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SERMON

POUR

LE DIMANCHE DE LA SEPTUAGÉSIME (@).

Erunt novissimi primi, et primi novissimi. Matth., XX, 16.

Parcet pauperi et inopi, et animas pauperum salvas faciet.

Il pardonnera au pauvre et à l'indigent, et il sauvera les ames des pauvres. sal. LXXI, 23.

Encore que ce qu'a dit le Sauveur Jésus, que les premiers ront les derniers et que les derniers seront les premiers, n'ait on entier accomplissement que dans la résurrection générale où s justes, que le monde avoit méprisés, rempliront les premières aces, pendant que les méchans et les impies, qui ont eu leur gne sur la terre, seront honteusement relégués aux ténèbres xtérieures; toutefois ce renversement admirable des conditions umaines est déjà commencé (b) dès cette vie, et nous en voyons s premiers traits (c) dans l'institution de l'Eglise. Cette cité merilleuse dont Dieu même a jeté les fondemens, a ses lois et sa lice, par laquelle elle est gouvernée. Mais comme Jésus-Christ

(a) Prêché dans le mois de février 1659, aux Filles de la Providence, devant acent de Paul et les fondatrices de l'ordre, la princesse de Condé, les duesses d'Orléans, d'Aiguillon, de Vendôme, mesdames de Brienne, de Séier, etc.

Une sainte veuve, Marie de Lumague, après avoir quitté la Cour, renvoyé sa te et vendu ses parures, recueilloit dans sa maison les filles repentantes. and ses ressources furent épuisées, Vincent de Paul vint à son aide; et bienl'on vit s'élever près du Val-de-Grace, par les libéralités de la reine mère, vastes bâtimens pour les pauvres orphelines.

C'est là que Bossuet, à la prière de Vincent de Paul, prononça notre sermon. péroraison, qui commence par ces mots : « Ouvrez les yeux sur cette maiindigente, » justifie la plupart des indications précédentes; et tout le disars réfute d'une manière éclatante l'accusation portée contre l'orateur, que amais la pauvreté ne lui arracha un seul cri. >>

joutons rapidement que l'auteur a écrit deux pages de ce sermon sur le dos deux lettres adressées, l'une « à Monsieur l'abbé de Bossuet, à Paris ; » l'autre Monsieur Bossuet, grand archidiacre de la cathédrale de Metz, à Paris. >> b) Var.: Ebauché. (c) Un commencement.

on instituteur est venu au monde pour renverser l'ordre que l'orgueil y a établi, de là vient que sa politique est directement opposée à celle du siècle, et je remarque cette opposition principalement en trois choses. Premièrement, dans le monde les riches ont tout l'avantage et tiennent les premiers rangs : dans le royaume de Jésus-Christ la prééminence appartient aux pauvres, qui sont les premiers-nés de l'Eglise et ses véritables enfans. Secondement, dans le monde les pauvres sont soumis aux riches et ne semblent nés que pour les servir; au contraire, dans la sainte Eglise, les riches n'y sont admis qu'à condition de servir les pauvres. Troisièmement, dans le monde les graces et les priviléges sont pour les puissans et les riches, les pauvres n'y ont de part que par leur appui au lieu que dans l'Eglise de Jésus-Christ les graces et les bénédictions sont pour les pauvres, et les riches n'ont de priviléges que par leur moyen. Ainsi cette parole de l'Evangile que j'ai choisie pour mon texte, s'accomplit déjà dès la vie présente: «Les derniers sont les premiers, et les premiers sont les derniers,» puisque les pauvres qui sont les derniers dans le monde sont les premiers dans l'Eglise ; puisque les riches qui s'imaginent que tout leur est dû, et qui foulent aux pieds les pauvres, ne sont dans l'Eglise que pour les servir; puisque les graces du Nouveau Testament appartiennent de droit aux pauvres, et que les riches ne les reçoivent que par leurs mains. Vérités certainement importantes et qui vous doivent apprendre, ô riches du siècle, ce que vous devez faire à l'égard des pauvres, c'est-à-dire honorer leur condition, soulager leurs nécessités, prendre part à leurs priviléges. C'est ce que je me propose de vous faire entendre avec le secours de la grace.

PREMIER POINT.

Le docte et éloquent saint Jean Chrysostome nous propose une belle idée pour connoître les avantages de la pauvreté sur les richesses; il nous représente deux villes, dont l'une n'est composée que de riches, l'autre n'a que des pauvres (a) dans son enceinte,

(a) Var. Dont l'une ne soit composée que de riches, l'autre n'ait que des

pauvres.

et il examine ensuite laquelle des deux est la plus puissante. Si nous consultions la plupart des hommes sur cette proposition, je ne doute pas, chrétiens, que les riches ne l'emportassent; mais le grand saint Chrysostome conclut pour les pauvres1, et il se fonde sur cette raison que cette ville de riches auroit beaucoup d'éclat et de pompe, mais qu'elle seroit sans force et sans fondement assuré. L'abondance ennemie du travail, incapable de se contraindre, et par conséquent toujours emportée dans la recherche des voluptés, corromproit tous les esprits et amolliroit tous les courages par le luxe, par l'orgueil, par l'oisiveté. Ainsi les arts seroient négligés, la terre peu cultivée (a), les ouvrages laborieux par lesquels le genre humain se conserve entièrement délaissés; et cette ville pompeuse, sans avoir besoin d'autres ennemis, tomberoit enfin par elle-même, ruinée par son opulence. Au contraire dans l'autre ville où il n'y auroit que des pauvres, la nécessité industrieuse, féconde en inventions et mère des arts profitables, appliqueroit les esprits par le besoin, les aiguiseroit par l'étude, leur inspireroit une vigueur mâle par l'exercice de la patience; et n'épargnant pas les sueurs, elle achèveroit les grands ouvrages qui exigent nécessairement un grand travail. C'est à peu près ce que nous dit saint Jean Chrysostome au sujet de ces deux villes différentes. Il se sert de cette pensée pour adjuger (b) la préférence à la pauvreté.

Mais à parler des choses véritablement, nous savons que la distinction de ces deux villes n'est qu'une fiction agréable. Les villes, qui sont des corps politiques, demandent, aussi bien que les naturels, le tempérament et le mélange: tellement que selon la police humaine cette ville de pauvres de saint Chrysostome ne peut subsister qu'en idée. Il n'appartenoit qu'au Sauveur et à la politique du ciel de nous bâtir une ville qui fût véritablement la ville des pauvres : cette ville c'est la sainte Eglise ; et si vous me demandez, chrétiens, pourquoi je l'appelle la ville des pauvres, je vous en dirai la raison par cette proposition que j'avance, que l'Eglise dans son premier plan n'a été bâtie que pour les pauvres, et qu'ils

1 Homil. XI De Divit. et paup., tom. XII, p. 505, 506.

(a) Var. La terre mal cultivée, la terre inculte et abandonnée. -(6) Donner.

:

sont les véritables citoyens de cette bienheureuse cité que l'Ecriture a nommée la cité de Dieu. Encore que cette doctrine vous paroisse peut-être extraordinaire, elle ne laisse pas d'être véritable; et afin de vous en convaincre, remarquez, s'il vous plaît, Messieurs, qu'il y a cette différence entre la Synagogue et l'Eglise, que Dieu a promis à la Synagogue des bénédictions temporelles, au lieu que, comme dit le divin Psalmiste, « toute la gloire de la sainte Eglise est cachée et intérieure: » Omnis gloria ejus filia regis ab intus1. « Dieu te donne, disoit Isaac à son fils Jacob, la rosée du ciel et la graisse de la terre. » C'est la bénédiction de la Synagogue. Et qui ne sait que dans les Ecritures anciennes, Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger leurs jours, que d'enrichir leurs familles, que de multiplier leurs troupeaux, que de bénir leurs terres et leurs héritages? Selon ces promesses, Messieurs, il est bien aisé de comprendre que les richesses et l'abondance étant le partage de la Synagogue, dans sa propre institution elle devoit avoir des hommes puissans et des maisons opulentes. Mais il n'en est pas ainsi de l'Eglise. Dans les promesses de l'Evangile, il ne se parle plus des biens temporels par lesquels l'on attiroit ces grossiers ou l'on amusoit ces enfans. Jésus-Christ a substitué en leur place les afflictions et les croix; et par ce merveilleux changement, les derniers sont devenus les premiers, et les premiers sont devenus les derniers, parce que les riches qui étoient les premiers dans la Synagogue n'ont plus aucun rang dans l'Eglise, et que les pauvres et les indigens sont ses véritables citoyens.

Quoique ces différentes conduites de Dieu dans l'ancienne et dans la nouvelle alliance soient fondées sur de grandes raisons qu'il seroit trop long de rapporter, nous en pouvons dire ce mot en passant, que dans le Vieux Testament Dieu se plaisant à se faire voir avec un appareil majestueux, il étoit convenable que la Synagogue son épouse eût des marques de grandeur extérieure: et au contraire que dans le Nouveau, dans lequel Dieu a caché toute sa puissance sous une forme servile, l'Eglise son corps mystique devoit être une image de sa bassesse et porter sur elle 1 Psal. XLIV, 14. · - Genes., XXVII, 39.

la marque de son anéantissement volontaire. Et n'est-ce pas pour cela, mes frères, que ce même Dieu humilié « voulant, dit-il, remplir sa maison, » ut impleatur domus mea1, ordonne à ses serviteurs de lui aller chercher tous les misérables? Voyez comme il en fait lui-même le dénombrement : « Allez-vous-en, dit-il, dans les coins des rues, Exi citò, et amenez-moi promptement, qui? les pauvres et les infirmes; qui encore? les aveugles et les impotens » Pauperes ac debiles, cæcos et claudos introduc huc. C'est de quoi il prétend remplir sa maison; il n'y veut rien voir qui ne soit foible, parce qu'il n'y veut rien voir qui n'y porte son caractère, c'est-à-dire la croix et l'infirmité. Donc l'Eglise de JésusChrist est véritablement la ville des pauvres. Les riches, je ne crains point de le dire, en cette qualité de riches, car il faut parler correctement, étant de la suite du monde, étant pour ainsi dire marqués à son coin, n'y sont soufferts que par tolérance, et c'est aux pauvres et aux indigens, qui portent la marque du Fils de Dieu, qu'il appartient proprement d'y être reçus. C'est pourquoi le divin Psalmiste les appelle « les pauvres de Dieu : » pauperes tuos. Pourquoi les pauvres de Dieu ? Il les nomme ainsi en esprit, parce que dans la nouvelle alliance il lui a plu de les adopter avec une prérogative particulière (a).

En effet, n'est-ce pas à eux qu'a été envoyé le Sauveur? « Dieu m'a envoyé, nous dit-il, pour annoncer l'Evangile aux pauvres : » Evangelizare pauperibus misit me. Ensuite n'est-ce pas aux pauvres qu'il adresse la parole, lorsque faisant son premier sermon sur cette montagne mystérieuse, où ne daignant parler aux riches sinon pour foudroyer leur orgueil, il porte la parole aux pauvres comme à ceux qu'il devoit évangéliser? « O pauvres, que vous êtes heureux, parce qu'à vous appartient le royaume de Dieu!» Si donc c'est à eux qu'appartient le ciel qui est le royaume de Dieu dans l'éternité, c'est à eux aussi qu'appartient l'Eglise qui est le royaume de Dieu dans le temps. Aussi comme c'est à eux qu'elle appartenoit, ce sont eux qui y sont entrés les premiers. B Ibid.,

1 Luc., XIV, 23. VI, 20.

2 Ibid.,

21. 3 Psal. LXXI, 2. ·

-

-Luc., IV, 18.

(a) Var. Parce qu'il les adopte avec une prérogative particulière.

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