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partie de la sentence prononcée contre le serpent, c'est un signe manifeste que le serpent devait souffrir le plus dans la guerre qu'ils se feraient. En un mot, l'inimitié qu'il devait y avoir entre la femme et le serpent était une malédiction pour le serpent, et non pas pour la femme; et par conséquent le succès de leur conflit devait nécessairement être tout à l'avantage de la femme. Cette circonstance particulière est donc pour nous une grande confirmation des espérances que nous tirons de la malédiction infligée au serpent.

Si l'on considère que le tentateur n'a d'autre pouvoir sur l'homme que celui de l'attirer par ses séductions dans le crime, la faculté qui lui est ici attribuée de le mordre au talon, semble indiquer clairement les progrès de l'idolâtrie et du vice dans le monde; car ce sont là les grands moyens dont cet esprit malin se sert pour plonger le genre humain dans l'esclavage et la misère. Par conséquent cette expression, lui casser la tête, emporte visiblement que la semence de la femme détruirait un jour ces moyens, et avec eux l'empire du démon.

J'ai fait mention ci-devant d'une autre prophétie fort ancienne et si semblable à celle-ci, soit pour les termes, soit pour les idées, surtout en ce qui regarde l'espérance du salut, que, si nous les comparons ensemble, elles se donneront peut-être réciproquement du jour. Cette prophétie a rapport à la tribu de Dan, et se trouve parmi les bénédictions que Jacob donna à ses fils avant que de mourir (Gen. 49, 17): Dan sera un serpent sur le chemin, un céraste dans le sentier, mordant les talons du cheval, afin que celui qui le monte tombe à la renverse; ô Eternel! J'ai attendu ton salut. La grande difficulté qui se présente ici, c'est de rendre raison de ce vœu passionné de Jacob pour le salut, d'une manière qui s'accorde avec la prophétie qui le précède, et à laquelle il a un rapport manifeste. Car en suivant les explications qu'on a coutume d'en donner, ce vœu aurait tout aussi bien pu être placé après les bénédictions données à Gad, à Aser, à Nephthali, ou à aucune autre tribu. Ceux qui entendent par le salut dont il est ici parlé la délivrance opérée par le ministère de Samson qui descendait de la famille de Dan, appliquent aussi à ses exploits et à ses victoires la prophétie qui regarde cette famille, jugeant avec raison que cette prophétie et l'épiphonème, ou l'exclamation qui la suit, doivent avoir un même point de vue. Mais quelle raison peuton rendre de ce que Samson est si fort distingué? Les Israélites eurent plusieurs autres juges et libérateurs, qui descendaient d'autres tribus, et dont la plupart étaient à tous égards, si l'on en excepte la force du corps, préférables à ce vaillant danite; et cependant il n'est fait dans cette prophétie de Jacob aucune mention d'eux, ni des délivrances que Dieu, par leur moyen, accorda de temps en temps à son peuple. D'ailleurs, dans quel sens peut-on dire que Jacob attendait ce salut ou cette délivrance particulière dont Samson fut l'instrument? Et pourquoi l'aurait-il at

tendue plutôt que tant d'autres de la même nature, ou plus éclatantes, qui arrivèrent à sa postérité? Ses expressions montrent clairement qu'il parlait de quelquelque chose qui avait été longtemps l'objet de ses désirs les plus vifs, et dont l'idée le saisit fortement, lorsqu'il envisageait par un esprit prophétique la destinée future de cette tribu. Ajoutez à cela que les images de serpent et de céraste qu'il emploie dans sa prophétie, sont odieuses et fort peu propres à décrire un brave et galant homme, dans quelque circonstance qu'on le suppose; et je ne me souviens pas que les écrivains sacrés s'en soient jamais servis de cette manière. Il n'est donc pas raisonnable de chercher l'accomplissement de cette prophétie dans les faits héroïques de la tribu de Dan; car les termes dont elle est composée donnent l'idée d'actions d'un autre genre, et font que l'on s'attend naturellement à trouver dans la conduite de cette tribu des traits marqués de violence et de perfidie. L'histoire sacrée justifie cette attente, quoique les Israélites en général y soient représentés comme un peuple revêche et désobéissant, dont le cœur n'était pas droit devant leur Dieu; la tribu de Dan y est particulièrement censurée pour avoir levé l'étendard de l'idolâtrie. Ce fut la première qui érigea publiquement une idole dans le pays de Chanaan, et qui, par son exemple et par sa persévérance dans ce crime, infecta toutes les autres tribus d'Israël. Cette idolâtrie commença bientôt après la mort de Josué, et continua jusqu'à la grande captivité du peuple sous les Philistins, c'està-dire environ trois cents ans (1).

Supposons donc que c'était là ce que Jacob avait en vue dans la prophétie que nous examinons, de quels termes plus propres aurait-il pu se servir pour décrire ce nouveau tentateur, que de ceux qu'on employait communément pour désigner le premier et le plus ancien de tous? Si celui-ci méritait justement le nom de serpent pour avoir séduit Adam et Ève, en les engageant à violer la loi positive qui leur avait été donnée, et de l'observation de laquelle dépendait la jouissance du paradis terrestre; la tribu de Dan méritait-elle moins ce titre pour avoir détourné le peuple d'Israël de l'obéissance qu'ils devaient à la loi divine, en vertu de laquelle ils avaient tout récemment été mis en possession du pays de Chanaan? Si les maux que la chute d'Adam a attirés sur sa postérité sont très-bien représentés par le serpent mordant le talon de la semence de la femme, ceux que l'idolâtrie de la tribu de Dan attira sur tous les Israélites, ne méritent-ils pas justement d'être peints des mêmes couleurs? Jacob prévoyant que le venin du serpent ancien n'était pas encore épuisé, et qu'il se manifesterait un jour de nouveau dans les descendants de l'un de ses fils, à la ruine totale des autres, pouvait-il ne pas porter la vue sur la promesse de grâce faite à nos premiers pères, et l'espérance que Dieu leur avait donnée que la tête du serpent serait enfin écraséc?

(1) Voyez Juges 18, 30, 31, comparé avec les An nales d'Ussérius.

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DISSERT. III. SUITE DU MÊME SUJET TRAITÉ PLUS PARTICULIÈREMENT.

Et cette vue pouvait-elle faire naître en lui d'autres sentiments que ceux qu'il exprime à la suite de sa prophétie ô Éternel, j'ai attendu ton salut?

Cette prophétie, envisagée de cette manière, nous fournit une preuve authentique de l'attente où les gens de bien étaient dès les temps les plus reculés, que Dieu les délivrerait un jour de la malédiction à laquelle la chute d'Adam les avait assujettis. L'espérance du salut dont il y est parlé a manifestement rapport aux maux que la morsure du serpent avait produits et produirait encore. Et quoique cette image soit ici employée pour prédire des malheurs à venir, et que le salut même qui devait y mettre fin fût encore bien éloigné; cependant l'espérance de ce salut était beaucoup plus ancienne que Jacob; elle fit toute sa consolation pendant sa vie, et surtout aux approches de sa mort, lorsqu'animé de l'esprit prophétique il voyait en éloignement et la conduite criminelle, et le sort malheureux de sa postérité.

Réunissez ces diverses circonstances, et voyez s'il est possible d'imaginer d'autre salut qui réponde aux idées qu'elles font naître dans l'esprit, que celui qui résulte de la promesse que Dieu fit à nos premiers pères, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent.

La manière vive et ardente dont le patriarche Jacob exprime l'attente où il était à cet égard, a porté quelques interprètes à l'entendre du salut que le Messie devait procurer aux hommes, comme étant le seul objet digne d'occuper ses derniers moments, et le seul capable de le soutenir et de le consoler aux approches de la mort. Cependant ces interprètes n'ont point regardé la prophétie qui précède comme conduisant à cette espérance; ils l'ont rapportée à la déJivrance temporelle qu'un des descendants de Dan devait opérer un jour (1). Mais ce qui fait voir que cet oracle avait toujours été entendu de manière à fixer une note d'infamie sur la tribu de Dan, et non pas à célébrer ses triomphes, c'est une ancienne tradition fondée là-dessus, savoir que l'Antechrist sortirait de cette tribu (2). Car qu'est-ce qui pouvait avoir donné lieu à une pareille tradition, sinon que les termes qui caractérisent Dan, sont précisément les mêmes dont Moïse se sert pour désigner celui qui tenta Ève, le premier et le grand Antechrist, qui devait être en inimitié perpétuelle avec la semence de la femme, et faire constamment la guerre aux saints, avec assez de succès pour leur mordre souvent le talon.

Le chapitre 7 de l'Apocalypse semble indiquer quelque chose d'approchant; car on y voit que, dans l'énumération des douze tribus qui avaient été scellées du sceau de Dieu, celle de Dan tout entière est

(1) Adest huic expositioni Thargum Hierosolymitanum..... Dixit pater noster Jacob..... Expecto redemptionem Messiæ filii David, qui venturus est ut adducat sibi filios Israel, cujus redemptionem exspectat et desiderat anima mea. Eademque habentur in paraphrasi Chaldaicâ editionis Complutensis. Pererius in locum. (2) Voyez le dictionnaire de D. Calmet, sous le mot Dan.

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omise, comme si elle eût été rejetée et traitée de semence du serpent. Il paraît que le premier dessein de la Providence avait été d'établir la république d'lsraël sous douze chefs; et cependant Lévi n'eut aucune part à l'héritage du pays de Chanaan, comme les autres tribus, Dieu ayant pourvu d'une autre manière à sa subsistance (1). De même dans les révélations de S. Jean, la tribu de Dan ne paraît avoir aucune portion au royaume du Messie. Dans l'un et l'autre cas les deux fils de Joseph sont admis pour compléter le nombre des douze tribus. Comme donc Lévi fut exclu de l'alliance temporelle faite avec Abraham, en vertu de laquelle sa postérité devait posséder la terre promise; Dan le fut pareillement de l'alliance spirituelle, ou de la promesse qui devait s'accomplir par le moyen de celui en qui toutes les nations de la terre seraient bénies. Et c'est une chose digne de remarque, que Jacob en bénissant les fils de Joseph, les adopta pour ses propres fils, et les établit chefs de deux tribus distinctes (2): de sorte qu'il devait naturellement y avoir treize tribus ; mais de la manière que les choses furent ménagées, cette substitution ne fit qu'en conserver le nombre de douze. Ceci n'arriva point par hasard, quoique je ne prétende pas rendre raison de cette dispensation de la Providence.

J'ai déjà fait voir que le style figuré de la première prophétie donnée aux hommes, représentant le triomphe de la semence de la femme sous cette expression, écraser la tête du serpent se trouve souvent employé dans les oracles postérieurs. C'est ainsi qu'il est fait mention d'un pouvoir donné sur les serpents et les scorpions, de marcher sur la vipère, et de fouler aux pieds le dragon, etc. Le fréquent usage de ce style dans l'Ecriture sainte et l'application qui en est faite à la semence promise, peuvent servir à rendre raison des artifices du démon en tentant Notre-Seigneur.

Il est manifeste qu'il souhaitait de savoir si Jésus était le Fils de Dieu, le Messie attendu avec tant d'impatience, et dont il n'ignorait pas que la venue devait lui être extrêmement fatale. Pour s'en assurer, il tåche de découvrir s'il voudrait, en s'arrogeant le pouvoir attaché au titre de Messie, reconnaître que ce glorieux titre lui appartenait. Si vous êtes le Fils de Dieu, lui dit-il (Matth. 4, 6), jetez-vous en bas: car il est écrit qu'il donnera ordre à ses anges d'avoir soin de vous, et de vous porter entre leurs mains, de peur que votre piel ne heurte contre quelque pierre. Cette citation est tirée du psaume 91, v. 11, 11. Si on en examine les termes en eux-mêmes et indépendamment de la suite, ils expriment d'une manière figurée la promesse d'un soin particulier de la Providence envers la personne à qui ces paroles sont adressées, et peuvent très-bien s'appliquer à David lui-même, ou à quelque autre fidèle chéri du ciel. D'où vient donc que le tentateur les considère comme regardant ce lui-là seul qui devait être le Fils de Dieu ? C'est ce qu'il ne pouvait assurément pas inférer des termes (1) Voy. Nomb. 18, 14. Jos. 14, 3, et 13, 35. (2) Voy. Gen. 48, 16.

mêmes; mais dans le verset qui suit immédiatement. on trouve un autre caractère de la même personne dont il s'agit ici, sur lequel il ne pouvait pas se tromper car cette personne, dont les anges auraient ordre de prendre un soin particulier, devait marcher sur le lion (1) et sur l'aspic, et fouler aux pieds le jeune lion et le dragon. A ce trait remarquable, il connut aisément qui était celui que toute cette prophétie regardait d'une façon particulière: il n'ignorait pas que c'était le Messie qui devait lui écraser la tête ; et quoiqu'il ne demandât pas directement à Notre-Seigneur s'il était ce Messie, il le fit d'une manière détournée, en tâchant de savoir s'il voudrait avouer qu'une autre partie de la même prophétie le regardait personnellement. Si l'expression de marcher sur le serpent et l'aspic, sur le lion et le dragon n'eût emporté autre chose sinon que les descendants d'Adam et d'Eve détruiraient de temps en temps les serpents de diverse espèce, le tentateur n'aurait eu aucun lieu de supposer que celui qui devait fouler aux pieds le dragon, elc., était le Fils de Dieu.

Il ne faut que jeter la vue sur la condition présente de ce monde, où le péché et la mort dominent en tyrans, et se manifestent sous toutes les formes possibles dé violence, de fraude et d'injustice, par des maladies et des infirmités sans nombre, et par des misères si fréquentes et si tristes qu'on ne saurait les décrire, pour se convaincre que la première partie de la prophétie, donnée d'abord après la chute, a eu son parfait accomplissement. Le talon de la semence de la femme n'a été que trop brisé, et ne cessera de l'être jusqu'à ce que la mort, le dernier ennemi, soit. détruite. D'un autre côté, les enfants du royaume ont été rachetés par le sang de Jésus-Christ, et sont élcvés sous la discipline des afflictions qui les environnent, et la conduite du S.-Esprit, pour être les héritiers de la gloire et de l'immortalité céleste. Le temps viendra que le Fils de l'homme paraîtra revêtu d'un pouvoir absolu, et avec la gloire du Père, pour détruire tous ses ennemis. Alors le grand dragon, l'ancien serpent, qui est appelé diable et Satan (voyez Apoc. 12, 9, etc.), sera lié de chaînes, et précipité dans l'étang de feu et de soufre; et comme les jugements de Dieu dénoncés aux méchants auront leur plein effet, toute malédiction cessera (2). Alors ce qui avait été perdu par la chute de nos premiers pères, sera abondamment recouvré, le paradis sera rétabli, l'arbre de vie donnera de nouveau son fruit, et les feuilles de cet arbre seront pour la guérison des nations (voyez Apoc. 22, 2).

(1) Le terme de l'original que nos versions ont rendu par celui de lion, désigne, suivant Bochart, une espèce particulière de serpent.

(1) Καὶ πᾶν κατανάθεμα οὐκ ἔσται ἔτι. Nos versions traduisent, et il n'y aura plus d'anathème, ou de malédiction, comme si ces paroles contenaient une promesse que Dieu n'infligerait point de nouvelle malédiction aux hommes. Mais le véritable sens est que toute malédiction, actuellement infligée, cesserait; que celle qui avait été dénoncée d'abord après la chute, et dont les funestes effets s'étaient manifestés

Dissertation iv.

DE LA BÉNÉDICTION DONNÉE PAR JACOB A JUDA, Gen. 49.

Jacob sur le point de mourir appela ses fils, et les bénit, chacun d'eux selon sa propre bénédiction (1); c'est-à-dire, qu'il donna à chacun d'eux une bénédiction particulière. Voici comme il parle à Juda. Vers. 8. JUDA, quant à toi, tes frères te loueront ; ta main sera sur le cou de tes ennemis, les fils de ton père se prosterneront devant toi.

Vers. 9. Juda est un faon de lion; mon fils, tu es revenu de déchirer ta proie: il s'est courbé, il gil comme un lion qui est en sa force, et comme un vieux lion. Qui l'éveillera ?

Vers. 10. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que le Schiloh vienne; et c'est à lui qu'appartient l'assemblée des peuples.

Vers. 11. Il attache à la vigne son ânon, et le petit de son ânesse à un cep excellent; il lave son vêtement dans le vin, et son manteau dans le sang des raisins.

Il n'y a point de prophétie dans le vieux Testament, qu'on ait interprétée de tant de manières, et sur la quelle on ait fait tant de recherches critiques. On ferait un volume, si l'on voulait rapporter exactement les divers sentiments des savants là-dessus. Ceux qui souhaiteront de s'en instruire peuvent consulter MM. Huet (Démonst. évang., cap. 4, prop. 9), le Clerc (Comment. in locum), et Saurin (Discours historiques, etc., disc. 41).

Il semblera peut-être que ce soit une grande présomption, que d'entreprendre d'éclaircir cette fameuse prophétie, après toutes les peines que se sont données pour cela des savants du premier ordre; mais comme je n'ai pas la moindre pensée de faire parade d'érudition ou de beaucoup de lecture, et que je me propose simplement de donner à l'important oracle que les paroles de Jacob renferment, un sens clair et naturel, qui me paraît naître de l'état et des circonstances mêmes des choses dans le temps que ces paroles furent prononcées, j'espère qu'on ne m'accusera pas de vanité ou d'ostentation.

Il y a un passage dans le livre de l'Ecclésiastique, qui nous servira comme de clé pour nous faire connaître la nature des bénédictions données par Jacob aux douze tribus. L'auteur de ce livre, le fils de Sirach, remarque (44, 19, etc.) que Dieu donna son alliance à Abraham, qu'il l'établit avec Isaac, et qu'il la fit reposer sur la tête de Jacob. Jusque-là la bénédiction entière avec toutes ses dépendances fut communiquée successivement à une seule personne en particulier; mais il n'en fut pas de même dans la suite car Dieu distribua les portions de Jacob, il les

dans tous les siècles, de même que toutes les autres qui avaient affligé le genre humain, seraient entièrement abolies par la destruction totale de l'ancien serpent, et la victoire du Fils de l'homme.

(1) Vers. 28. Benedictionibus suis propriis, Vulg.

partagea entre les douze tribus (ibid., v. 25). Il n'y a pas de doute que ce passage ne se rapporte à l'établissement et à la bénédiction des tribus par Jacob, dont il est parlé dans les chapitres 48 et 49 de la Genèse; et il nous montre assez clairement, que les diverses bénédictions données aux diverses tribus n'étaient que des portions de celle que Jacob avait reçue d'Isaac, Isaac d'Abraham, et Abraham immédiatement de Dieu. Suivant cela, les diverses bénédictions mentionnées dans le chapitre 49 et assignées aux diverses tribus, doivent être considérées comme une explication de la bénédiction originale donnée à Abraham; et ainsi il faut que cette bénédiction de laquelle les autres dérivent, limite et détermine le sens des bénédictions particulières, qui ne sauraient s'étendre audelà des bornes de la première promesse.

Mettant à part l'autorité du fils de Sirach, il est raisonnable de penser que cela a dû être ainsi, vu la pratique usitée dans la famille d'Abraham, de faire passer constamment au fils la bénédiction du père. Quand donc nous voyons Jacob bénir tous ses enfants, que pouvons-nous croire, sinon qu'il transmet à sa postérité la bénédiction qu'il avait lui-même reçue? Nous n'en saurions même douter, si nous remontons au commencement du chapitre 48 de la Genèse, où ce patriarche adopte Ephraim et Manassé, fils de Joseph, les établissant chefs de tribus dans sa famille, et leur donnant par conséquent le droit de partager avec ses propres fils le pays de Chanaan: car il fonde le pouvoir qu'il a de distribuer comme il fait ce pays, sur le don que Dieu lui en avait fait à lui-même. Jacob dit à Joseph: Le Dieu fort, tout-puissant, m'a apparu à Luz au pays de Chanaan, et m'a béni, me disant, voici je te ferai croître et multiplier, et je te ferai devenir une multitude de peuples, et je donnerai ce pays à ta postérité après toi en possession perpétuelle ; et maintenant les deux fils qui te sont nés au pays d'Egypte avant que je vinsse vers toi, sont à moi : Ephraïm et Manassé seront miens comme Ruben et Siméon (Gen. 48, v. 3, 4, 5).

Vous voyez que Jacob ne fait précéder le privilége qu'il accorde à la famille de Joseph, que du simple récit de la promesse que Dieu lui avait faite de le faire multiplier, et de lui donner et à sa postérité après lui le pays de Chanaan; car ce privilége ne s'étendait pas au delà des termes de cette promesse divine.

Mais la bénédiction d'Abraham transmise à sa postérité choisie consistait en deux parties: savoir la promesse du pays de Chanaan, et la promesse d'un fils en qui toutes les nations de la terre doivent être bénies. Ces deux promesses avaient été jusque-là réunies inséparablement ; et nous verrons qu'elles continuèrent à l'être dans un certain degré jusqu'à la fin. Voici les termes dans lesquels elles sont exprimées successivement.

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Dieu te donne de la rosée des cieux, et de la graisse de la terre, et abondance de froment et de vin. Gen. 27, 28.

Je l'ai fourni de froment et de vin doux. Genèse 27, 37.

Je donnerai la terre sur laquelle tu dors, à toi et à la posterité. Et ta posté rité sera comme la poudre de la terre, et tu te répandras à l'Occident et à l'Orient, et au Septentrion et au Midi. Gen. 28, 13, 14.

A LA TRIBU DE JUDA.

Juda est un faon de lion; mon fils, tu es revenu de déchirer ta proie: il s'est courbé; il git comme un lion qui est dans sa force, et comme un vieux lion. Qui l'éveillera? Le

Abraham deviendra certainement une nation grande et puissante; et en lui seront bénies toutes les natons de la terre. Genèse, 18, 18.

A ISAAC. Toutes les nations de la terre seront bénies en la semence. Gen. 26, 4.

A JACOB.

Le plus grand servira au moindre. Gen. 25, 23.

Que les peuples te servent, et que les nations se prosternent devant toi; sois maitre sur tes frères, et que les fils de ta mère se prosternent devant toi. Quiconque te maudira soit maudit, et quiconque te bénira soit béni. Gen. 27, 29.

Voici je l'ai établi maitre sur toi, et je lui ai donné tous ses frères pour serviteurs. Gen. 27, 37.

Toutes les nations de la terre seront bénies en toi et en ta semence. Gen. 28, 14.

A LA TRIBU DE JUDA.

Juda, quant à toi, les frères te loueront ; ta main sera sur le cou de tes ennemis: les fils de ton père se

prosterneront devant toi. Gen. 49, 8.

Jusqu'à ce que le Schi

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Si l'on n'admet pas que les paroles que je viens d'alléguer comme renfermant la promesse de la semence bénie faite à la tribu de Juda, doivent effectivement être prises dans ce sens, il n'y en a point d'autres, entre toutes celles qui se rapportent à cette tribu, ou à aucune autre des tribus, qui expriment en quelque façon que ce soit, et beaucoup moins qui établissent cette partie de la bénédiction de Jacob. Et cependant on a jamais douté parmi les Juifs, ni avant ni après la venue de Jésus-Christ, que la promesse du Messie n'eût été restreinte à la tribu de Juda dans cette bénédiction particulière. D'ailleurs il n'est pas raisonnable de penser que Jacob, partageant sa bénédiction entre ses enfants, en eût oublié la première et la principale partie, qui lui avait été transmisc à lui-même par Isaac de la manière la plus solennelle outre que l'expression qui est ici employée. Quant à toi, tes frères te loueront, est équivalente à ce qui avait été dit à Abraham: Tu seras bénédiction, et à ce qui avait été dit à Jacob, Quiconque te bénira soit béni; et par conséquent elle doit signifier la même chose. Mais j'ai déjà traité cette matière dans les discours précédents, et je ne veux pas fatiguer le lecteur, ni me charger moi-même de répétitions inutiles. La promesse de la semence bénie ne pouvait être divisée car un homme ne saurait descendre que d'une tribu, ni un fils naître que d'un père; et, par conséquent, cette partie de la bénédiction de Jacob passa tout entière à la tribu de Juda. Toutes les autres tribus ont leur bénédiction particulière assignée sur la terre promise; et les interprètes n'ont que faire de se fatiguer à chercher en quoi c'est que consiste celle de quelques-uns des enfants de Jacob, à qui, ou de qui il est dit très-peu de chose car l'avantage qu'ils eurent d'être faits chefs de tribus, leur donna le droit d'avoir une part dans le pays de Chanaan; et ce fut en cela que leur bénédiction consistait, et par cela qu'ils reçurent une portion de la bénédiction de leur père.

La promesse que Dieu fit à Abraham de multiplier sa postérité, et de la mettre en possession du pays de Chanaan, emportait nécessairement la promesse d'une autorité et d'une domination temporelle: car un peuple ne saurait posséder un pays sans y établir quelque forme de gouvernement. Ainsi toutes les promesses d'une nombreuse postérité, de force et de courage pour vaincre ses ennemis, et autres semblables, sont annexées à celle du pays de Chanaan, et doivent s'y rapporter. Par exemple, lorsque nous voyons le caractère de Juda décrit en ces termes : Juda est un faon de lion; mon fils, tu es revenu de dé

chirer ta proie: il s'est courbé, et il git comme un lion qui est dans sa force, et comme un vieux lion. Qui le réveillera? A quoi pouvons-nous appliquer ces images, qui donnent une idée de courage et de bravoure, qu'à l'humeur martiale de la tribu de Juda, et aux victoires qu'elle remporta sur les anciens habitants du pays de Chanaan? De même toutes les promesses d'abondance font partie de la promesse que Dieu fit à Abraham et à sa postérité, de leur donner un pays découlant de lait et de miel. Il est dit de Juda..... Il attache à la vigne son ânon, et le petit de son ânesse à un fort bon cep; il lave son vêtement dans le vin, et son manteau dans le sang des raisins; il a les yeux vermeils de vin, et les dents blanches de lait.

C'est ici une partie de la bénédiction de Jacob, qu'on ne peut naturellement déduire d'aucune autre partie de la bénédiction qu'il avait lui-même reçue de son père, que de celle-ci : Dieu te donne de la rosée des cieux, et de la graisse de la terre, et abondance de froment et de vin (Gen. 27, 28).

Mais il nous reste encore à expliquer le passage où il est fait mention du sceptre de Juda; voici quels en sont les termes :

Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d'extre ses pieds, jusqu'à ce que le Schiloh vienne; et c'est à lui qu'appartient l'assemblée des peuples.

La promesse faite à Abraham emportait, qu'il serait le père de plusieurs nations (ibid., 17, 5); et il est dit de Sara, qu'elle serait mère de nations, et que des rois de peuples sortiraient d'elle (vers. 10). De même Isaac bénit Jacob en ces termes (ibid., 28, 3): Le Dieu fort, tout-puissant, te fasse foisonner, afin que tu deviennes une multitude de peuples. La succession dans la famille d'Abraham passa toujours tout entière à un seul héritier jusqu'au temps de Jacob; ce patriarche fut le premier qui eut une nombreuse lignée, et dont tous les enfants eurent droit aux promesses faites à leurs pères. Les fils de Jacob vécurent avec lui simplement comme membres de sa famille, jusqu'à ce qu'il vint en Égypte : car, dans l'énumération des personnes qui firent ce voyage avec lui, il est parlé d'eux, non comme de chefs de tribus, mais seulement comme de tout autant de têtes qui appartenaient à sa famille. Toutes les personnes, dit l'historien sacré (ibid., 46, 26), qui vinrent en Égypte avec Jaccb, et qui étaient sorties de sa hanche, étaient en tout soixante et six, outre les femmes des fils de Jacob; auxquels ajoutant Jacob lui-même, Joseph et ses deux fils nés en Égypte, il dit (ibid., vers. 27): Toutes les personnes de la maison de Jacob, qui vinrent en Égypte, furent soixante et dix. Jusqu'ici il n'est fait mention d'aucune tribu, ni d'aucune autre maison que de la maison de Jacob. Les choses continuèrent dans cet état pendant les dix-sept ans que Jacob vécut en Égypte; car on n'y voit pas la moindre trace de pouvoir ou d'autorité dans quelques gouverneurs, anciens, ou chefs de tribus que ce soit, sinon dans la seule personne de ce patriarche. Et comment cela aurait-il pu être, avant qu'il y eût aucune tribu, nj

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