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aux occupations des euvres layes: et à toi, Dieu du ciel, dont ils veulent estre dits vicaires sur terre laissent-ils convenir de ton église. Ha! vray Dieu, tant périlleux vicariat ne se doit tant hardiement demander, pour l'exécuter si négligemment : et me merveille comme homme ose prendre orgueil et présumption pour dignité de bénéfice, dont il dédaigne le mystère et le devoir. Las! non pas le devoir et sacrifice seulement ont-ils en mespris, mais se hontoient de vestir l'abit et de garder l'estat de leur profession : et tiennent à honte l'ordre dont ils convoitent et prisent tant l'émolument. Puis donc qu'ils ne honorent leur dignité, qui les honnorera? se ils dédaignent saincte prestrise, qui la prisera? se elle leur est à vergogne et à charge, de qui sera-t-elle louée et soustenue? >>

Le principal titre d'Alain Chartier est sans contredit son Quadriloge invectif, également remarquable par son importance littéraire et sa portée politique. Ce manifeste d'honneur et de patriotisme, ce cri d'encouragement jeté au milieu de la détresse publique, entre la déroute d'Azincourt et la délivrance d'Orléans, est un appel à tous les nobles sentiments dont le réveil doit procurer le salut de la France. L'orateur s'élève au-dessus des partis, non pour les irriter en les flétrissant, mais pour provoquer par de généreuses inspirations, par des aveux sincères, par des conseils énergiques, le sacrifice des haines qui divisent les enfants d'une mère commune. A ses yeux, personne n'est innocent, personne aussi n'est coupable au point d'être engagé irrévocablement dans le mal; ni les ressources du pays ne sont épuisées, ni les hommes ne sont égarés sans retour. Le mal est profond, mais il n'est pas sans remède. Tel doit être le langage de celui qui veut guérir les plaies de l'État qu'envenimeraient des paroles d'orgueil et de fiel familières aux hommes de faction. Par un artifice habile, Alain Chartier place dans la bouche de la France elle-même, dont il évoque l'image, les reproches que tous les ordres de l'État ont mérités. Écoutons ces graves paroles, dont la sévérité est tempérée de noblesse et d'affection :

« Où est la prudence des clercz et conseilliers, qui par leurs sens ont maintz royaulmes préservez et relevez en périlleuses aventures? que est devenue la constance et la loyaulté du peuple françois, qui si longtemps a eu renom de persévérer loyal, ferme et entier vers son seigneur naturel sans requérir nouvelles mutations? Je me doubte que tous trois soient rabaissez et avilez de la dignité et devoir de leurs. estatz. Plusieurs de la chevalerie et les nobles crient aux armes, mais ilz courent à l'argent. Le clergié et les conseilliers parlent à deux visages et vivent avec les vivans. Le peuple veult estre franc et de seure garde et si est impatient de souffrir subjection de seigneurie. O très redoutable et périlleuse accoustumance de voluptez et de aises! ô envieillie et enracinée nourriture de pompes et de délices! tant avez bestourné et ramoly les couraiges françois, que ceste subversion dont fortune nous fait cizeau de si près, nous avez couvée et mise sus. Et toutes voies sont et demeurent les cueurs par vous si enveloppez que le péril de la seigneurie et de eulx-mêmes et la doubte de leur prochaine désertion ne les peult retraire de leurs délicatives accoustumances. Telle est la condition naturelle des délicieuses voluptez qu'elles sont impaciens de tous labeurs, contraires à vertueux ouvraige, marrastres de diligence et nourrices de pusilanimité. Elles vous perdent et si ne les voulez perdre elles vous font et laissent périr et si ne les voulez laisser. Elles ont été et sont le rabaissement de vostre force et la confusion de vostre povoir; et en querant vostre ressource et relievement, vous les entretenez et accueilliez. Moult est forte chose de délaisser longues accoustumances. Mais qui au besoing se veult employer et aux honnorables faictz et usaige endurcir, il ne trouve par après, nul si plaisant travail comme celui dont l'onneur et la renommée naissent aux vertueux. » Ne trouve-t-on pas là de ces braves formes de parler, comme dit Montaigne, où l'expression fait corps avec la pensée?

Après ces paroles de la France, il est clair que dans la pensée de l'auteur aucune des victimes des discordes civiles

n'est irréprochable; mais, par le langage qu'il prête au peuple, on voit qu'au fond Alain Chartier lui tient compte de ses souffrances en compensation de ses torts. Que peuvent, en effet, opposer les hommes d'armes et la royauté elle-même qui détruise l'impression des plaintes qu'on va lire « Labeur a perdu son espérance, marchandise ne trouve chemin qui la puisse seurement adresser. Tout est proye, ce que l'espée et le glaive ne deffend. Ne je n'ay autre espérance en ma vie, sinon par désespoir laissier mon estat pour faire comme ceulx que ma despouille enrichist, qui plus ayment la proye que l'onneur de la guerre. Que appelé-je guerre ? Ce n'est pas guerre qui en ce royaulme se mainne. C'est une privée roberie, ung larrecin habandonné, force publicque soubz umbre d'armes, et violente rapine, que faulte de justice et de bonne ordonnance ont fait estre loisibles. Les armes sont criées et les estendars levez contre les ennemis : mais les exploitz sont contre moy, à la destruction de ma povre substance et de ma misérable vie. Les ennemis sont combatus de parolles, et je le suis de faict. Regarde, mère, regarde et avise bien ma très langoureuse affliction, et tu cognoistras que tous refuges me deffaillent. Les champs n'ont plus de franchise pour moy administrer seure demeure et je n'ai plus de quoy les cultiver, ne fournir pour y recueillir le fruict de nourriture. Tout est en autruy main acquis, ce que force de murs et de fossez n'environne.» Evidemment Alain Chartier penche du côté de ceux qui souffrent le plus, et il exprime sa propre pensée lorsqu'il met dans la bouche du peuple les paroles suivantes : « Le labeur de mes mains nourrist les lasches et les oyseux, et ilz me persécutent de faim et de glaive. Je soutiens leur vie à la sueur et travail de mon corps, et ils guerroyent la mienne par leurs oultraiges dont je suis en mendicité. Ilz vivent de moy, et je meur par eulx. Ilz me deussent garder des ennemis, hélas! et ils me gardent de manger mon pain en seureté. >>

C'est encore Alain Chartier qui parle par l'entremise du clergé dans ce passage où se résume l'intention générale de

son œuvre : « Si ne voy pas, dit-il, que nos contencions ou noz parolles semées en appert ou en secret des ungs contre les aultres nous puissent geter de ce dangereux pas. Ains fault tirer au collier et prendre aux dens le frain vertueusement et se le cheval par batre et flageller et le beuf par force d'aguillonner durment tirent hors leurs voictures des effondrières et mauvais passages, ainsi croy-je que le flael de la divine justice qui nous fiert par l'adversité présente nous doye émouvoir à prendre couraige pour nous hors geter de ceste infortune. » En réalité, les récriminations des partis aggravent les discordes civiles, qui ne peuvent cesser que par l'aveu des fautes que chacun a commises et par l'effort de tous pour les réparer.

Ces pages éloquentes où respirent la foi religieuse et le dévouement à la patrie suffisent pour honorer à jamais le nom de l'homme qui les a composées. Je sais bien que l'appareil extérieur de l'œuvre, que la mise en scène, à la faveur d'un songe imité de Guillaume de Lorris ou de Cicéron, de la France et des trois ordres de l'État personnifiés, a quelque chose de pédantesque, et que la pompe du langage n'est pas toujours exempte d'emphase; mais aussi quelle noblesse de sentiments, quelle vue nette et profonde du mal et des moyens de le guérir! Pour tout dire, et ce sera l'éternel honneur d'Alain Chartier, la mission de Jeanne d'Arc est écrite et comme annoncée par ses paroles la vierge de Vaucouleurs accomplit ce que demande l'humble secrétaire du roi de Bourges. Il a parlé, et elle agit; il a compté sur la Providence; il a convié tous les ordres de l'État à se réunir dans une commune pensée, la délivrance de la patrie, et Jeanne rallie tous les défenseurs du pays, et elle opère avec eux cette délivrance miraculeuse. Bien a pris à la France de ne renier ni son nom ni sa foi; cette foi et ce nom ont été contre ses ennemis des signes de ralliement: avec eux, elle s'est reconquise, elle a purgé le sol de la présence des étrangers et préparé ses nouvelles destinées.

CHAPITRE IV.

Sermonnaires.- Ménot.-Maillard.- Essais dramatiques. Les mys

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Les frères Gréban et Jean Michel.

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Nous voilà bien loin des chansons de gestes. Cependant, malgré le discrédit des jongleurs et la décadence de l'esprit chevaleresque, elles n'étaient pas complétement abandonnées dans le cours du quatorzième siècle. En effet, nous rencontrons encore à cette époque un poëme à couplets monorimes dont le héros, imaginaire il est vrai, est Baudouin de Sébourg, que le trouvère rattache à la famille des comtes de Flandre conquérants de Jérusalem: ouvrage singulier qui n'est pas sans mérite, où dominent l'enjouement et la galanterie et qui semble un prélude au badinage héroïcomique de l'Arioste. Nous trouvons encore dans le même rhythme, mais avec toute la fidélité historique, la chronique de Du Guesclin, écrite par Cuvelier peu de temps après la mort du héros breton. Ce genre de production ne cesse complétement qu'au siècle suivant, et celles des chansons de gestes qui ne sont pas tout à fait délaissées passent des vers à la prose, par une métamorphose facilement opérée, pour s'accommoder au goût dominant. On a cessé de les chanter et quelques fidèles veulent encore les lire. Les fabliaux subissent en partie la même épreuve et deviennent, sous le nom de Nouvelles, des contes en prose. Ces contes étaient un délassement aristocratique, comme le prouve le recueil des Cent nouvelles nouvelles, dont quelques récits, et ce ne sont pas les moins libres, appartiennent au dauphin qui fut plus tard Louis XI et aux seigneurs de la cour de Bourgogne. L'Heptameron de Marguerite de Navarre et les joyeux devis de son valet de chambre Bonaventure des Perriers, venus plus tard, attestent la durée de cet usage.

Le silence des trouvères héroïques ou badins qui avaient longtemps ému et amusé la foule ne laissa point les masses

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