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PRÉFACE

11 y a dans l'Évangile deux textes qui ont particulièrement influé sur le développement du christianisme. C'est la réponse de Jésus à Pilate : « Mon royaume n'est pas de ce monde, » et c'est aussi la réponse de Jésus aux pharisiens qui l'interpellent au sujet du tribut à payer à César : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu 1. »

Au premier texte se rattache le christianisme mystique. Puisque le royaume de Jésus n'est pas de ce monde, ses disciples non plus ne peuvent placer dans le monde ni leur joie, ni leur espoir. Que le chrétien se détache donc de la terre; qu'il y vive comme dans un lieu d'épreuve et d'exil, les regards tournés vers le ciel, sa véritable patrie; que, pour mériter l'é

1. Sans doute la foi en la venue du Royaume de Dieu, l'attente du second avénement, par le double mobile d'une espérance et d'une terreur infinies, ont communiqué au christianisme l'éfan qui lui a fait traverser les siècles. Mais ce sont nos deux textes qui ont gouverné sa course, et, par leur action en sens contraire, l'un le détachant du monde, l'autre l'y rattachant, lui ont imprimé sa forme, en ont fait l'Institution terrestre que nous voyons aujourd'hui.

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ternelle béatitude, il expie dans l'humilité et la souffrance, par la pénitence et la mortification, les fautes de ses pères et ses propres fautes; que les agitations et les intérêts de la société ne viennent point le troubler au fond de sa retraite. Qu'il sauve son âme! c'est là sa grande affaire. La vie du moine, de l'anachorète, tel est, pour le chrétien mystique, le terme suprême de la perfection!

Sur le second de nos textes se fonde, au contraire, le christianisme pratique, ou plutôt PRAGMATIQUE, s'il nous est permis d'emprunter, comme l'Allemagne, à la Grèce ce mot qui fait faute à notre langue et que notre siècle réclame 1.

1. PRAGMATIQUE, du grec пpayμatixòs, dérivé lui-même du mot пpãyμa, chose, et primitivement de la racine îρáσow, je fais. Ipayu¤tıxòç indique : ce qui concerne les affaires ou les hommes d'affaires, quelquefois, ce qui est réel, véritable, conforme aux faits, ou à la réalité; parfois aussi яр¤yμάτıxòç a le même sens que πрaxτixò, pratique, actif, efficace, etc. (Dict. grec.)

C'est, nous le croyons, vers le commencement de ce siècle que les Allemands ont introduit dans leur langue l'adjectif pragmatisch, dérivé de пpaɣμatixòs, et qui en a le sens le plus ordinaire. Ce mot a été plus particulièrement appliqué à l'histoire : « eine pragmatische Geschichte, in der über die Ursachen und Folgen der erzählten Begebenheiten lehrreiche Aufschlüsse gegeben werden. » (Dict. allemandfrançais de Mozin, Stuttgardt, 1813.)

Par suite, les traducteurs ont déjà tenté d'introduire dans notre langue le mot pragmatique, avec le même sens.

« Histoire pragmatique se dit d'une histoire dans laquelle on présente les faits de manière à offrir des conclusions immédiatement applicables à la pratique des affaires.» (Dict. national de Bescherelle, Paris, 1852, au mot pragmatique.)

M. Reuss, dans son Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, dit, en parlant de l'Évangile de Jean: « Ce n'est pas une histoire pragmatique de la lutte des Juifs avec leur sauveur, mais le tableau de l'opposition du monde contre la lumière qui vient de Dieu, etc. » (fre édition, t. II, § 5, ch. 1, p. 299.) En latin, pragmatici homines (Cicéron) désigne les hommes d'affaires, les hommes d'expérience; plus tard le pragmaticus fut un jurisconsulte. (Dict. latin.)

Dans la société chrétienne, telle qu'elle s'est constituée sous Constantin, avec le dualisme et l'antagonisme de l'Église et de l'État, le précepte: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, » a été le principe au nom duquel le pouvoir temporel a combattu et vaincu les prétentions du pouvoir spirituel; au nom duquel, par conséquent, s'est décidé, dans le monde chrétien, le triomphe des croyances sociales, et des intérêts pratiques, sur les croyances et les intérêts mystiques 1. Mais, si active et si puissante qu'ait été sous ce rapport l'influence de notre précepte, elle ne saurait cependant se com

Le pragmaticum était une constitution, un rescrit, indiquant ce qu'il y avait à faire; de même pragmatica sanctio. De là le sens du mot pragmatique, soit comme adjectif, soit comme substantif, dans notre ancien langage diplomatique.

1. « La puissance est donnée aux princes sur la terre; aux prêtres elle est donnée aussi dans le ciel; à ceux-là sur les corps seulement; à ceux-ci même sur les âmes. Autant donc l'âme est au-dessus du corps, autant le sacerdoce est au-dessus de la royauté..... » (Innocent III, Ép. 18, Réponse du pape aux envoyés de Philippe.) « De même que Dieu auteur de l'univers a fait dans le firmament du ciel deux grands luminaires, le plus grand pour qu'il présidât au jour, le plus petit pour qu'il présidât à la nuit, de même, pour le firmament de l'Église universelle, Dieu a institué deux dignités, l'une destinée à présider au jour, c'est-à-dire à gouverner les âmes, l'autre destinée à présider à la nuit, c'est-à-dire à gouverner les corps d'une part l'autorité pontificale, de l'autre la puissance royale. » (Innocent III, L. I, Ép. 401, ad Acerbum.) — Voy. Gieseler, Kirchengeschichte, $54. (Principibus datur potestas in terris, sacerdotibus autem potestas tribuitur et in cœlis; illis solummodo super corpora, istis etiam super animas. Undè, quanto dignior est anima corpore, tanto dignius est sacerdotium, quam sit regnum... Sicut universitatis conditor Deus duo magna luminaria in firmamento cœli constituit, luminare majus, ut præesset diei, et luminare minus, ut nocti præesset, sic, ad firmamentum Ecclesiæ, quæ cœli nomine nuncupatur, duas magnas instituit dignitates, majorem, quæ, quasi diebus, animabus præesset, et minorem, quæ, quasi noctibus, præesset corporibus: quæ sunt pontificalis auctoritas, et regalis potestas.)

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