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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.

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LA FIANCÉE DE MARQUES.

C'ÉTAIT au mois d'Avril 1815; des événemens politiques venaient de changer en France la forme du gouvernement, et replacer sur le trone l'exile de l'Ile d'Elbe. Tout présageait une guerre certaine et malheureuse; mais le Français, aveuglé par l'amour de la gloire, ou plutôt entrainé par cette ardeur guerrière qui sied si bien à sa nation, oubliait le danger, courait aux armes : il ne voyait que son chef, et se croyait déjà l'arbitre de ce continent qu'un seul revers lui avait ravi.

Je fesais partie d'un de ces corps d'infanterie, qui se portèrent sur les frontières de la Belgique, immédiatement après le retour de Napoleon. Le régi

ment dans le quel je servais prit ses cantonnemens dans les environs de Bouchain, et la compagnie que je commandais occupa un village très pittoresque, situé au milieu de fertiles prairies, sur les bords de l'Escaut. Logé chez de braves gens, j'en devins bientôt l'ami. Mon hôte, sans être favorisé des dons de la fortune, jouissait d'une honnête aisance, et goûtait le bonheur auprès d'une femme et de trois enfans, qu'il chérissait et dont il était chéri.

Je passais ordinairement mes journées avec mes compagnons d'armes; mais à la nuit tombante,

réuni à la société de mes hôtes, et tous rangés autour du foyer domestique, nous trompions la longueur des soirées par des chants de guerre ou d'amour, ou bien par le récit de quelques simples ou larmoyantes histoires.

Deux mois s'étaient ainsi écoulés. Perrault et Florian, les vieilles légendes, et les traditions populaires avaient tour à tour charmé, attendri, effrayé mes bons villageois. Chacun de nous avait mis sa mémoire au dépourvu, et tous, áà l'exception d'un seul vieillard, nous avions apporté notre écot aux plaisirs de la veillée. Je m'étonnais du silence du vieillard, et plus encore, de ce que personne ne semblait oser l'engager à s'unir à nos entretiens. Son air vénérable, ses cheveux et sa barbe blanchis par le tems, les égards, le respect qu'on lui témoignait, tout retint ma voix quelques instans. Enfin bannissant la timidité que son aspect m'inspirait, et desirant entendre le nouveau narrateur, je lui adressai la parole: "Vieillard vénérable,” lui dis je,“ vous, qui semblez avoir pris plaisir à nos entretiens, ne daignerez vous pas aussi, par un simple récit, satisfaire nos désirs?" Une larme vint mouiller sa paupière, et me prenant la main "Votre demande est juste, je dois participer aux frais de ces soirées agréables;" et sans ajouter un autre mot, il commenca ainsi sa triste histoire: *

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Ernest reçut le jour à Marques, petit village que

* Les événemens de cette histoire reposent sur un fait vrai, arrivé dans un village de la Flandres Francaise, peu d'années avant la Révolution.

vous voyez d'ici, sur la route de Cambray. Sa naissance fut marquée par le malheur, et porta le deuil dans sa famille. Sa mère mourut en lui donnant le jour; à vingt quatre ans, elle emporta dans la tombe la tendresse d'un époux, l'estime et les regrets de tous ceux qui l'avaient connue.

L'interêt de son fils engagea le père d'Ernest à ne point contracter un second hymen. Ernest fit ses études à Cambray, et à dix sept ans il revint auprès d'un père qu'il adorait, avec les connaissances nécessaires, non pour briller, mais pour pouvoir paraître dans le monde.

Un ami du père village de Marques. le rendait heureux. fruits de cette union.

d'Ernest habitait aussi le petit Une épouse vigilante et douce Julie et Cécile etaient les seuls Idoles de leurs parens, elles. méritaient par leur bon naturel toute la tendresse que ceux ci leur portaient. Cécile était l'ainée; elle était restée près de sa mère, tandisque Julie, eloignée depuis six ans de la maison paternelle, recevait près d'une de ses tantes, au sein même de Paris, une éducation plus soignée.

Julie venait d'atteindre son seizième printems; ses parens la rappelèrent près d'eux. Elle arriva à Marques, et dès que cet événement fut connu d'Ernest, il s'empressa d'aller revoir l'amie de son enfance. Il était déjà, depuis quelque tems, devant elle, mais immobile; il ne savait ce qu'il fesait; ses yeux portés sur Julie ne pouvaient se détacher de sa personne. Quelle était belle? Des cheveux blonds tombaient en différentes boucles sur un front siège

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