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LES SERMONS.

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REMARQUES HISTORIQUES.

Cette édition renferme, au commencement de chaque sermon, des notes succinctes qui font connoître le temps de leur apparition pour ainsi dire dans la chaire évangélique, les circonstances qui ont présidé à leur composition et quelquefois les divers changemens ou altérations qu'ils ont subis dans leur impression. Laissant à d'autres, si l'on ose encore l'entreprendre, le soin de louer l'Orateur sacré qui ne permet que le silence de l'admiration, nous donnerons seulement quelques indications historiques pour compléter nos remarques; nous dirons brièvement à quelle époque Bossuet a prononcé ses sermons, comment il les composoit et de quelle manière on les a reproduits.

§ I.

Né à Dijon le 27 septembre 1627, Bossuet fit ses premières études dans sa ville natale, au collège des Godrans, qui, parmi ses élèves, a compté de Brosses, Rameau, Saumaise, La Monnoie, Crébillon, Buffon, etc. En 1642, à l'âge de quinze ans, il vint étudier la philosophie et la théologie à Paris, au collège de Navarre, dirigé par le docte et pieux Cornet. L'année suivante, à l'hôtel de Rambouillet, il improvisa devant une nombreuse réunion de savans et de poëtes, après quelques minutes de réflexion, un sermon dont le sujet lui fut indiqué par la compagnie; et comme il se retiroit vers minuit couvert d'applaudissemens et d'éloges, Voiture, regardant sa montre, lui dit qu'il n'avoit jamais entendu prêcher ni sitôt ni si tard. Il répéta quelque temps après, avec un égal bonheur, cette épreuve à l'hôtel de Vendôme, en présence de trois prélats; un de ses auditeurs, l'évêque de Lisieux, le célèbre prédicateur Cospean l'avertit de se défier de ses talens mêmes, TOM. VIII.

a

lui conseillant de ne monter dans les chaires de la capitale qu'après de longues et fortes études; et quand il fut seul avec ses illustres collègues, il leur prédit que cet enfant deviendroit une des plus grandes lumières de l'Eglise. En 1648, le prince de Condé, suivi d'un nombreux état-major, se rendit au collège de Navarre pour assister à sa tentative ou thèse de bachelier; la lutte fut vive, animée, tellement que le grand capitaine, déjà célèbre par les victoires de Rocroi, de Nordlinguen, de Fribourg, et non moins habile dans les joutes de l'école que sur les champs de bataille, ne s'empêcha pas sans peine d'attaquer ce tenant redoutable, âgé de vingt ans. Admis vers le même temps dans la confrérie du Rosaire existant au collège de Navarre, il prononça sur la dévotion à la sainte Vierge plusieurs sermons, dont ses maîtres voulurent consigner le souvenir dans le journal de l'établissement. Pendant le Carême de 1652, il alla faire à Saint-Lazare sa retraite de préparation au sacerdoce; et les deux plus grands hommes du siècle, l'un par le génie, l'autre par la charité, formèrent entre eux une liaison que la mort ne put rompre joignant un coup d'œil pénétrant à l'intuition que Dieu donne à ses saints, Vincent de Paul reconnut dans Bossuet la solidité de l'esprit, la droiture du caractère, la pureté des mœurs, la simplicité, la candeur, la modestie, l'humilité 1; et Bossuet écrivit au souverain Pontife vers la fin de sa vie, pendant le procès de canonisation qui devoit élever son saint ami sur les autels : « Le vénérable prêtre Vincent de Paul nous fut connu dès notre jeunesse, et c'est dans ses pieux discours et ses conseils que nous avons puisé les vrais et purs principes de la piété chrétienne et de la discipline ecclésiastique; souvenir qui, même à cet âge, nous est un charme merveilleux . » Après avoir reçu la prêtrise, suivant le conseil de l'évêque de Lisieux et aussi celui de Vincent de Paul, il se retira dans la province pour s'y fortifier par l'étude et la méditation; il alla se fixer à Metz, où son mérite et la considération de sa famille lui avoient obtenu depuis longtemps un canonicat, et tout récemment la place d'archidiacre. C'est alors, en 1652, à l'âge de vingt-cinq ans, qu'il commença d'exercer publiquement le ministère évangélique; et pendant un séjour de sept ans, il ne quitta son cabinet de travail que pour se rendre au chœur, ou dans la chaire, ou dans les établissemens de charité. Sans interrompre ses études continuelles, il fit plusieurs voyages à Paris dans l'intérêt du Chapitre; et vers 1634 il fut reçu membre de la célèbre conférence qui se tenoit à Saint-Lazare tous les mardis; Vincent de Paul n'admettoit dans ces savantes et pieuses réunions que les prêtres du plus grand mérite, si bien qu'il en vit sortir de son vivant le fondateur de Saint-Sulpice et celui des Mis'Saint Vincent de Paul, sa vie, son temps, etc., par M. l'abbé Maynard. - Lettre du 2 août 1702.

sions Etrangères, vingt-trois évêques ou archevêques, une multitude de vicaires généraux, d'officiaux, d'archidiacres, de chanoines, de supérieurs de séminaires ou de communautés religieuses. D'un autre côté, les sermons que Bossuet prêcha dans plusieurs églises à Paris, lui valurent de nombreux appels qu'on adressoit à son zèle de mille endroits à la fois. Il revint se fixer dans la capitale en 1659, à l'âge de trente-deux ans; et c'est de ce moment que date la grande époque de ses chefs-d'œuvre oratoires, qui ravirent l'admiration de tout ce que le clergé, la littérature, la science et la Cour renfermoient de nobles intelligences. Nommé précepteur du Dauphin en 1670, il ne reprit la parole, pendant douze ans, qu'à de rares intervalles. Il monta sur le siége de Meaux en 1682, pour inaugurer en quelque sorte une nouvelle époque dans sa mission apostolique; instruisant le peuple, dirigeant les prêtres, encourageant les religieux dans le chemin de la perfection chrétienne, il distribua le pain de la sainte parole pendant vingt-un ans, jusqu'à la dernière maladie qui vint en 1704 l'enlever à la conversion des pécheurs, à l'édification des ames, à la défense de l'Eglise.

D'après cet aperçu, la mission évangélique de Bossuet se divise en trois époques : celle de Metz ou de ses premiers essais dans la prédication, celle de Paris ou de ses chefs-d'œuvre oratoires, et celle de Meaux ou de ses exhortations pastorales. La première époque date de 1652 à 1659, la deuxième de 1659 à 1669, et la troisième de 1682 à 1703.

I.

Pour bien comprendre les sermons de la première époque, il faut connoitre les circonstances qui les ont pour ainsi dire provoqués. Pendant qu'ils étoient chassés de partout dans un de ces temps réparateurs qui leur font payer de longues années de fraudes et d'usure, les Juifs avoient su par des prêts habiles se ménager un asile dans la ville de Metz. « Ce peuple sans aucune forme de peuple, où tout est renversé, où il ne reste plus pierre sur pierre,» apparut à Bossuet portant sur le front la marque de la malédiction céleste, et fit retentir jusqu'au fond de son ame les lamentations prophétiques. Dans le même temps le fils d'un marchand d'œufs se leva, qui se dit en Orient le Messie promis pour rétablir le royaume d'Israël; ce nouveau Barcochebas, dont Bossuet nous a gardé le souvenir, se montroit tour à tour à Jérusalem, à Smyrne, à Constantinople, exerçant partout une incroyable séduction. Aussitôt les Juifs de Pologne, de Hollande, de France, de Portugal, tous allèrent offrir à Sabathai-Sevi leur culte et leur or. Le nombre de ses adorateurs allant toujours grossissant, la Porte conçut des craintes sérieuses et mit le messie judaïque en demeure de choisir entre le cordon et le turban. Il se décida pour l'isla

misme et prêcha le prophète de la Mecque avec autant de zèle qu'il s'étoit prêché lui-même; mais comme il continuoit en secret de se faire des prosélytes pour en obtenir des présens, il fut jeté dans un cachot et mourut bientôt après. A la vue d'une si déplorable ignorance, le disciple de Vincent de Paul se sentit vivement pressé de porter la lumière évangélique parmi les Juifs: il consulta les paraphrases chaldaïques, les traditions talmudiques, les livres des rabbins; il étudia l'histoire de la nation déicide, les prédictions des prophètes, l'admirable économie de la Providence dans le mystère de la Rédemption; et son zèle ainsi dirigé par la science et vivifié par la charité chrétienne, opéra de nombreuses conversions, qui eurent un grand retentissement. Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que le résultat de ses recherches, le résumé de ses travaux, Bossuet les a consignés nonseulement dans le Discours sur l'histoire universelle, mais dans plusieurs sermons qui sont signalés dans cette édition.

D'un autre côté, le protestantisme avoit fait de grands progrès dans la ville de Metz, à tel point qu'il comptoit la moitié de la population dans ses rangs. Un ministre renommé, Paul Ferry, attaqua le catholicisme comme l'attaquent tous les hérétiques, en le défigurant, dans un livre intitulé: Catéchisme général de la réforme. C'est alors que Bossuet, âgé de vingt-sept ans, prit pour la première fois cette plume qui devoit produire tant d'œuvres immortelles; il voulut « instruire ses frères errans de la pureté de notre croyance; » et traçant pour ainsi dire le premier plan de cette célèbre Exposition qui fit époque dans le monde, <«< il exposa la doctrine catholique en toute sa simplicité 1. » La réfutation du nouveau système évangélique eut le plus grand succès; les protestans furent profondément ébranlés, si bien qu'ils alloient en foule demander à l'auteur de nouveaux éclaircissemens. Pour donner une impulsion décisive au mouvement qui se manifestoit de toutes parts, il organisa, de concert avec Vincent de Paul, une mission qui dura trois mois. Pendant que les ouvriers évangéliques envoyés par l'apôtre de la charité prêchoient à la cathédrale, il remplissoit le mème ministère à la citadelle.

En embrassant la foi catholique, en même temps qu'ils trouvoient un abri dans la maison de leur Père céleste, les Juifs et les protestans perdoient ordinairement, avec l'affection de leurs parens terrestres, l'unique asile qu'ils avoient dans ce monde. Les personnes du sexe étoient recueillies dans l'humble demeure d'une sainte femme, appelée Alix Clerginet. Lorsque la pauvre veuve fut à bout de ressources, Bossuet s'empressa de la secourir : il sut intéresser à son œuvre les riches, les magistrats, le gouverneur de la province, Schonberg, non moins célèbre par sa piété que par ses victoires; il demanda des 1 Réfutation du Catechisme de Ferry.

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