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MANUEL

DE PIÉTÉ.

FÉNÉLON. XVIII.

I

MANUEL DE PIÉTÉ.

AVIS SUR LA PRIÈRE

ET SUR LES PRINCIPAUX EXERCICES DE PIÉTÉ.

I. L'EXCELLENTE prière n'est autre chose que l'amour de Dieu. L'excellence de cette prière ne consiste pas dans la multitude des paroles (1) que nous prononçons; car Dieu connoît, sans avoir besoin de nos paroles, le fond de nos sentimens. La véritable demande est donc celle du cœur, et le cœur ne demande que par ses désirs. Prier est donc désirer, mais désirer ce que Dieu veut que nous désirions. Celui qui ne désire pas du fond du cœur fait une prière trompeuse. Quand il passeroit des journées entières à réciter des prières, ou à méditer, ou à s'exciter à des sentimens pieux, il ne prie point véritablement s'il ne désire pas ce qu'il demande.

II. O qu'il y a peu de gens qui prient! car où sont ceux qui désirent les véritables biens? Ces biens sont les croix extérieures et intérieures, l'humiliation, le renoncement à sa propre volonté, la mort à soimême, le règne de Dieu sur les ruines de l'amourpropre. Ne point désirer ces choses, c'est ne prier point pour prier il faut les désirer sérieusement,

(1) Matth. VI. 17.

effectivement, constamment, et par rapport à tout le détail de la vie; autrement la prière n'est qu'une illusion semblable à un beau songe, où un malheureux se réjouit, croyant posséder une félicité qui est bien loin de lui. Hélas! combien d'ames pleines d'elles-mêmes, et d'un désir imaginaire de perfection au milieu de toutes leurs imperfections volontaires, qui n'ont jamais prié de cette véritable prière du cœur! Voilà le principe sur lequel saint Augustin disoit : Qui aime peu, prie peu; qui aime beaucoup, prie beaucoup. >>

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III. Au contraire, on ne cesse point de prier quand on ne cesse jamais d'avoir le vrai amour et le vrai désir dans le cœur. L'amour caché au fond de l'ame prie sans relâche, lors même que l'esprit ne peut être dans une actuelle attention : Dieu ne cesse de regarder dans cette ame le désir qu'il y forme lui-même, et dont elle ne s'aperçoit pas toujours. Ce désir en disposition touche le cœur de Dieu; c'est une voix secrète qui attire sans cesse ses miséricordes ; c'est cet Esprit, qui, comme dit saint Paul (1), gémit en nous par des gémissemens ineffables; il aide notre foiblesse.

IV. Cet amour sollicite Dieu de nous donner ce qui nous manque, et d'avoir moins d'égard à notre fragilité qu'à la sincérité de nos intentions. Cet amour efface même nos fautes légères, et nous purifie comme un feu consumant; il demande en nous et pour nous ce qui est selon Dieu (2). Car, ne sachant pas ce qu'il faut demander, nous demanderions souvent ce qui nous seroit nuisible. Nous demanderions certaines (1) Rom. viii. 26. — (2) Ibid. 27.

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