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terre sont pressés. Nous avons néanmoins chanté la messe; nous chanterons vêpres d'un cœur joyeux !

« Nos péchés ont lapidé Jésus : en portant à la sueur de nos fronts ces pierres pour la gloire de Jésus, nous demandons la rémission de nos péchés. Chrétiens, ne vous scandalisez pas de ce travail d'amour et de pénitence, mais priez pour nous.

« Que cette église bâtie de nos sueurs et de nos repentirs s'élève en peu de jours et dure de longues années ! Que nos tombes s'ouvrent dans son ombre bénie! Que la foi des enfants s'y alimente de la foi des pères! »

Du village, d'autres femmes partaient pour relayer celles d'en haut. Elles étaient en habit de dimanche, alertes sous l'ardeur du soleil. Elles nous saluèrent gracieusement. Filles de Dieu, priez pour nous!

Au logis nous trouvâmes plusieurs curés. Chacun voulut conter en l'honneur de sa paroisse quelque trait analogue à ce que nous venions de voir. O pères et pasteurs! gardez bien le trésor que Dieu vous a confié.

Demeurez tels que vous êtes, et ne craignez rien. L'ennemi ne vous ravira pas vos paysans.

Comment ces hommes droits haïraient-ils le prêtre bon et pur qui les aime, qui les console, qui les secourt, qui

est plus instruit qu'eux, meilleur qu'eux, et qui se fait leur serviteur?

Dieu a pris ses sûretés contre le péché. Il a mis dans la nature humaine un fond de justice qui résiste à toute corruption.

Rarement un homme peut descendre à ne plus admirer ce qui est beau, à ne plus aimer ce qui est bien, à ne plus croire ce qui est vrai.

En vain le vice et le sophisme s'y appliquent. Tout leur succès sur les individus ne parviendra pas à dégrader jusque-là l'humanité tout entière.

L'humanité ne peut tout entière et complétement appartenir au mal. Dieu la ressaisira par cette impuissance sublime.

III

LES ROMANS.

VOICI, nous dit le chevalier, ce qui s'est passé dans

cette maison aux volets verts qui regarde le lac pardessus son petit mur de briques roses drapé de clématite

et de jasmin d'Espagne. Dans tout le pays il n'y a point d'histoire plus tragique ni de maison plus gaie.

« La comtesse avait vingt ans. Elle était très-belle, pieuse, modeste, intelligente. Le comte était riche, bien fait, d'un esprit peut-être un peu froid, mais galant homme, plein de religion et d'honneur.

« Un parent, un élégant qui parlait bien, qui dansait bien, qui montait bien à cheval, l'élégant que tout le monde a vu, · s'introduisit dans cette maison et rêva d'en troubler le bonheur, c'est-à-dire l'inno

cence.

un sot,

<< Il apporta quelques mauvais livres. L'inattentif mari ne comprit pas le danger; la femme lut avidement, en provinciale qu'elle était, par cette belle raison, trèsstupide et de grand usage, qu'une femme du monde doit connaître la littérature du monde.

« J'en ai vu des plus femmes de bien, et du plus haut rang (je ne dis pas du plus haut emploi dans les emplois on trouve d'étranges figures); j'ai vu de vraies dụchesses, de vraies marquises, fleurs de nom et de race, jeunes mariées, jeunes mères, pleines de fierté,

« Qui lisaient madame Sand, M. Hugo, M. de Musset, et bien d'autres. Et même, ô poëtes, humiliez-vous!

leur goût secret et leur admiration étaient pour

M. Sue. « C'est un infâme, disent-elles, mais l'on doit avouer qu'il écrit bien ! »

« Voilà ce que j'ai entendu, moi, des propres descendantes de ces jeunes filles pour qui Racine écrivit Esther et Athalie. Il y a encore une France, il y a encore quelques Français; mais des Françaises, peut-être qu'il n'y en a plus!

« Les Françaises parties, que restera-t-il? Que tirera le monde des Moscovites et des Autrichiennes qui jouent les comédies de M. Caraguel? Mes amis, les femmes s'en vont! La littérature les emporte. Elles continuent de lire des romans lorsqu'on leur a montré les auteurs. Connaissez-vous l'histoire de Balzac à Turin ?

<< Balzac vint à Turin, et on lui donna des fêtes. Vous avez rencontré ce gros homme, d'un aspect assez trivial. Son aplomb parut l'assurance du mérite. J'entrai dans une maison noble où l'on venait de le régaler. C'était l'heure des encensements. Balzac reniflait tout d'un air dédaigneux et qui disait : « Encore! »

« L'auteur de Mie Prigioni se trouvait là. Ce bon Silvio, la politesse même, voulut aussi complimenter le héros. Il ne savait trop comment s'y prendre. «Monsieur, lui dit-il, sans doute que, peignant tant de vices, vous vous êtes pourtant proposé un but moral ? »

«Silvio pensait lui fournir l'occasion de faire briller son

esprit et d'en réparer un peu les erreurs. «Ma foi, monsieur, répondit l'impudent, je me suis proposé de me faire quarante mille francs de rente. J'en ai déjà vingt mille. »

<< Il croyait dire une gentillesse. Pourtant cette grossièreté révolta. On le lui fit sentir; il ne s'en tira pas magnifiquement. Il s'éteignit et ne put se rallumer de toute la soirée. Mais les femmes continuèrent de lire ses livres, au grand détriment de leur cervelle.

« J'ignore si ma pauvre petite comtesse avait lu Balzac ou si elle admirait davantage madame Sand. Ce que je sais trop, c'est que sa pauvre tête partit. La voilà prise d'une passion violente pour le lâche faquin qui s'était introduit dans sa maison.

<< Elle n'a pas cessé d'être vertueuse. Cette passion lui fait horreur. Sans trouver le courage de fuir, elle combat, elle prie, elle pleure. Elle ne quitte les églises que pour s'enfermer dans son oratoire. C'était ce petit. pavillon que tapisse un églantier. Combien de soupirs ont entendus les roses?

<< Tout le monde voit que la malheureuse souffre et sc meurt, et nul ne devine son secret. Celui qui la tue rédouble le poison, dans l'attente d'un triomphe prochain. Son triomphe sera terrible. Moins affreux pourtant qu'il n'a l'ignominie de l'espérer !

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