un moyen de venir à une réunion sans armes et sans disputes, sauf les principes des protestans aussi bien que des catholiques. Quand cela ne seroit vray que spéculativement, ce seroit tousjours beaucoup; mais souvent il ne tient qu'à la bonne intention des hommes et à des conjonctures favorables de réduire la théorie à la practique, et ce qui n'est pas encore meur pourra peut-estre un jour venir à sa perfection par la bénédiction d'en haut. C'est pourquoy il est important que cette pensée soit connue et conservée.

Voicy sur quoy tout roule, autant que je l'ay pu comprendre. Le grand principe des catholiques est qu'un chrestien est dans la communion interne de l'Église, et n'est ny hérétique ny schismatique quand il est dans l'esprit de soumission, prest à croire, et désireux d'apprendre ce que Dieu révèle, non seulement par la parole escrite dans les saintes Escritures, mais encore par sa parole non escrite qui sert d'interprétation, dont il a rendu son Église dépositaire, tellement que, lorsqu'un poinct d'importance est mis en controverse, et que l'Église catholique tesmoignera, dans un concile œcuménique légitime et légitimement tenu, qu'un certain article est de foy,

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