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La régence d'Anne d'Autriche.- Le ministère de Mazarin.-Invasion du mauvais goût. - Romans historiques. — La Calprenède. — Mademoiselle de Scuderi. Tentatives d'épopées. - Chapelain. - George Scuderi. Desmaretz.-Saint-Amant. La Fronde. - Scarron.

La publication des Provinciales fut le seul grand événement littéraire de la période placée entre la mort de Richelieu et le règne personnel de Louis XIV: encore n'y a-t-il pas moyen de le rapporter à l'esprit dominant de l'époque. C'est de l'austère solitude de Port-Royal et de la conscience indignée d'un chrétien séparé du monde que jaillit, à l'improviste, cet accident de génie. L'Espagnole Anne d'Autriche et le Sicilien Mazarin n'étaient ni disposés à encourager les écrivains, ni capables de les inspirer. Le relâchement s'introduisit de toutes parts; l'enflure castillane, l'affectation italienne, tous les caprices du mauvais goût, purent se donner carrière. Le génie de Corneille, qui avait produit sous Richelieu, en quelques années de sublime fécondité, sans reprendre haleine, le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte et le Menteur, subit alors une première éclipse dans Théodore, se relève avec effort par Rodogune et par Héraclius, pour descendre bientôt jusqu'à Pertharite. Seulement, le sort de Condé pendant la Fronde l'avait animé à la composition de Nicomède, et raisonnablement on ne peut en savoir gré ni à la régente ni à son ministre. Ce qui appartient en propre à cette époque, et ce qui la caractérise, c'est la production et la vogue des grandes compositions romanesques où l'histoire et la passion sont également faussées; c'est l'importance des cabales littéraires où s'agitent et le silencieux Conrart et le galant Ménage, où règne, sous le nom de Sapho, Me de Scuderi; c'est la manie des sonnets, des madrigaux et des bouts-rimés, toujours aiguisés en pointes ; c'est encore le débordement du burlesque, et, pour combler la mesure, les formidables avortements de l'épopée.

Enfin, dans l'absence des maîtres légitimes, entre Malherbe qui ne l'aurait pas toléré et Boileau qui en a tiré vengeance, il y a eu place pour la royauté littéraire de Chapelain.

La plupart des héros de cette époque ont été des victimes de Boileau, et il convient de rappeler ici le châtiment qu'ils devaient recevoir plus tard, et qu'ils avaient déjà mérité. Ce n'est pas qu'ils fussent tout à fait sans valeur, car Cotin lui-même a fait un joli madrigal aussi bien que Desmaretz de Saint-Sorlin; mais ils manquaient de goût et ils avaient une ambition et des succès illégitimes qui provoquaient les rigueurs de la critique. Une revue rapide de ces auteurs déchus indiquera les travers de ce temps. Le plus considérable et le plus encouragé fut le travestissement de l'antiquité dans des fictions romanesques qui sont, pour la plupart, une peinture détournée et partiellement fidèle de la société contemporaine. Déjà sous le costume et sous le nom de ses bergers, mêlés aux druides de la Gaule et aux conquérants germains, d'Urfé avait déguisé des personnages et des aventures de son temps, lorsque Mile de Scuderi s'empara des héros de la Perse et de Rome pour représenter les mœurs, le langage, les caractères des habitués de l'hôtel Rambouillet: on aimait à reconnaître Julie d'Angenne sous les traits de Mandane ou de Clélie, et M. de Montausier n'était pas fâché de devenir Artamène ou Brutus. C'était un caprice de tous ces beaux esprits, et le plaisir qu'ils y trouvaient était plus encore de l'égoïsme que du mauvais goût. Le royaume de Tendre, dont la carte est dans la Clélie, n'est pour nous qu'un jeu puéril; pour les initiés, c'était une analyse délicate de l'amour ingénieusement figurée. On peut détacher du Cyrus et de la Clélie des portraits habilement tracés et des conversations conduites avec un art infini. L'intérêt romanesque a disparu, mais il subsiste encore dans les romans de La Calprenède, qui ont précédé de quelques années ceux de Mlle de Scuderi. On sait que Mme de Sévigné se reprochait de les lire, mais elle ne pouvait s'en défendre. Ce Gascon, qui ne manquait ni d'imagination ni de cœur, avait eu l'ambition, sans con

naître l'histoire, de peindre dans Cassandre le partage de l'empire d'Alexandre, dans Cléopâtre les dernières convulsions de la république romaine, et dans Pharamond l'établissement de l'empire des Francs: il n'a réussi, comme l'a dit Boileau, qu'à peindre des Gascons d'après lui-même ; mais il les introduit dans une action attachante, et il leur donne des sentiments d'honneur hyperbolique qui échauffent le cœur. Lorsqu'on le lit, on se croit haut de plusieurs coudées et capable de pourfendre des géants. Son Artaban est resté, au moins dans la langue, un type de fierté. Dans le même temps, Gomberville, qui trouvait profanes et de pernicieux exemple ces compositions chevaleresques et sentimentales, a écrit dans une intention plus morale le Polexandre, roman édifiant et inextricable dont les héros raisonnent sur la grâce à la manière de Jansénius et de Saint-Cyran. C'est ainsi que le bon évêque de Belley, Camus de Pontcarré, du temps de l'Astrée, opposait à Celadon des pastorales mystiques et malheureusement illisibles. Le roman était un cadre à la mode qui se prêtait à tout complai

samment.

Il faut dire quelques mots des catastrophes épiques qui signalèrent cette époque ; ce sera le moyen de payer la dette de la postérité aux ambitieux qui, tout en échouant dans des entreprises au-dessus de leurs forces, laissent cependant un souvenir. Que le sillon ait été creusé par la gloire ou par le ridicule, pourvu qu'il soit profond, il ne s'efface pas dans le champ de l'histoire. A ce titre Scuderi, Chapelain, Desmaretz de Saint-Sorlin, Saint-Amant, ne doivent pas être passés sous silence. D'ailleurs Chapelain et Scuderi nous fourniront l'occasion d'exhumer quelques beaux vers. On sait la lamentable histoire de la Pucelle de Chapelain. Ce poëme, lentement élaboré, prôné longtemps à l'avance, qui promettait au monde une autre Énéide, ne s'est produit que pour subir les affronts de l'ennui et du ridicule. Boileau ne s'en est pas trop moqué: rien n'est plus lourd ni plus fastidieux, et on se demande par quelle grâce d'état l'auteur a eu le courage de composer ce que

tion de succès, d'accepter pour le combat le concours d'auxiliaires, lesquels, pensant autrement qu'eux, voulaient bien se servir du même langage: c'est la loi des coalitions. Pascal, en tacticien consommé, attache à ces deux mots, dont on s'armait contre les jansénistes, un sens plaisant, et les renvoie, à son tour, comme des flèches aiguisées, frapper ceux-là mêmes qui les avaient lancés. Platon, que Pascal prenait pour modèle, n'avait pas montré plus d'adresse contre les sophistes. Enhardi par ce premier succès et n'ayant plus à défendre Arnauld d'une censure désormais irrévocable, Pascal, toujours à l'abri du nom de Montalte, dont il resta longtemps couvert, prit l'offensive et tourna la guerre contre les casuistes, que Balzac avait déjà harcelés. Les casuistes, on le sait, ont une tâche fort délicate : ils sont les jurisconsultes de la loi morale; en l'interprétant, ils doivent l'éclairer, et parfois il leur arrive de l'obscurcir. Pascal les accuse de l'avoir faussée, et à l'appui de sa thèse, il apporte en foule des décisions qu'il prend de toutes parts, et qu'il dispose, comme eût pu faire un Aristophane, de manière à dérider les fronts les plus sévères.

Le défenseur de Port-Royal avait mis les rieurs de son côté, mais on lui reprochait, comme une impiété, d'avoir provoqué le rire. Il maintiendra son droit par une distinction qu'il importe de ne pas oublier : « En vérité, il y a bien de la différence entre rire de la religion, et rire de ceux qui la profanent par des opinions extravagantes. Ce serait une impiété de manquer de respect pour les vérités que l'esprit de Dieu a révélées; mais ce serait une autre impiété de manquer de mépris pour des faussetés que l'esprit de l'homme leur oppose. Car, puisque vous m'obligez d'entrer en ce discours, je vous prie de considérer que comme les vérités chrétiennes sont dignes d'amour et de respect, les erreurs qui leur sont contraires sont dignes de mépris et de haine; parce qu'il y a deux choses dans les vérités de notre religion; une beauté divine qui les rend aimables, et une sainte majesté qui les rend vénérables; et qu'il y a aussi deux choses dans les erreurs; l'impiété qui les rend horri

bles, et l'impertinence qui les rend ridicules. C'est pourquoi comme les saints ont toujours pour la vérité ces deux sentiments d'amour et de crainte, et que leur sagesse est toute comprise entre la crainte qui en est le principe et l'amour qui en est la fin, les saints ont aussi pour l'erreur ces deux sentiments de haine et de mépris, et leur zèle s'emploie également à repousser avec force la malice des impies et à confondre avec risée leur égarement et leur folie. » Au reste, Pascal renonce dès lors au ridicule; mais c'est la seule satisfaction qu'il accorde à ses adversaires, car il ne lâche point prise, et il prend une massue pour achever ceux qu'il a percés de ses flèches.

Les dernières Provinciales sont des chefs-d'œuvre d'éloquence, comme les premières sont des modèles de plaisanterie nulle part la passion n'éclate avec plus de force et de véhémence. Pascal est sincère, et c'est pour cela qu'il est entraînant: il est convaincu que ses ennemis font servir aux desseins d'une ambition toute mondaine et qu'ils dénaturent à cette intention la religion et la morale, à l'intégrité desquelles est attaché l'ordre des sociétés et le salut des hommes ; il est avec ferveur, avec indignation, avec confiance, le défenseur de la vérité : « C'est, dit-il, une étrange et longue guerre que celle où la violence essaye d'opprimer la vérité; tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre; quand on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales car il y a cette extrême différence, que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque; au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis, parce qu'elle est

Histoire littéraire.

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